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Pierre Mansat et les Alternatives

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> Grand Paris:inventons ensemble une nouvelle façon de faire la métropole, un texte de Béhar, de Portzemparc, Martin

Point de vue
Grand Paris : inventons ensemble une nouvelle façon de faire la métropole
LE MONDE | 15.04.10 | 14h20


e président de la République et les représentants des élus locaux doivent prochainement installer "l'Atelier international du Grand Paris". Après des décennies de morcellement des projets et des décisions dans la métropole, l'Etat, la ville, la région et les grands opérateurs publics visent ainsi à organiser une instance de coordination et de décision commune.

 

Au sein de cet atelier et au côté de ces décideurs, un "conseil scientifique" se formerait autour des dix équipes d'architectes urbanistes et experts de la consultation du Grand Paris, ayant pour mission d'intervenir sur les orientations stratégiques et la cohérence.

Dans la situation que nous connaissons, c'est une chance assez inespérée. Après l'exposition des travaux des dix équipes à la Cité de l'architecture qui a soulevé intérêt et espoir de changement, après les discours et les prises de position, il s'agit donc maintenant d'entrer dans l'action : c'est en soi déjà un défi, curieusement, tant notre époque peut facilement fuir le réel et fonctionner à vide dans son génie de l'information, d'effets d'annonce en colloques et d'expositions en débats.

Par l'articulation qu'il ambitionne entre volonté et arbitrage politique d'une part, vision et projet urbanistique d'autre part, l'Atelier international du Grand Paris peut être l'outil adéquat pour répondre à la réalité neuve que représente la métropole.

Rompre en premier lieu avec l'éclatement des décisions entraîné par la gouvernance, mais aussi avec le cloisonnement constitutif qui a caractérisé toute la "production" de la ville depuis notre entrée dans l'ère efficace et glorieuse de la technique. Ce cloisonnement est partout. Il est entre les acteurs : Etat, territoires, élus locaux. Il est entre les opérateurs et entreprises assurant les mises en oeuvre des techniques, poursuivant des performances par disciplines et métiers comme des nageurs de compétition dans leurs couloirs distincts. Il est aussi physique et matériel, producteur depuis soixante ans des territoires coupés, enclavés, fermés, mono-fonctionnels que nous connaissons dans toutes les "périphéries" urbaines du monde.

Saura-t-on, saurons-nous, collectivement inventer une nouvelle façon de faire de l'urbanisme face à la situation apparue avec le fait métropolitain, la décentralisation et l'exigence écologique ? Face aussi à la dévorante "machine à décider" en place pour traiter les quantités de projets quasi autonomes qu'évoquait il y a quelques jours Jean- Marie Duthilleul, machine qu'il faudra savoir alimenter ou stopper aux bons moments.

Saurons-nous, urbanistes, former un véritable conseil, réaliste mais ambitieux, concentré sur les calendriers mais parlant stratégie et projet, tendu vers le choix de la bonne option pour ici et pour maintenant mais ouvert à former un plus large espace d'expertise animant le débat public et la recherche des objectifs ?

Il faudra alors, pour l'Atelier des décideurs politiques et le conseil des équipes d'urbanistes et experts, apprendre à travailler à plusieurs, ensemble ou par groupes, en coordination. Confronter et croiser les idées, identifier les divergences et accepter la discussion ouverte : c'est la condition pour que l'Atelier soit en mesure d'éclairer le débat public et la décision politique.

Beaucoup de nos objectifs exposés à la Cité de l'architecture sont partagés par les habitants, les élus et tous les urbanistes dans le monde : mobilités proches et lointaines au service de densités diversifiées, contrôle du carbone, ouverture et accessibilité généralisée, désenclavement, mixité, fin des zonages, meilleures conditions pour plus de logements, transformation des friches, des cités, ne pas étaler encore l'urbanisation, ne pas conquérir de nouveaux champs de betteraves, planter partout pour la biomasse, la biodiversité, etc.

Un thème est stratégique, c'est celui de la grande structure. Il s'agit de comprendre le fonctionnement du système métropolitain, un système mondialisé, complexe et fragile. Les équipes ont avancé des visions différentes de ce système : vingt villes, cinq villes, des pôles, des rhizomes, sept pétales... Les échanges doivent continuer sur ce point, se préciser.

Mais nous avons appris une chose : il faut comprendre le sujet à la fois par le système, le tout, et par les lieux et territoires, le local. Et, s'agissant d'un système vivant qui nous dépasse tous, nous avons compris qu'il n'y aurait jamais une seule vision unifiée à l'oeuvre. L'empirisme doit entrer dans la méthode.

La question est donc maintenant pour les urbanistes : comment travailler de concert ? Certaines équipes commencent sur le terrain à confronter leurs propositions théoriques aux sites, aux élus, aux opérateurs, aux cent projets qui sont partout dans les cartons, et s'apprêtent à en présenter demain les résultats aux habitants. Cette confrontation est le salutaire rappel du principe de réalité. Elle seule donne toute leur valeur aux propositions. Sont-elles efficaces ? Ouvrent-elles des perspectives de croissance métropolitaine durables et produisent-elles pour les habitants des améliorations des conditions de vie rapidement perceptibles par eux ?

On va pouvoir très vite mesurer la volonté effective des uns et des autres de "passer à l'acte". Sont-ils prêts à mettre sur la table les clés de la métropole dont ils disposent et qui ne peuvent plus fonctionner isolément : le projet de métro rapide de Christian Blanc, le schéma directeur (Sdrif) porté par la région, les plans "campus" de l'enseignement supérieur, la grande rocade TGV de la SNCF... Sortir des couloirs de travail ne se passera pas sans frictions, sans conflits, sans remises en cause. Des nécessités de modifications administratives, réglementaires, en deviendront sans doute évidentes. Dès lors, pour que l'Atelier soit utile, la reconnaissance de son pouvoir d'arbitrage et de décision sera essentielle.

Ce décloisonnement, impératif, devra être conduit sans naïveté. Défaire les zonages et les règles anciennes et inadaptées aux exigences écologiques, sociales, économiques d'aujourd'hui est indispensable. Mais nous n'oublions pas que l'urbanisme, c'est toujours des règles ; les règles qui protègent l'intérêt public, encouragent et encadrent l'initiative du privé. Et l'urbanisme c'est aussi de la technique : enjamber la légitimité des expertises et des logiques techniques serait régressif. Enfin, nous avons ancré en nous cette conviction que la ville heureuse, c'est la ville praticable, c'est aussi de la beauté, de la mémoire, de l'enthousiasmant futur...

Quelque 250 000 visiteurs à l'exposition à Chaillot, ce succès populaire inédit pour une exposition d'urbanisme manifeste une attente sociale qui nous oblige tous. Nous ne pouvons pas "faire académie" et nous en tenir à des discours ou une communication de préceptes connus et admis de tous. Il nous faut imaginer les moyens de faire vivre dans la durée l'intérêt des métropolitains pour leur avenir collectif, car c'est le moteur de la volonté politique. Il faut tout faire pour que cet Atelier de la métropole se crée sans exclure aucun de ses acteurs, Etat, région ou ville de Paris, au nom d'une illusoire perfection de la démarche. Le chantier est considérable. Il y a urgence. p


Didier Béhar, urbaniste ; Didier Martin, économiste ; Christian de Portzamparc, architecte et urbaniste
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