Séance exceptionnelle du Conseil général du Val-de-Marnesur le projet de loi « Grand Paris »18 septembre 2009Intervention d’ouverture de Christian FavierMes chers collègues,Le 28 août dernier, le Premier Ministre m’a transmis pour avis, ainsi qu’à mes collègues Présidents des autres Conseils généraux d’Ile-de-France, un projet de loi concernant le « Grand Paris » qu’il compte soumettre au conseil des ministres au mois d’octobre. Ce projet, comme vous le savez, vise à définir les modalités de mise en œuvre du schéma de transports présenté par le chef de l’Etat le 29 avril dernier. Il crée à cet effet une société du Grand Paris, établissement public à caractère industriel et commercial, majoritairement détenu par l’Etat, chargé de la définition et de la réalisation de ce réseau du « Grand Paris ». L’emprise du projet de transport et le périmètre des gares, qui seront définis par décret, connaîtront des règles d’urbanisme dérogatoires donnant tout pouvoir à la société du Grand Paris pour s’imposer aux documents de planification urbaine existants, à commencer par les PLU et le SDRIF. Il crée enfin un établissement public spécifique sur le plateau de Saclay. Ce projet de loi dépasse donc très largement le champ des transports, proposant une refonte totale de la conception de l’aménagement en Ile-de-France au profit d’une reprise en mains de l’Etat, sur une superficie importante de la métropole francilienne. Pour autant, malgré une dénomination et un préambule qui affichent des objectifs ambitieux, ce projet de loi reste très restrictif au regard des besoins de ses habitants, laissant de côté les questions du logement, de l’emploi, du développement économique, du cadre de vie ou encore de l’environnement, qui sont au cœur de la vie des franciliens. L’ambition que l’on peut porter pour une loi sur la métropole doit bien évidemment prendre en compte l’ensemble de ces préoccupations, ce qui n’est pas le cas, en l’état, du projet de loi « Grand Paris ». C’est pourquoi, face à de tels enjeux, j’ai choisi de vous soumettre ce texte et d’en débattre ensemble en séance plénière exceptionnelle, dans une approche critique du projet de loi, mais aussi constructive, afin que nous puissions apporter notre contribution val-de-marnaise au débat sur les perspectives d’avenir pour la métropole.Je vous propose d’adopter la démarche que nous avons suivie pour l’élaboration du SDRIF via le schéma départemental d’aménagement, et dans la continuité des travaux engagés au sein de la mission d’information et d’évaluation « Le Val-de-Marne et la métropole Paris Ile-de-France », qui avait produit en janvier dernier une réflexion poussée sur la situation de la métropole francilienne. Je vous propose d’ailleurs de nous exonérer de l’appellation « Grand Paris », conformément à nos échanges précédents, et de lui préférer le terme de « métropole », plus ouvert sur les collectivités. Le vocabulaire a son importance.Il me semble important de rappeler que les membres de la mission pluraliste que nous avions mise en place s’étaient attachés à dégager un certain nombre de points de convergence qui devaient constituer le socle de la contribution val-de-marnaise aux débats sur la métropole. Ainsi, pour mettre en oeuvre une vision métropolitaine dont l’objectif premier devait être de réduire les déséquilibres en terme de logement, de développement économique, d’emploi, de transport, nous avions ensemble convenu que trois conditions étaient nécessaires : une plus grande autonomie des collectivités locales, sur le plan des compétences et des ressources, en particulier fiscales,un Etat aux côtés des collectivités dans un rapport de confiance, prêt à les appuyer en matière d’investissements publics,la création d’un espace de dialogue pour articuler les échelles d’organisation territoriale : le syndicat mixte Paris Métropole.Nous avions également beaucoup insisté sur la place des citoyens dans les décisions et le processus démocratique et partagé de l’élaboration de projets de territoire, s’appuyant en cela sur notre expérience au sein d’entités comme l’association Orbival, axée sur une dynamique de projet partagé mise en œuvre avec l’ensemble des acteurs concernés, élus locaux, habitants, acteurs socio-économiques.Mes chers collègues, le projet de loi « Grand Paris » bouleverse en profondeur tous ces principes sur lesquels nous tentons de fonder notre action aux côtés des val-de-marnais ; il porte malheureusement la marque d’un retour à l’étatisme autoritaire, d’une négation des partenariats, d’un l’effacement de la place des habitants et de leurs élus dans les processus d’élaboration et de décision. On ne peut bien sûr que se féliciter, après des décennies de désengagement financier de l’Etat en matière de transports collectifs, que celui-ci affirme résolument une volonté de s’impliquer enfin dans la réalisation d’un réseau majeur pour la métropole francilienne.Je m’en félicite d’autant plus que le travail de conviction