Il est aujourd’hui l’intellectuel français le plus influent à l’étranger. Du reste, beaucoup de ses livres sont d’abord parus en anglais avant d’être publiés en France (où le monde académique ne lui a pas toujours réservé bon accueil). Tour à tour philosophe des sciences, sociologue du droit ou anthropologue du métro, cet esprit libre a mis au point une méthode bien à lui, à la fois savante et narquoise, pour décrire notre modernité, en particulier la façon dont la société produit des valeurs et des vérités. Depuis des années, dans ses livres comme dans ses expositions ou ses expériences théâtrales, il concentre son regard sur la catastrophe écologique et sur la manière dont l’humanité peut faire face à « Gaïa », autrement dit la Terre vivante, qui s’agite et rend les coups… Au lendemain d’élections européennes qui ont confirmé l’urgence de cette préoccupation, Bruno Latour fait ici le lien entre ces enjeux et des phénomènes politiques comme les « gilets jaunes » ou le « populisme ». Revenant aussi sur son propre itinéraire, il évoque notamment son ancrage familial, son rapport à la religion et la maladie qu’il vient de traverser.

Vous avez publié de nombreux livres, beaucoup d’articles dans des revues savantes, mais aussi dans des journaux ; vous écrivez beaucoup. Depuis quand ?

J’ai toujours écrit, tout le temps, depuis l’âge de 12 ans. J’ai commencé à cette époque où les enfants de la bourgeoisie notaient ce qui leur passait par la tête. C’est une expérience un peu bizarre, devenue assez étrangère aujourd’hui, que Sartre a bien décrite dans Les Mots [1963]. Au début, vous notez des banalités, bientôt ce que vous écrivez devient intéressant, et vous finissez par découvrir qui vous êtes. Moi, je notais tout, les choses de la vie quotidienne, la visite d’un oncle, la naissance d’une amourette… Bref, je suis encore de ceux qui ont été faits par l’écriture. J’étais saisi par des idées, toutes ces idées sont restées très concrètes pour moi. Aujourd’hui, j’ai 218 carnets, classés par années.

Douze ans, c’est aussi le moment où vous lisez un auteur important, à la fois poète et pamphlétaire, l’écrivain catholique Charles Péguy (1873-1914).  Que représente-t-il pour vous ?

J’ai toujours lu Péguy. Chaque année, mes parents m’emmenaient aux journées qui lui étaient consacrées à Orléans. Mon père était un bourgeois de Bourgogne, négociant en vin, qui avait une bonne culture à l’ancienne, mais il l’a complétée avec l’homme de théâtre Jacques Copeau [1879-1949], qui avait pris sa retraite près de chez nous et qui lui a transmis son amour des grands écrivains catholiques, Claudel, Bernanos, et donc Péguy. Aujourd’hui encore, il n’y a guère de sujet sur lequel je ne me sente pas péguyste. C’était un père de l’Eglise, l’un des rares à avoir renouvelé quelque chose de la religion catholique.

C’était aussi un socialiste qui a développé de profondes analyses de la modernité. Au milieu du XXe siècle, on l’a considéré comme un antimoderne. Mais maintenant, à part les quelques Californiens qui veulent aller sur Mars, tout le monde sait que la modernisation ne peut pas continuer. Si bien que Péguy redevient actuel. Ce qui faisait de lui, naguère, un réactionnaire, son écriture de l’incarnation, sa pensée du sol et de l’attachement, lui permettent aujourd’hui d’éclairer la situation où nous nous trouvons, nous qui ne savons plus quel espace habiter. On parle de tous ces jeunes qui se mobilisent par peur de la catastrophe écologique. Or Péguy avait compris ceci : le monde moderne nous prive de notre capacité d’engendrement, cette perte est une tragédie.

Quand vous parlez d’une crise de l’« engendrement », que voulez-vous dire ?

