Personne n'aurait pu envisager un tel scénario il y a encore quelques semaines. Le Grand Paris, porté sur les fonts baptismaux par la gauche, est bien parti pour lui filer entre les doigts. Cette nouvelle structure, qui doit être lancée le 1er janvier 2016, regroupera 124 communes de l'"aire urbaine" de Paris. Elle sera en charge des questions d'habitat, d'environnement et d'aménagement, tandis que les transports continueront à relever de la compétence de la Région. Le texte voté en décembre prévoit que cette Métropole soit administrée par un conseil constitué de 337 membres reflétant les équilibres politiques du Grand Paris.
Bartolone affiche son intérêt
Avant les élections municipales, la majorité de cette nouvelle assemblée semblait acquise aux socialistes. Plusieurs responsables PS avaient ainsi avancé leurs pions, à l'image du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui annonçait en février son intérêt pour le poste de président de cette future entité. Les noms d'Anne Hidalgo et du maire des Lilas, Daniel Guiraud, étaient aussi cités. Mais les municipales, marquées par un revers cinglant du PS en Seine-Saint-Denis, ont eu raison de ces conjectures. Ce sont désormais 21 villes du département qui sont dirigées par la droite, contre 19 par des maires de gauche. Symbole de cette déroute, la préfecture, Bobigny, est tombée aux mains de Stéphane de Paoli, soutenu par l'UDI.
Face à ce retournement de situation, l'UMP peine à afficher une position commune. Une majorité des élus de droite étaient contre le texte voté en décembre, défendant plutôt un renforcement des intercommunalités. Certains, à l'image du sénateur Roger Karoutchi, demandent encore au gouvernement de revoir sa copie avant le lancement de la Métropole. "Le Grand Paris tel que conçu et voté en décembre ne pourra pas exister. Soit on réécrit le texte de manière douce, soit il faut en écrire un nouveau", explique le vice-président de l'UMP, qui veut croire que "même s'il cherche un moyen pour ne pas avoir l'air de se déjuger, le gouvernement est prêt à réduire les pouvoirs du Grand Paris, puisque la gauche a bien compris qu'elle n'en prendrait pas la tête".
L'élu des Hauts-de-Seine compte faire bouger les lignes durant les deux ans de travail de préfiguration prévus pour compléter la loi. Et ce alors que la ministre de la Réforme de l'État, Marylise Lebranchu, n'a pas encore annoncé le sort qu'elle compte réserver au texte. Une perspective de réécriture que rejette en bloc l'un de ses initiateurs, le député socialiste Alexis Bachelay. "La loi a été votée et validée par le Conseil constitutionnel, aucun changement fondamental n'est à l'ordre du jour pour cette mission de préfiguration", assure-t-il. "Je ne vois pas le nouveau gouvernement désavouer l'ancien, alors même que Manuel Valls a déclaré qu'il voulait aller encore plus loin dans la fusion des collectivités", ajoute Bachelay.
Devedjian, Karoutchi et Pécresse ne peuvent se présenter
D'autres élus UMP, comme Valérie Pécresse, considèrent qu'aucun changement ne pourra intervenir avant le lancement officiel de cette Métropole. "Nous en prendrons la tête en 2016 pour la réformer de l'intérieur", a expliqué lundi la chef de l'opposition à la Région à France Bleu et Metronews. "La loi est la loi, elle a été votée, nous n'allons pas la boycotter, ça n'aurait aucun sens", précise l'entourage de la secrétaire générale déléguée de l'UMP, pointant l'isolement de Roger Karoutchi dans son appel à un moratoire sur le texte. Une position qui fait dire à Alexis Bachelay que "paradoxalement, le résultat des élections des municipales renforce la Métropole plutôt qu'il ne l'affaiblit, puisque les élus de droite sont en train de sortir des positions politiciennes pour s'approprier le texte". Reste enfin pour l'UMP à régler l'épineuse question de son candidat à la tête de l'institution.
Problème pour de nombreux ténors du parti : il est nécessaire d'être élu municipal pour siéger dans cette nouvelle institution, et donc pour la présider. Or ni Patrick Devedjian, ni Roger Karoutchi, ni Valérie Pécresse n'ont pris cette précaution. Philippe Dallier, sénateur-maire UMP des Pavillons-sous-Bois, a déjà fait acte de candidature, mais son engagement en faveur d'une métropole très intégrée est minoritaire dans le parti. Les noms de Patrick Ollier, maire de Rueil-Malmaison, membre du syndicat mixte Paris Métropole et d'André Santini, élu depuis trente-quatre ans à Issy-les-Moulineaux, sont également cités. Enfin, l'hypothèse d'une Nathalie Kosciusko-Morizet prenant sa revanche sur Anne Hidalgo en accédant à la présidence du Grand Paris est également évoquée.