que nous avons collectivement opéré avec l’association Orbival depuis plusieurs mois auprès des membres du Gouvernement a porté ses fruits. En effet, le plan de transports dévoilé par le chef de l’Etat le 29 avril dernier reprend pour l’essentiel le tracé de la ligne Orbival à l’exception de son extrémité Est sur laquelle il subsiste un différend (Val-de-Fontenay). Il est important de préciser qu’à l’origine les premières esquisses du réseau de métro de Christian Blanc faisaient l’impasse sur l’amélioration de la desserte de la zone dense. Les propositions de métro pour desservir l’aéroport d’Orly, en l’occurrence en prolongement de la ligne 14, et la réalisation d’une gare TGV près de l’aéroport reprennent aussi des revendications anciennes portées par les élus val-de-marnais et les populations.Il subsiste pourtant bien des interrogations sur ce volet transport du projet de loi.Tout d’abord, quel type de métro pour quels besoins et quels usagers ? S’agit-il de réaliser des lignes reliant principalement les grand pôles économiques entre eux, mais délaissant les territoires et les populations qu’elles traversent, avec des stations distantes entre elles de 3 km ? C’est actuellement l’hypothèse de travail dans laquelle s’inscrit Christian Blanc, et que nous ne pouvons accepter en l’état. Orbival et toute autre ligne de métro dans le Val-de-Marne ne saurait éviter les val-de-marnais. C’est indispensable à la fois pour répondre aux besoins de déplacement des habitants mais aussi pour le développement de notre territoire, en particulier dans une logique de rééquilibrage vers l’Est métropolitain.Par ailleurs, l’ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi repose sur un objectif de rapidité et d’efficacité au nom de l’urgence de la situation en matière de transports.Il y a bien sûr urgence, nous la portons nous-mêmes depuis plus d’un an aux côtés de la Région et des autres départements d’Ile-de-France pour obtenir de l’Etat qu’il se positionne sur le plan de mobilisation pour les transports, plan qui vise justement à répondre aux besoins urgents des franciliens.Alors, au nom de l’efficacité et de la rapidité, doit-on ajouter aux instances existantes une nouvelle structure, la société du Grand Paris, dont les compétences seraient retirées à celles qui existent déjà, en particulier les collectivités locales et le STIF ? L’organisation actuelle n’a pourtant pas empêché le STIF de lancer le projet Arc Express, dont la mise en concertation vient d’être décidée par la commission nationale du débat public (CNDP). (projet de rocade de métro automatique porté par la Région et les Départements et dont Orbival constitue la partie val-de-marnaise)Je vous alerte d’ailleurs sur le fait que dans le texte du projet de loi figure une disposition autorisant la société du Grand Paris à interrompre toutes les procédures de concertation déjà mises en place sur les projets d’infrastructures structurantes. Il ne faudrait pas que la mise en place d’une société du Grand Paris se traduise d’abord par un report du calendrier de réalisation d’Orbival / Arc Express.Ce serait un comble !Au nom de l’efficacité et de la rapidité, doit-on renoncer à associer les populations, les acteurs socio-économiques, les associations, les partenaires institutionnels à l’élaboration des projets, comme le prévoit le projet de loi en réduisant considérablement les procédures de concertation ?Au nom de l’efficacité et de la rapidité, doit-on passer outre la concertation avec les élus locaux sur le devenir des collectivités au sein desquelles ils ont pourtant été mis en responsabilité par le vote des citoyens ? Et plus largement, doit-on leur retirer, comme le propose le projet de loi, toute prérogative en matière d’aménagement et d’urbanisme, comme s’ils n’avaient pas démontré depuis les lois de décentralisation de 1982 leur capacité à assumer leurs responsabilités ? L’expérience a plutôt mis en avant le travail des élus locaux depuis une trentaine d’années pour s’attacher à réparer les erreurs de l’urbanisme d’Etat des années 1950 à 1970, qui a favorisé la création des grands ensembles, des zones à vocation économique déshumanisées.Cet urbanisme contre le quel, en Val-de-Marne, nous continuons d’agir a généré de grandes fractures urbaines avec l’implantation d’infrastructures visant à servir la capitale (emprise aéroportuaires, autoroutes à ciel ouvert, dépôts pétroliers, usines d’incinération, etc.). Je pense d’ailleurs que peu de mes collègues sont prêts à se retrouver dessaisis de leurs responsabilités sur des sujets aussi importants pour leurs populations et leurs villes.Les procédures d’exceptions en matière d’urbanisme ne trouvent aucune justification si ce n’est dans la volonté de l’Etat de reprendre en mains la prérogative d’aménagement, en opérant un bon en arrière à l’opposé du processus de décentralisation en œuvre depuis près de trente ans.D’une part, ces dispositions d’exception ne permettent pas de garantir