Je désigne la crise qui nourrit peu ou prou tous les débats politiques actuels, et que résume cette question : comment va-t-on s’y prendre pour que le monde continue ? Ces jeunes qui manifestent reprochent aux générations précédentes leur incapacité à léguer un monde vivable. Pour les gens de mon âge, qui ont connu Mai 68, c’est surprenant. Les aînés, on voulait qu’ils nous laissent la place ! Maintenant, on a des enfants qui disent : « Nous ferons nos devoirs quand vous ferez le vôtre. » Ma génération voulait accélérer et faire table rase. Eux souhaitent ralentir le temps et font appel à la responsabilité. Péguy avait une saisie prophétique de ce mouvement : le geste moderniste contre lequel il luttait, et qui consiste à aller de l’avant en ignorant les conséquences de nos actions, ce geste se trouve aujourd’hui congédié par la nouvelle génération.

La Suédoise Greta Thunberg, jeune militante écologiste et icône de cette « génération climat », serait-elle alors une figure péguyste ?

Si Péguy était vivant, il parlerait d’elle autant que de Jeanne d’Arc ! C’est une figure apocalyptique, une figure du Kathèkon, une jeune fille autiste, sans aucun charisme apparent, qui essaie de freiner la catastrophe. Elle me fascine. Sa maladresse même lui confère une puissance de conviction extraordinaire. Elle répand non l’espoir mais la peur. A ses aînés, elle ne dit pas « on va vous remplacer », mais « nous sommes vos enfants et nous nous demandons s’il faut encore en faire, des enfants ». Cette crise de l’engendrement est donc une crise de civilisation.

Que faisiez-vous à son âge, quelle espérance vous portait ?

J’étais très catho. D’abord louveteau, puis, dans les années 1960, militant de la Jeunesse étudiante chrétienne [JEC]. On essayait de « transmettre l’Evangile », on faisait beaucoup de réunions, d’examens de conscience. Ce sont des choses qui peuvent paraître bizarres aujourd’hui [rires], mais c’était la forme par laquelle les jeunes chrétiens entraient en contact avec le monde, à un moment où le monde prenait déjà ses distances avec cette religion.

Vous êtes l’un des rares intellectuels français à prendre au sérieux la religion. Cela explique-t-il en partie le fait que vous soyez presque davantage connu à l’étranger que dans votre propre pays ?

Je ne sais pas. En tout cas, cela m’a effectivement valu quelques malentendus et quelques ennemis. En France, on devient intelligent, et intellectuel, parce qu’on a compris que la religion, c’est des conneries… Quand on considère que la religion n’est que l’expression dissimulée du vide, que peut-on comprendre à ce qui motive les gens en général, bien au-delà de la religion ? Mais ce qui a rendu mon projet problématique pour beaucoup, c’est surtout que j’ai toujours voulu articuler plusieurs modes de vérité. La vérité religieuse, mais aussi la vérité scientifique ou la vérité politique. J’ai essayé de renouveler la sociologie pour la rendre capable d’encaisser cette réalité : une société est faite de tous ces modes d’existence, il faut donc articuler diverses formes de vérité. Or, en France, c’est compliqué. Au fond, ce qu’on appelle les sciences sociales se résume ici à l’analyse d’une bataille d’« intérêts » : il y a des humains, ils ont des intérêts, ils se battent, penser, c’est critiquer cette lutte d’intérêts. Bourdieu a assez bien synthétisé cette vulgate.

