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Pierre Mansat et les Alternatives

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Dominique Méda : « La fabrique du nouveau paradigme écologique européen nécessitera un effort conceptuel intense »

Sur Le Monde.fr Dominique Méda identifie bien l'ampleur de la tâche a laquelle les gauches sont confrontées pour définir les voies de la transition socio-écologique:

Chronique
Dominique Méda : « La fabrique du nouveau paradigme écologique européen nécessitera un effort conceptuel intense »
La dimension sociale de la transition écologique sera centrale, explique la sociologue dans sa chronique au « Monde ».

"Les résultats des Verts en France et en Europe aux dernières élections européennes sont une bonne nouvelle pour tout le monde : ils signifient que la prise de conscience de la gravité de la question écologique est de plus en plus vive et que les mesures urgentes qu’appelle la situation ont une chance d’être placées plus haut sur l’agenda européen. Mais ils donnent sans doute également le signal du déclenchement de la bataille idéologique destinée à définir le fameux « nouveau modèle » (de développement) dont il a été beaucoup question lors de la campagne.

La plupart des listes de candidats ont en effet mis en avant leur engagement à « changer nos modes de production et de consommation ». Mais cette expression peut s’interpréter de bien des manières. A commencer, d’ailleurs, par tous ceux qui se revendiquent écologistes : il existe au moins cinquante nuances de vert, dont le philosophe Dominique Bourg, tête de la liste Urgence écologie, a dressé la cartographie dans la revue La Pensée écologique. Il y rappelle que « l’écologie politique embrasse diverses veines de pensée » et qu’« on ne saurait l’assigner à un seul côté de l’échiquier partisan. Elle compte même des expressions, notamment avec le courant que nous proposons d’appeler malthusien, très marquées à droite, récusant l’héritage universaliste et émancipateur des Lumières ».

« LA GAUCHE RESTE MAJORITAIREMENT L’HÉRITIÈRE D’UNE PENSÉE QUI A MIS AU CENTRE DE SON PROJET L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE DE TOUS LES HUMAINS ET UN ACCÈS LE PLUS LARGE POSSIBLE À LA CONSOMMATION »
Comment pourrait-il en aller autrement alors que la modernité européenne a notamment été marquée par les défis lancés par l’Anglais Francis Bacon (« reculer les bornes de l’empire humain en vue de réaliser toutes les choses possibles »), le Français René Descartes (« se rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature ») ou l’Allemand Hegel, qui écrivait dans ses textes de jeunesse que la vocation des humains est de « détruire [vernichten] la Nature » ? De même, malgré l’effort du sociologue américain John Bellamy Foster pour nous présenter un Marx écologiste (Editions Amsterdam, 2011), on ne peut nier que nombre d’adeptes du marxisme, mais aussi les courants majoritaires du socialisme et du communisme, ont considéré le développement des « forces productives » comme le cœur du progrès.

La gauche reste majoritairement l’héritière d’une pensée qui a mis au centre de son projet l’amélioration des conditions de vie de tous les humains et un accès le plus large possible à la consommation, grâce notamment au progrès technique, dont la responsabilité dans la crise écologique est aujourd’hui pointée du doigt.

La responsabilité du capitalisme
Qu’il s’agisse de la composition de l’alliage conceptuel qui permettrait aux différents partis présents au Parlement européen de forger un programme écologique, ou de la capacité des députés élus sous la bannière écologiste à construire des alliances, le travail sera des plus complexes.

D’un côté, la gauche sociale-démocrate, en perte de vitesse, du fait de sa colonisation par la pensée néolibérale, devra s’interroger à nouveaux frais sur ce qu’elle peut conserver de son attachement à la croissance, aux gains de productivité et à l’innovation technologique. De l’autre, les libéraux, que les députés de Renaissance devraient rejoindre, auront à se demander comment ils vont pouvoir concilier leur nouveau discours écologiste avec leur défense de la mondialisation, de la libre circulation des capitaux et de la concurrence, qui contribuent à une financiarisation destructrice de la planète. Les partis de droite traditionnels, quant à eux, vont devoir entamer leur conversion et choisir entre la version libérale et la version « terroir et racines », d’ores et déjà adoptée par les partis de la droite extrême.

« LE NOUVEAU PARADIGME ÉCOLOGISTE PEUT RECOUVRIR DES FORMES TRÈS DIVERSES, ALLANT DE L’ÉCOSOCIALISME AU CAPITALISME D’ETAT HYPERTECHNOLOGIQUE OU AU REPLI NATIONALISTE MÂTINÉ D’ANTICAPITALISME »
La fabrique du nouveau paradigme écologique européen nécessitera un effort conceptuel intense. De plus en plus de voix s’élèvent pour mettre en cause la responsabilité du capitalisme dans le saccage de l’environnement. Mais cette dénonciation n’est porteuse ni d’un mode d’emploi (comment sortir du capitalisme ?) ni d’une alternative concrète crédible.

Le nouveau paradigme écologiste peut recouvrir des formes très diverses, allant de l’écosocialisme au capitalisme d’Etat hypertechnologique ou au repli nationaliste mâtiné d’anticapitalisme, qu’ont illustré les partis souverainistes récemment réunis à Milan. Leur condamnation du « dieu argent », des multinationales et de la finance s’accommoderait parfaitement d’un retour à des communautés fermées n’acceptant une certaine redistribution qu’au sein de périmètres de solidarité très restreints.

Deux variables clés permettront de qualifier les éventuelles alliances construites autour du paradigme écologiste : la technique et le social. Les années 1970 avaient alimenté un débat essentiel autour de la technologie, de sa neutralité, de son lien avec l’autonomie. La pensée dominante actuelle, qui voit dans l’innovation technologique le principal moyen de résoudre la question écologique sans jamais s‘interroger sur la consommation d’énergie et sur ses effets sociaux, est dramatiquement insuffisante.

La dimension sociale de la transition écologique, que l’on réduit trop souvent à une question d’acceptabilité, sera centrale : elle nous oblige à nous interroger non seulement sur les limites – que nous pouvons aujourd’hui collectivement assigner au processus de production et de consommation, dont l’illimitation a longtemps été synonyme d’émancipation –, mais aussi sur le périmètre de la prise en charge de la dette écologique et des transferts de richesse que suppose la transition. Dans tous les cas, il nous faudra redéfinir le progrès et la métrique qui le mesure."

Dominique Méda est professeure de sociologie, directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Dauphine/PSL).

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