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Pierre Mansat et les Alternatives

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Guy Burgel dans Libé:Grand Paris: y a-t-il encore une place pour la réflexion et le politique ?

Grand Paris : y a-t-il encore une place pour la réflexion et le politique ?

Par Guy Burgel, Professeur de géographie urbaine à l’université de Paris-Nanterre — 4 octobre 2018 à 10:19

Au-delà du rapport de Roland Castro qui défend le «travail de poète urbain», mieux vaut revendiquer le retour de la responsabilité politique pour définir les principes d'une ville différente et non pas idéale, une cité d'inclusion plutôt que d'exclusion.

Tribune. Entre la financiarisation de la ville, dénoncée depuis longtemps par tous les analystes et les acteurs de l’urbanisme, et le «travail de poète urbain» revendiqué par l’architecte Roland Castro dans son rapport au président de la République sur le Grand Paris, y a-t-il encore une place pour la réflexion et l’action politique ?

La question mérite d’être posée, tant les points de vue paraissent inconciliables. Les réalistes dénoncent depuis longtemps le pouvoir décisif du capital financier spéculatif – promoteurs immobiliers, grands groupes du BTP, fonds de pension américains, pétrodollars des monarchies du golfe, argent plus ou moins propre de toutes les mafias mondialisées – dans les opérations d’urbanisme importantes, notamment dans les grandes métropoles, Paris en tête. Il est très souvent associé avec les agences renommées de «stararchitectes», qui lui donnent une parure de légitimité esthétique et technique, mais qui en ont bien besoin pour faire tourner leur grosse machine. Devant cette gouvernance de fait de l’économie et de l’art de construire les villes, les élus capitulent communément, au nom de la compétitivité de leur cité, et d’un rapport de force qu’ils savent défavorable, en période de vaches maigres de l’investissement public. Les «23 sites d’exception» proposés aux créateurs par l’Hôtel de Ville pour «réinventer Paris» ne dérogent pas à cette mise à l’encan. Et le programme pharaonique d’EuropaCity sur des terres agricoles au nord de Paris (plus de 3 milliards d’euros d’investissement, 31 millions de visiteurs annuels attendus) lui donne une dimension caricaturale. Face à cette puissance de l’argent, la contestation des associations, le recours aux tribunaux administratifs, voire les résistances ou les violences des zadistes, peuvent sembler dérisoires, et surtout signent la démission, inexcusable, du pouvoir politique.

Illusion spatialiste

A l’opposé, le lyrisme de Roland Castro pour le Grand Paris paraît relever moins de la naïveté, assumée, que de l’angélisme. Comment penser sérieusement qu’il suffirait de transférer les ministères parisiens en banlieue, de transformer les autoroutes de desserte de la capitale en boulevards urbains accueillants, de trouver ou de mettre du beau dans chacun des kilomètres carrés de l’agglomération (un autre clin d’œil à Banlieues 89), et de transformer la métropole en «3000 villages», pour rendre Paris plus attractif pour ses résidents, plus équitable pour ses habitants, plus exemplaire du respect des équilibres sociaux et environnementaux ? C’est à nouveau, alors que l’on critique l’urbanisme fonctionnaliste des grands ensembles et les opérations de destruction-reconstruction de la rénovation urbaine, sacrifier à l’illusion spatialiste, qu’on pourrait, en changeant les matérialités de la ville, en modifier la société. Entre la brutalité du capital et l’innocence du poète, est-il permis de revendiquer le retour de la responsabilité du politique pour définir les principes, non pas de la ville idéale, mais d’une ville différente, dont le Grand Paris pourrait en effet éclairer les cheminements ?

La capitale devrait être d’abord une ville d’inclusion. La ville contemporaine doit retrouver ses vertus, cardinales depuis des millénaires, d’être à la fois le lieu de l’émancipation individuelle et de l’ascension sociale collective. Ce serait aller vers une cité qui offrirait à tous ses membres, la possibilité, équitable, sinon égale, d’inclusion plutôt que d’exclusion : une école de la réussite, une activité valorisée et valorisante, un logement digne, des soins de qualité et des loisirs enrichissants.

Ce combat ne se mènera pas sans poursuite du développement, matériel et culturel. La tentation de la décroissance est morbide. Ce malthusianisme de la morale est d’abord une offense à la pauvreté, dont la région la plus riche du pays n’est pas dépourvue, et de la solidarité qu’elle doit susciter, par réalisme, plus encore que par exigence éthique. Mais surtout cette régression souhaitée, au mieux cette stagnation, qui s’accompagne souvent d’une stigmatisation frontale de la mondialisation, est une ignorance des moteurs permanents de l’histoire. Ils ont sans cesse été entraînés par l’échange et le progrès. La crise environnementale que traverse la terre ne se vaincra pas, ici comme ailleurs, par la peur et la restriction, mais comme toujours par l’intelligence humaine et l’innovation scientifique.

Beauté formelle

Ces espoirs ne se réaliseront que si le Grand Paris sait être accueillant au bien-être, et si l’on osait, au bonheur même. Le vœu dépasse la simple beauté formelle prônée par l’architecte. Il est plus banal. Il se matérialise évidemment dans les infrastructures et les équipements lourds, notamment de transports, qui facilitent la vie quotidienne. Mais les aménités urbaines se mesurent aussi dans le détail commun de l’espace public (propreté des rues, disposition des espaces de détente). L’urbanisme des petits gestes est aussi indispensable que le grand projet de stratégie globale.

On terminera par le respect, moins passif que la tolérance, moins théorique, peut-être moins agressif, que la laïcité, qu’il faut pourtant sanctuariser dans la capitale, parce qu’elles participent toutes deux aux fondements de la République. Le respect dans la ville n’est que la forme extérieure de l’urbanité, un mélange d’usages et de bonnes manières, qui permet, dans un espace densément occupé, le frottement sans heurts des individus et des groupes. A Paris, la cohabitation, de plus en plus incertaine sur la voirie, des mobilités – piétons, vélos, engins motorisés de toutes formes et de tous genres, voitures – en est un exemple illustratif, et en fait une exigence particulière.

Voilà quelques-uns des impératifs catégoriques que le président Macron pourrait se fixer comme défis politiques de son action parisienne. Ils précèdent même les grands choix structurels qu’il faut faire. Quel est le territoire pertinent de la métropole ? Quelles compétences donner à ses institutions ? Comment accorder, ensemble, le projet stratégique, l’identité citoyenne et l’efflorescence de la démocratie locale ? Cette axiomatique n’interdit pas la vision poétique, et même le récit mythique, de la ville. Mais, en les autorisant, elle remet le politique au cœur du dispositif urbain.

Guy Burgel est l’auteur de Questions urbaines, éditions de l’Aube, 2017. 

 

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