Cet héritage religieux est essentiel à votre pensée, qui a parfois des accents de prédication. Il y a chez vous une gravité prophétique et une ironie apocalyptique, mélange que l’on trouvait chez l’anthropologue René Girard…

Oui, je l’ai beaucoup lu ! Justement, l’apocalypse, la vraie, ce n’est pas les effets spéciaux hollywoodiens, c’est quelque chose de sérieux, qu’il faut aborder avec les bons outils scripturaires. L’apocalypse, cela ne veut pas dire que tout va s’effondrer et qu’on n’aura plus rien à manger l’année prochaine, comme le prétendent les collapsologistes, qui font de la très mauvaise religion. Le thème « apocalyptique » permet deux choses : d’abord, de considérer que notre situation a déjà été jugée, qu’il n’y aura pas d’autre monde, d’autre progrès… Mais aussi, du même coup, de recommencer une histoire positive, de constater que les marges de manœuvre sont nombreuses, les innovations aussi, bref de dire : non, la Terre ne va pas disparaître, les humains non plus, faut se mettre au boulot ! L’apocalypse est un thème positif, enthousiasmant, grâce auquel on peut se débarrasser des faux espoirs. C’est donc ce qui rend notre époque si intéressante, et même sensationnelle.

Se mettre au boulot, à vous lire, c’est d’abord décrire les choses comme elles sont. Votre travail s’inscrit ainsi dans la tradition sociologique dite « de Chicago », née au début du XXsiècle, celle d’Erving Goffman ou d’Howard Becker, pour qui rien n’est plus subversif qu’une bonne description…

C’est tout à fait ma tradition. La politique est d’abord une enquête puisque, par définition, l’Etat est toujours en retard d’un combat. Gaïa en est l’exemple parfait. Il n’y a pas de précédent, aucune civilisation n’a affronté une mutation écologique aussi profonde. Aujourd’hui, il faudrait cinq planètes pour continuer à vivre comme nous le faisons. Soudain, nous prenons conscience de la différence entre le monde dont nous vivons et le monde où nous vivons (par exemple, les cafés parisiens). Réconcilier ces deux mondes, c’est ce que j’appelle « atterrir ». Mais la chose est impossible, car la politique est faite par des Etats qui ont été refondés après 1945, à l’époque de la reconstruction et de la modernisation, et dont la définition des territoires est inadaptée. Voilà pourquoi il est si difficile de passer de l’ancien au nouveau régime climatique. Et, dans un pays comme la France, qui est la fille aînée de la modernisation, c’est particulièrement lent : être antireligieux, positiviste, étatiste, bourdieusien… cela n’aide pas à comprendre quoi que ce soit à notre situation.

D’ailleurs, les grands débats lancés par Emmanuel Macron n’ont pas produit une seule description de ce type ! Or, vous ne pouvez pas avoir une position politique sans un monde concret, sans assise dans un sol durable (et revoilà Péguy). De ce point de vue, il est hallucinant de penser qu’on puisse conclure le grand débat en convoquant 150 citoyens hors sol, sans territoires, et même privés du vieux système gauche/droite. D’où l’extraordinaire inaptitude des « gilets jaunes » à mouliner du politique. Que voulez-vous qu’ils disent, à part « Macron démission » ? Ce n’est pas de leur faute. Quand on a perdu la possibilité de décrire le monde où on vit, on est frappé par l’aphasie. Voire par la folie.

La folie ?

Pour faire confiance aux faits élaborés par telle ou telle institution, il faut un terrain partagé. Quand celui-ci n’existe plus, la déraison s’installe. Aujourd’hui, les climatosceptiques sont de plus en plus nombreux. Leur problème n’est pas une défaillance cognitive, mais une absence de monde commun. Il est illusoire de penser qu’on les convaincra à coups de fact checking ! Vous pouvez toujours leur présenter de nouveaux faits, ils répondent, à la manière des trumpistes : tout ce que vous dites est faux a priori, parce que le monde où le réchauffement climatique arrive n’est pas le mien, d’ailleurs je vais me tirer, je vais atterrir ailleurs. Ainsi le modernisme est-il devenu une forme d’« escapisme » criminel. Car personne n’imagine qu’on sera 9 milliards à aller sur Mars. D’où la prolifération de ceux que j’appelle les « surnuméraires ». Cette notion a une immense profondeur tragique. Cela signifie : les gens naissent et ne servent à rien. C’est aussi cela, l’histoire des « gilets jaunes » : désormais, Gaïa nous pousse dehors, et tout le monde se sent surnuméraire.