le financement de l’infrastructure de transport. Il est en effet difficile d’envisager que les opérations d’aménagement soient à même de contribuer à plus de 10 % au coût de l’infrastructure, à l’image du métro de Singapour. C’est d’ailleurs l’ordre de grandeur évoqué par Gilles Carrez dans son rapport pour le financement du plan réseau de transport du « Grand Paris », qui me semble bien plus crédible que les hypothèses très optimistes de Christian Blanc. D’autre part, ces dispositions d’exception octroyant le contrôle du foncier et des règles d’urbanisme à l’Etat portent le risque d’un urbanisme non maîtrisé, dominé par les logiques de spéculation immobilière qui pourront accentuer les déséquilibres territoriaux et sociaux là où nous affirmons au contraire la nécessité de les réduire. Cela se traduira par une concentration du logement résidentiel et des activités à haute valeur ajoutée dans les secteurs à fort potentiel de plus-value immobilière, et une relégation de l’habitat plus modeste et des activités moins valorisantes dans des secteurs délaissés, moins bien desservis par les transports.Nous ne pouvons que nous opposer à une telle vision de l’aménagement d’un territoire, qui est d’ailleurs très éloigné du travail mené par les dix équipes d’architectes dans le cadre du concours organisé par le ministère de la culture.Il nous faut au contraire mettre en œuvre un projet métropolitain partagé et résolument orienté vers la réduction de ces déséquilibres, dans une logique de partenariat entre l’ensemble des acteurs concernés : l’Etat, bien sûr, mais un Etat partenaire, incluant pleinement les collectivités locales, en particulier les communes, dans les décisions et ouvert à la concertation et au débat avec les habitants. L’enjeu auquel la région capitale est confrontée n’est pas de réinventer un modèle institutionnel dans lequel l’Etat aurait besoin de reprendre la main face à l’inconséquence de collectivités locales qui n’auraient pas joué leur rôle. Les collectivités, dans l’exercice de leurs prérogatives, les instances existantes, comme le STIF, l’EPFIF, ne pêchent pas par manque de vision stratégique. Elles ont besoin d’une part de renforcer leur vision collective pour répondre aux défis métropolitains, et d’autre part, de bénéficier de davantage de moyens juridiques et financiers pour mettre en œuvre ces réponses collectives.C’est pourquoi je vous soumets un certain nombre de propositions qui se fondent principalement sur une logique de partenariat, de contrats, privilégiant l’esprit de responsabilité tout en favorisant l’expression de la volonté générale.Ces propositions sont détaillées dans le rapport qui vous a été adressé, je ne ferai pour ma part qu’évoquer les grandes lignes de celles qui me paraissent centrales.Il s’agit d’abord de concilier rapidité de mise en œuvre des projets métropolitains et amélioration de la vie quotidienne des populations. Le projet métropolitain doit prendre en considération l’ensemble des aspects indispensables à un projet de territoire ambitieux, favorisant avant tout le mieux-être de ses habitants tout en renforçant son attractivité sur le plan international. Sur la question des transports, il s’agit d’affirmer le principe d’irrigation des territoires et la desserte de toutes les populations et d’accélérer les délais de réalisation, ce qui ne doit pas réduire le temps de la concertation, qui est au contraire le gage de réussite et de durabilité d’un projet. Il faudra également un engagement de l’Etat à un niveau budgétaire conséquent afin de mettre en œuvre les nouvelles infrastructures de transport qu’il propose de manière complémentaire à celles proposées dans le plan régional de mobilisation pour les transports, mais aussi pour un programme ambitieux d’itinéraires cyclables à l’échelle de l’Ile-de-France ainsi que la réalisation d’infrastructures routières permettant de mailler le grand territoire, comme de nouvelles traversées de Seine pour ce qui concerne le Val-de-Marne.Pour cela, il est impératif de conforter le STIF dans ses prérogatives et de privilégier les procédures contractuelles à la fois comme mode de financement et comme outil de priorisation des projets. Pour les transports, la métropole n’a pas besoin d’une société du Grand Paris, mais d’un STIF aux capacités d’investissement plus importantes et aux compétences élargies aux autres modes de déplacements structurants, afin de mieux coordonner l’articulation des différents réseaux. De même, la mise en œuvre d’un projet métropolitain nécessite de renforcer les outils existants en poursuivant le processus de décentralisation, seul à même de garantir les conditions d’un aménagement urbain harmonieux et inclusif. Le Syndicat Paris Métropole doit en cela être pleinement reconnu par l’Etat comme l’instance de représentation politique principale de la métropole, et que s’instaure entre eux un véritable travail partenarial dans une relation privilégiant une gouvernance