28 Septembre 2009
Par Matthieu Deprieck, Jacques Trentesaux, publié le 01/10/2009 17:48 - mis à jour le 01/10/2009 18:09
Le secrétaire d'Etat en charge du Grand Paris s'est accroché avec François Fillon, son ministre de tutelle. Selon lui, Matignon a modifié son projet de loi sans le prévenir. Depuis la révélation de cet incident, les prises de position vont toutes dans le sens du Premier ministre.
Christian Blanc est désormais fixé. Dans la bataille du Grand Paris, le secrétaire d'Etat, en charge du développement de la région capitale, peut compter sur lui-même, et... c'est à peu près tout. Seul au monde, il l'était déjà plus ou moins ces dernières semaines. La différence, c'est qu'aujourd'hui, cette marginalisation s'est étalée sur la place publique, depuis que l'AFP a révélé la violente prise de bec qui l'a opposé à son ministre de tutelle, François Fillon.
Lundi dernier, Christian Blanc prend la plume pour protester contre les amendements apportés par Matignon sur le projet de loi Grand Paris. Selon le secrétaire d'Etat, il n'a jamais été mis au courant de ces modifications, alors qu'il travaille sur le sujet depuis sa nomination en mars 2008.
Il explique que ce document s'écarte "de façon très substantielle des conclusions de la réunion interministérielle du 25 septembre et introduit même dans le texte des dispositions -jamais discutées- portant atteinte à l'économie générale du projet de loi au point de risquer de le rendre incohérent avec toute l'action (qu'il a) conduite depuis dix-huit mois".
Un énième changement dans le projet de loi que rejette Blanc
Dans la foulée de la révélation de cette lettre par l'AFP, Matignon a répondu. Tout aussi sèchement. "Le texte qui a été transmis au Conseil d'Etat est celui qui a été arbitré par le Premier ministre. C'est la règle".
Sur quoi porte ces divergences? Principalement sur une disposition: la création d'une Société du Grand Paris. Dans l'esprit de Christian Blanc, celle-ci devait être pilotée par l'Etat et gérer l'urbanisme, à la place des maires, dans un rayon de 1500m autour des futures gares franciliennes.
Les élus locaux, de gauche, mais aussi de droite, ont hurlé à "l'expropriation" et au manque de concertation. En septembre, l'opposition s'est muée en une véritable colère. Si bien que François Fillon a commencé à revenir dans le jeu, et à promettre que le projet de loi tiendrait compte de cette nécessité de dialogue.
REUTERS/Charles Platiau
Sale temps pour Christian Blanc.
Du coup, le texte a subi un nouveau toilettage. Il stipule désormais que "le schéma d'ensemble des infrastructures qui composeront le réseau de transport public du Grand Paris est établi après concertation avec les collectivités territoriales concernées". La relation entre la Société du Grand Paris et les élus locaux seraient ainsi contractualisée.
Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire PS de Cachan et président de Paris Métropole, ne voit dans cette nouvelle version qu'une légère avancée: "Nous n'avons que des bribes d'informations. Paris Métropole n'a pas reçu de version officielle du texte depuis la fin août. Ce que nous comprenons, c'est qu'il y aura une contractualisation du rôle de la Société du Grand Paris sur le territoire de nos communes. Mais rien n'est dit sur l'éventualité qu'une collectivité ne parvienne pas à s'entendre avec cette Société". Visiblement, dans un tel cas, l'Etat imposerait ses vues à la commune récalcitrante.
Blanc critiqué par son propre camp
Cette annonce s'inscrit dans un changement d'attitude que veut afficher Christian Blanc. Le 28 septembre, il annonçait également que les présidents des Conseils généraux siègeraient au conseil de surveillance de la Société.
Mais, Jean-Yves Le Bouillonnec n'est pas dupe: "Christian Blanc avait tenté de s'approprier la contractualisation lors de la dernière réunion de Paris Métropole à Neuilly. Mais, je ne suis pas sûr que l'idée venait vraiment de lui", explique-t-il, poursuivant: "Il discute à tout-va, certes. Mais il ne semble pas tenir compte de nos revendications".
Que la gauche critique le manque d'écoute d'un secrétaire d'Etat de droite, quoi de plus normal. Les choses se gâtent, lorsque les attaques viennent de l'UMP même. En soutenant publiquement la vision de Fillon, la candidate en Ile-de-France, Valérie Pécresse montre son opposition à Christian Blanc. De la même façon, lorsque Yves Jégo, interrogé par LEXPRESS.fr, s'attaque à François Fillon, c'est moins pour défendre Christian Blanc, que pour régler ses comptes à un Premier ministre, qu'il tient pour responsable de son éviction lors du dernier remaniement.
AFP
Gilles Carrez, député UMP, est chargé de trouver les financements pour la partie transports du Grand Paris.
"Je trouve que tout cela relève d'une querelle de personnes, voire d'ambitions. (des rumeurs font de François Fillon un candidat à la mairie de Paris en 2014, ndlr) Que le capitaine lâche un de ses joueurs, je trouve cela un peu facile", explique l'ancien secrétaire d'Etat à l'Outre-mer.
Attaqué par les élus locaux, mis en difficulté par son propre camp, et même vilipendé par un membre de son entourage: "Christian Blanc a l'impression d'avoir consulté parce qu'il a échangé 1h30 avec les élus. Cela ne suffit pas. Il y a une dimension politique qui lui échappe."
Et puisqu'une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, Gilles Carrez, chargé de collecter les 35 milliards d'euros nécessaires au plan transports du Grand Paris, a rendu son rapport. Dans ses conclusions, il explique qu'il faudra repousser certains chantiers, faute de financement. Principale victime: le projet de Christian Blanc dont seule la moitié sera d'abord réalisé.
Et qui s'est félicité de cette décision? François Fillon, bien sûr.