Claude Bartolone vous a-t-il "grillé la politesse" en annonçant cette semaine qu’il briguera la présidence de la future Métropole du Grand Paris? Serez-vous candidate vous-même?
Ce n’est pas le moment de penser à cela. Pour l’instant, je suis entièrement concentrée sur les municipales parisiennes. Après, on aura encore deux ans pour se demander qui présidera cette nouvelle instance. Mais ce qui doit primer, ce n’est pas la cuisine politicienne, c’est le fond. Le Grand Paris n’est pas là pour régler des problèmes de pouvoir, mais pour améliorer la vie quotidienne des 7?millions d’habitants de la métropole. Comment les loger mieux et moins cher? Comment résoudre la crise du logement? C’est cela qui doit nous occuper. Et nous aurons besoin de travailler en intelligence avec tous les maires, socialistes, communistes, comme de droite…
Le président de la Métropole du Grand Paris doit-il être un élu parisien?
Le Grand Paris ne peut pas se faire sans Paris ou contre Paris. Avec 30% de la future assemblée, Paris comptera bien évidemment. Si je suis élue maire, je pèserai de tout mon poids, comme je l’ai toujours fait. Je me suis beaucoup battue pour que le Grand Paris existe, auprès de députés PS parisiens ou franciliens, comme Alexis Bachelay dans les Hauts-de-Seine. Et je les en remercie.
En tant que candidate à la mairie de Paris, que proposez-vous concrètement en faveur du Grand Paris?
Ma première priorité, c’est le logement. Je veux créer 10.000 logements à Paris chaque année : logement social, constructions neuves, transformation de bureaux en logements, préemption de logements dans le diffus [la Ville rachète un appartement et pas l’immeuble entier], remise sur le marché locatif de logements aujourd’hui vacants… En même temps, je souhaite qu’on s’attaque sérieusement à la question du logement à l’échelle du Grand Paris.
«Une fusion des départements, c’est le sens de l’histoire»
Pour résumer, vous dites que pour résoudre la crise du logement à Paris il faut construire en banlieue?
Oui, il faut construire en banlieue, mais Paris doit donner l’exemple. Il n’est pas question de se défausser sur le Grand Paris. Mon objectif est connu: 30?% de logements sociaux d’ici à 2030 à Paris. Chaque maire doit assumer sa responsabilité de bâtisseur. Il ne s’agit pas de construire en faisant n’importe quoi, comme dans les années 1970-1980. Je ne souhaite pas que les élus du Grand Paris se transforment en bétonneurs. On doit avoir des exigences très fortes en matière de qualité architecturale, environnementale et de qualité de vie, en pensant à l’urbanité des lieux. À Paris, nous avons acquis une méthode de fabrication de la ville qui pourrait être reproduite, sur le modèle de ce que nous avons fait à Clichy-Batignolles [17e], Paris Nord-Est [18e et 19e], Claude-Bernard et les anciens entrepôts MacDonald [19e], Massena-Ivry [13e], ou encore ce qu’on a commencé à projeter avec Richard Rogers [grand architecte britannique] à Bercy-Charenton [12e]… Il ne s’agit pas de faire le Grand Paris à l’image de Paris, mais plutôt de faire le Grand Paris à la même échelle que le Grand Londres ou New York.
Patrick Devedjian, le président UMP du conseil général des Hauts-de-Seine, estime que "Paris est en train d’annexer la banlieue"
Quand vous voyagez et que vous croisez un habitant de la métropole, il vous dira qu’il est parisien, parisien de Saint-Ouen, de Bobigny, de Cachan, de Pantin… Les habitants du Grand Paris se sont déjà approprié depuis longtemps le mot "Paris". C’est une réalité. Maintenant, il ne s’agit pas d’annexer quelque territoire que ce soit, mais d’inventer ensemble, en respectant les communes et leur identité. Le "pavillonnaire", par exemple, fait partie du patrimoine francilien qu’il faut absolument préserver. Mais à côté du pavillonnaire, on peut créer de l’urbanité, des logements, avec des rues, des équipements publics, des crèches, des commerces…
Votre rivale Nathalie Kosciusko-Morizet propose d’organiser des référendums dans les communes riveraines pour qu’elles deviennent de nouveaux arrondissements de Paris…
Je ne comprends pas très bien toutes les propositions de Mme Kosciusko-Morizet, parce qu’il n’y a pas de fil conducteur. Elle est opposée au Grand Paris et favorable à l’annexion des communes voisines. On n’est plus au XIXe siècle. Aujourd’hui, on se respecte, on s’écoute, on dialogue, on avance ensemble, on n’annexe pas. Si je suis élue, je travaillerai avec tous les maires, de gauche comme de droite, tels que Patrick Ollier [maire UMP de Rueil-Malmaison] ou Philippe Laurent [maire UDI de Sceaux]…
«Je m’engage à ne pas augmenter les impôts»
La fonction de maire de Paris a-t-elle vocation à disparaître?