Ce que nous traversons, plus encore qu’une crise écologique, c’est donc une désorientation générale des consciences ?

Bien sûr. C’est d’ailleurs ce que j’expliquais récemment à Yannick Jadot. Je lui disais : le problème est maintenant existentiel, les gens n’ont plus de monde où être. La question politique classique « quel peuple pour quel sol ? » ne trouve plus de réponse. L’extrême droite l’a très bien compris, et il faut bien reconnaître que les réponses apportées par ceux qu’on nomme « populistes », même si ce ne sont pas les miennes, se fixent sur une série de symptômes assez bien choisis. Etre anti-immigration, climatosceptique, antiféministe, antiavortement, c’est une façon très claire de demander : où sommes-nous ? Sur quelle Terre, avec qui, contre qui ? C’est un mode d’atterrissage un peu brutal, mais assez impressionnant. Par exemple, mes amis brésiliens me disent que, chez eux, la « théorie du genre », qui ne mobilise en réalité que quelques milliers de personnes, est devenue l’ennemie principale du pouvoir. C’est quand même extraordinaire ! Partout dans le monde, de la droite extrême à la gauche extrême, tout le monde se pose la question de l’engendrement.

Quand vous parlez de l’Europe, vous n’hésitez pas à dire « nous, les Européens », et ce « nous » est le nom d’une vocation : à vos yeux, l’Europe est la mieux placée pour inventer un nouveau régime climatique. Pourquoi ?

Parce que tous les problèmes se posent maintenant en Europe. Nous appartenons à ce territoire qui a commis tous les crimes possibles, qui a traversé toutes les catastrophes, qui s’est suicidé deux fois de suite, qui accueille désormais les gens que nous avons jadis dominés, et qui a imaginé cette chose bizarre, cette extraordinaire création institutionnelle qu’est l’Union européenne. L’Europe a inventé la modernisation, et elle est bien placée pour la désinventer. Ce n’est pas la Chine qui va s’y atteler, elle qui croit encore à la modernisation. Ce n’est pas non plus l’Amérique, qui n’a jamais été le bon agent de son propre désir de progrès.

Même si, face à la Chine, à l’Amérique, à la Russie, cette Europe apparaît bien faible ?

Il y a plein d’histoires où les losers gagnent à la fin ! Réduire l’Europe à l’institution bruxelloise, c’est une folie ! J’ai beau connaître les limites de ce cadre, je me sens attaché à l’Europe-monde, à l’Europe patrie. Nous pouvons critiquer Bruxelles et affirmer en même temps que nous nous sentons Européens, même si ce « nous » est devenu délicat. Mais c’est précisément ça, l’histoire européenne, c’est de désinventer cet extraordinaire moment de domination. Il faut accepter positivement la provincialisation de l’Europe ! A partir de là, on peut retrouver des marges de manœuvre, et du souffle. Pour cela, l’urgence est de savoir dans quel espace et à quel moment de l’histoire nous sommes.

A cette aune, comment voyez-vous les résultats du dernier scrutin européen ? Avons-nous enfin « atterri » ?

Non, loin de là. Mais quand mes amis même me disent « cette élection, c’est la tienne ! », ils veulent dire que la réorganisation en cours se projette plutôt bien sur la petite boussole proposée dans mon livre Où atterrir ? [La Découverte, 2017]. Les partis de gouvernement ont disparu, les nouveaux extrêmes nationalistes ou libéraux se saisissent les uns du local, les autres du global. Pendant ce temps, les forces progressistes ont viré de bord à quatre-vingt-dix degrés et explorent quelque chose comme le « terrestre », qui n’est en effet ni de droite ni de gauche, mais un autre lieu, ou plutôt une autre façon d’occuper tous les lieux.

