Narrateur des « Secrets du Grand Paris », Pascal Auzannet, homme de transports, a longtemps veillé sur le berceau du Grand Paris express, non sans y perdre quelques plumes.
« Je suis un mec plutôt passionné et quand on me donne un projet, je me bats comme un chien », devise Pascal Auzannet sur le ton franc qui ne le quitte jamais. Car il est souvent question de pugnacité et de violence lorsqu’il se penche sur ses souvenirs du Grand Paris express, dont il a assisté la fécondation, la naissance, jusqu’à son appropriation par les territoires.
Ne lui parlez pas de burn out, lui, le chantre « du bien être » et de « l’enrichissement par le travail » qui se vante d’avoir les plus faibles taux de stress chez Ixxi, filiale numérique de la RATP qu’il dirige depuis 2013. De la violence en politique, il en a appris les codes, jeune, alors assistant parlementaire du député communiste Dominique Frélaut. A l’école centrale du Parti communiste, le fils de parents gaullistes se rodera à l’exercice du dialogue et de la fermeté. Comment celui qui dévora « Le Capital » de Marx, se rêvant tantôt professeur d’économie tantôt chef d’orchestre, a-t-il pu en arriver à conter, dans « Les Secrets du Grand Paris », les coulisses du plus grand projet de transport public ? « Je me suis passionné pour l’économie et la planification des transports », dixit celui qui conseilla, de 1997 à 2002, le ministre des Transports Jean-Claude Gayssot. L’étiquette de monsieur Transports ne le quittera plus, même s’il estime « avoir eu mille vies ».
Directeur du développement de la RATP en 2002, Pascal Auzannet portera le projet d’un métro en rocade aux côtés d’Anne-Marie Idrac, à qui il clame encore « ma plus belle histoire professionnelle, c’est vous ». « Une belle complicité » qui tourne court à l’arrivée de Pierre Mongin à la tête de la régie parisienne. Il est nommé à la direction du RER. Mise au placard ? Au contraire, « c’est là que j’ai attrapé mes cheveux blancs », sourit Pascal Auzannet. Entre un téléphone dont les silences se font rares et le dialogue social permanent, ce poste est pour lui « un peu comme une drogue, ça fait mal mais on a encore envie de continuer ».
Invectives
Les assemblées générales des salariés du RER devront se passer de lui lorsqu’il se voit confier une mission de convergence pour aboutir au Grand Paris express. « Comment lier le projet de l’Etat et celui de la Région, assurer la difficile cohabitation entre le technique et le politique, ce ne sont qu’invectives », témoigne-t-il. Pas de gants de boxe sur la table du bistrot du 11e, « son deuxième bureau », pour illustrer les propos, mais des dents qui grincent, une mâchoire qui se tend et des poings qui se fritent et se cognent. A l’issue de l’accord du 26 janvier 2011 entérinant la fusion entre les deux projets de transport, l’ami de Maurice Leroy – rencontré au Parti communiste – et de Claude Bartolone, récolte quelques lauriers de cette première mission avant d’endosser, l’année suivante, le rôle de l’oiseau de mauvais augure. « Dire que le Grand Paris express coûtera plus cher, ce n’est pas le plus dur, ce qui est vraiment problématique, ce sont les questions de calendrier, un sujet tabou », narre l’ancien démineur qui est alors celui « qui doit prendre le goudron et les plumes ».
Avec un carnet d’adresses étoffé et un nom désormais bien identifié dans la nouvelle communauté du Grand Paris express, Pascal Auzannet aurait aujourd’hui le profil idéal pour se frayer un chemin à la Société du Grand Paris. « On voulait me confier la présidence, en 2013, mais, ne m’entendant pas avec Jean-Marc Ayrault, je suis planté », fait-il mine de regretter avant de décocher sa dernière flèche : « compte tenu que ce n’était pas le plus grand Premier ministre de la Ve République, j’avais presque envie de le mettre sur mon CV ».