Je ne crois absolument pas. Dans cette grande évolution que nous allons connaître dès 2016 pour être au même niveau que les grandes métropoles mondiales, il y a un autre mouvement que nous devons conforter : celui de la démocratie de proximité. Je pense que les maires des communes de 20.000?à 40.000 habitants ne me contrediront pas. À Paris, je crois beaucoup dans le rôle des maires d’arrondissement, qui animent les services de proximité, établissent des liens directs avec les habitants. Plus les décisions se prendront au niveau du Grand Paris, plus les citoyens auront besoin d’être rassurés par leur relation aux élus. Le maire de Paris devra partager le pouvoir – j’y suis prête – non seulement avec la Métropole du Grand Paris, mais aussi avec les arrondissements. C’est la force de l’organisation parisienne au service de ses habitants. J’y suis très attachée.
Vous voulez accroître les pouvoirs des maires d’arrondissement?
On a déjà fait beaucoup, mais je souhaite aller encore plus loin dans le cadre de la loi PML [Paris-Marseille-Lyon]. Par exemple, je propose que 5% du budget d’investissement de Paris soit porté, sur le mode participatif, par les habitants, les conseils de quartier ou les maires d’arrondissement. Ceux-ci pourront organiser des référendums, des consultations, faire vivre l’expression citoyenne. Les conseils de quartier joueront un rôle en matière de propreté et seront dotés d’une mission en matière de diagnostic de tranquillité publique, avec le commissaire et le maire d’arrondissement. Je souhaite que chaque conseil de quartier ait un local, une adresse où les habitants pourront venir se renseigner sur la vie locale. Je ne suis pas d’accord avec la droite parisienne qui voudrait changer le mode de scrutin et transformer les maires d’arrondissement en simples collaborateurs du maire de Paris.
La Métropole du Grand Paris, c’est une couche supplémentaire au millefeuille administratif…
Pas du tout. La loi pose la question des départements de la petite couronne. En 2015, certaines compétences des départements pourront se fondre dans celles des instances métropolitaines, voire dans celles des communes. Je pense qu’une fusion ou une dilution des départements, c’est le sens de l’Histoire.
«J’assume mes différences avec le gouvernement»
Vous vous êtes engagée à ne pas augmenter les impôts locaux si vous êtes élue. Or NKM assure que la Métropole du Grand Paris "entraînera une hausse massive de la fiscalité des Parisiens" de 20?% de la taxe d’habitation, dit-elle. Elle se trompe?
La députée de l’Essonne s’illustre dans cette campagne par ses propos mensongers, qui font les délices des sites de fact-checking ou de désintox. Elle n’a pas lu la loi contre laquelle elle a voté. Elle est pourtant très claire : il y aura des transferts de charges et de compétences de Paris vers le Grand Paris, ainsi que des dotations. Le Grand Paris sera neutre, il n’entraînera aucune augmentation de la fiscalité. Moi, j’ai présenté mon plan d’investissement très précis de 8,5 milliards d’euros. Et je respecterai mon engagement de ne pas augmenter les impôts sur toute la mandature.
Le grand danger dans cette campagne municipale est l’abstention. Comment faites-vous pour mobiliser votre électorat?
Une élection n’est jamais gagnée avant son échéance. Je multiplie les porte-à-porte, je mobilise, nos équipes se déploient dans tous les arrondissements, dans tous les quartiers, pour présenter notre projet. L’élection parisienne, c’est aussi une élection de proximité et nous sommes sur le terrain. Je propose aux Parisiens un projet détaillé et financé. Je fais tout pour donner envie d’aller voter.
Vous sentez-vous "plombée" par la présidence de François Hollande?
Je vois bien qu’il y a des difficultés. Il y a des décisions que je ne comprends pas, sur la loi famille et la PMA par exemple. J’assume mes différences avec le gouvernement. C’est pour cela que je me sens bien dans la politique locale et moins à l’aise dans la politique nationale, c’est vrai. Et puis les Parisiens aiment tellement leur ville qu’ils estiment que cette élection ne peut pas leur être volée. La question qui leur est posée, c’est : "Quel maire, quel projet et quelle équipe?" Là-dessus, je suis très sereine.