Ce qui devient passionnant, c’est que de nouvelles négociations s’ouvrent, de nouvelles lignes de front, qui toutes portent sur ce que veut dire « appartenir à un territoire ». Et, de nouveau, l’Europe si détestée : l’Europe UE aussi bien que l’Europe patrie sont à la bonne échelle. Imaginez cela : on va enfin se passionner pour des batailles au Parlement européen ! Il va y avoir de la baston parce que c’est la bonne enceinte pour se réapproprier les questions délaissées : quels peuples, sur quels sols, avec quels alliés, dans quel climat, pour quelle justice sociale ? On n’atterrit pas encore, mais, dans l’épais brouillard, des lumières clignotent.

« Moi, ce monde me va tout à fait, je n’en connais pas de meilleur, d’ailleurs je n’en ai pas d’autre », écrivez-vous dans « Jubiler » (La Découverte, 2013). Chez vous, la conscience apocalyptique coïncide avec un optimisme foncier ?

Oui, c’est encore un thème religieux. Mais il ne faut pas oublier que je suis bourguignon, et les Bourguignons ne sont pas des gens tristes, il y a chez nous une couche d’optimisme assez simple… La semaine dernière, j’étais à la réunion de notre société familiale, tout le monde pétait le feu ! Les gens se préparent au changement climatique, ils savent très bien comment faire, ils changent déjà les plants de vigne. On ne fera pas croire à un Bourguignon que le monde va s’effondrer !

Cette manière de cultiver l’optimisme relève presque de la performance physique, comme l’illustrent vos conférences-spectacles. Affronter la question de la catastrophe écologique exige d’inventer de nouvelles pratiques corporelles ?

Parfaitement. Car nous ne disposons pas du matériel affectif pour aborder la question de l’anthropocène. Nous étions habitués à absorber beaucoup de choses, mais pas ce fait absolument nouveau que la Terre réagit à notre action. Pour faire face, il faut innover. Moi, je mobilise le théâtre, la musique, la danse. Les expositions aussi. Avant chaque cours, mes étudiants de Sciences Po font un peu de qi gong [gymnastique chinoise], ce qui étonne parfois au cœur de cette institution parisienne… A chaque fois, il s’agit d’inventer des formes qui redonnent de l’articulation, des marges de manœuvre. Sinon Gaïa va nous rendre fous… Pour réagir, pour survivre, il faut retrouver cette capacité d’articulation. Il y a ici un côté thérapeutique au sens profond du terme. Je peux en témoigner.

Récemment, vous avez eu un cancer. Vous qui êtes si attentif à la façon dont la pensée est liée au corps, comment avez-vous traversé cette épreuve ?

D’abord, j’avais déjà eu un cancer il y a vingt ans, donc je suis un peu vacciné, si j’ose dire… Ensuite, cela fait dix ans que je suis dans la confrontation avec Gaïa, et je pense qu’on ne peut sortir indemne d’un tel face-à-face. S’apercevoir qu’au fond, nous nous sommes totalement trompés sur la nature, et jusque sur notre être même, cela rend malade. Faire face à Gaïa, la Terre vivante, est aussi éprouvant que faire face à un cancer. Je ne prétends pas du tout que c’est scientifique, mais je considère que j’ai donné mon pancréas, si j’ose dire, dans une sorte de rituel nécessaire pour absorber le choc.

Bien sûr, cela n’a rien d’indifférent, et je me suis posé la question : pourquoi ce cancer ? Pourquoi au pancréas ? C’est une petite apocalypse. Mais le fait d’avoir un cancer, de subir une chimiothérapie, cela assied, et pour moi cette question de l’assise, je l’ai dit, est fondamentale. De nouveau, j’ai les pieds sur terre. Je sais où je suis. Je suis face à Gaïa, et je peux reprendre une activité normale.