de projet partagé plutôt que des décisions par décret.Ce travail doit permettre de définir les grands objectifs, à décliner du SDRIF, en matière d’habitat, de développement économique, d’accessibilité des territoires ou encore de densité, ainsi que les grands équilibres financiers. En matière de logement, je propose par exemple la réalisation d’un plan métropolitain de l’habitat contractualisé avec les communes et porteur d’éléments chiffrés et précis, notamment en terme de logements sociaux. Il devra donner les moyens à toutes les populations de trouver des solutions adaptées à leurs besoins dans ce contexte de crise du logement tout en veillant à une meilleure répartition de la diversité des types de logement sur le territoire.Il faudra bien sûr résoudre la question des moyens, ce qui passe avant tout par un engagement considérablement plus fort des moyens budgétaires consacrés par l’Etat dans le cadre des procédures contractuelles. Cet engagement de la part de l’Etat est absolument indispensable pour le développement de cette région capitale, qui joue un rôle moteur dans l’économie française. D’autres pistes ont été évoquées, dont certaines sont reprises dans le rapport Carrez, comme le transfert du FARIF aux collectivités ou le déplafonnement des taux du versement transport.Je propose également que l’on se concentre sur la question centrale du prix du foncier afin de limiter les comportements spéculatifs, à l’origine de dérives dans les bilans de nombreuses opérations ou projets.Prenant le contre-pied d’un dirigisme étatique et centralisé, l’élaboration et la mise en œuvre du projet métropolitain doit être l’occasion de passer à une nouvelle étape dans le processus de construction démocratique, pour un aménagement accepté, partagé et partenarial.L’ensemble des décisions structurantes doit s’élaborer avec les populations, les acteurs socio-économiques, les collectivités, dans un esprit de démocratie participative, car un projet élaboré unilatéralement est voué à l’échec. Nous nous sommes dotés des outils pour le faire au sein de Paris Métropole avec le comité des partenaires, à l’image de celui qui existe sur le territoire de l’OIN Orly Rungis Seine Amont, ou de la gouvernance créée sur le pôle d’Orly. Notre expérience dans le Val-de-Marne, marquée par un travail de concertation très fourni avec les communes, les associations, les habitants, en particulier au moment de l’élaboration du schéma départemental d’aménagement ou pour le projet Orbival, nous ont permis de dégager des propositions à l’échelle départementale qui rendaient conciliables chaque fois que possible intérêt général et intérêt local. De même, je propose que l’on approfondisse la voie dans laquelle souhaite s’engager le syndicat Paris Métropole des appels à projets inspirés de l’IBA Emscher Park. (expérience allemande dans la Rhur).Cette idée me paraît d’autant plus intéressante qu’elle favorise deux aspects :une logique transversale, répondant aux ambitions en matière d’habitat, de rééquilibrage économique, mais aussi pourquoi pas de formation, de développement durable, de culture, de solidarités, selon une feuille de route et des critères à établir ensemble,la mobilisation des forces vives du territoire, puisque toute entité (association, entreprise, collectivité locale) peut être amenée à déposer et réaliser des projets s’inscrivant dans cette feuille de route et ainsi contribuer à écrire une page de l’histoire métropolitaine.Le soutien des ambitions et des initiatives locales est à l’opposé des propositions dirigistes, autoritaires, qui nient les droits des habitants et des collectivités. Il faut au contraire encourager chacun à participer à un projet commun.C’est pourquoi je pense que les quelques rencontres bilatérales, organisées par le secrétaire d’Etat pour échanger sur ce projet de loi, ne peuvent pas être considérées sérieusement comme une concertation suffisante avec les élus de la métropole. Il faut exiger que le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis pour avis fasse l’objet d’un grand débat public, afin d’ouvrir la porte d’une concertation avec les habitants, les élus locaux à l’échelle métropolitaine, sur leur propre vision de leur devenir. Voilà les quelques remarques et propositions que je tenais à formuler pour ouvrir ce débat. Je tiens à remercier l’administration et les élus pour le travail qui a été fourni dans ces délais très courts imposés par l’actualité gouvernementale pour la préparation de cette séance, puisqu’il nous a été demandé de formuler un avis avant le 25 septembre.Je souhaite, pour finir, que l’avis que nous rendrons à l’issue de nos débats, que la délibération que nous adopterons lors de cette séance et qui seront transmis dès demain au premier Ministre puissent être pris en compte et contribuent à faire évoluer ce projet de loi « Grand Paris » dans un sens beaucoup plus positif pour nos territoires et les populations.Je vous remercie de votre attention.