Vendredi matin, Anne Hidalgo, en pleine tourmente médiatique, reçoit Libération dans son immense bureau de la mairie de Paris. C’était avant d’affronter les quelques sifflets de la cérémonie des césars, qui ont agité les réseaux sociaux une partie du week-end.
Oui, il vaut mieux, car sinon vous risquez d’avoir de gros problèmes (rires). A partir du moment où l’on a rencontré des obstacles, où l’on ne s’est pas forcément retrouvé dans la situation que l’on imaginait, j’aime faire des retours d’expérience. Cela permet de voir où il y a eu des points faibles dans notre organisation, dans notre expression, dans le projet que nous portons. En même temps, il faut partir du postulat que diriger une ville comme Paris n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut être capable d’apporter des corrections tout en tenant le cap, la vision que je porte avec mon équipe pour cette ville. Et il faut enfin s’assurer que les Parisiens sont avec nous.
Quand je regarde le parcours de la plupart des femmes politiques dans notre pays, je constate qu’elles ont toutes été taxées d’autoritaires, de rigides. Pas une n’a échappé à ça. Regardez Edith Cresson, Martine Aubry, Michèle Alliot-Marie, Ségolène Royal… Même Simone Veil, quand elle portait la loi sur l’avortement : ce n’est qu’après qu’elle est devenue une référence nationale, une icône. II y a quand même une représentation extrêmement sexuée, parfois même machiste, de la femme au pouvoir. Quand une femme exerce ses responsabilités, on dit qu’elle est autoritaire, voire autoritariste. Quand c’est un homme, cela fait partie des fondamentaux, de la capacité à transformer les choses.
Vous parlez de sondages nationaux alors que mon engagement est exclusivement pour Paris. Ces sondages sont d’ailleurs très volatils puisque, dans le dernier en date, je progresse nettement. Mais qu’ils montent ou qu’ils descendent, cela n’est pas mon sujet. Je pense que la pire des choses, c’est quand les hommes politiques ne sont animés que par leur cote de popularité.
Pour moi, très clairement, l’élection de 2020 va se jouer sur les grandes problématiques parisiennes. La question de l’attractivité de la ville à l’échelle internationale sera l’une d’entre elles. Et je crois qu’on a fait la démonstration de la réussite de ce pari. Moi, femme de gauche, j’ai tout fait pour qu’après le Brexit, ce soit à Paris que vienne la finance internationale. Le World Economic Forum souligne que Paris est la troisième ville au monde la mieux gérée, derrière Londres et New York. Notre candidature pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 s’est révélée gagnante et nous venons de recevoir le prix de la capitale européenne de l’innovation. Enfin, pour relancer le tourisme, je suis allée chercher un par un les tour-opérateurs, et nous avons battu en 2017 un record de fréquentation.
Le deuxième grand sujet, c’est la question climatique et celle de la pollution : le volontarisme de Paris est reconnu de tous. Le troisième défi, c’est celui de la solidarité. Cette ville attire les gagnants de la mondialisation, et je les veux ici. Mais cette ville ne doit pas devenir celle de l’entre-soi. Paris est une ville qui a allumé la lumière pour tout le monde et quand il y a des gens qui ne vont pas bien, qu’ils viennent de très loin ou de chez nous, ils arrivent ici, espérant trouver une situation qui va les sauver. Et ça, c’est une fonction de Paris que j’assume totalement. C’est pourquoi je m’implique autant dans l’aide aux personnes sans abri et aux réfugiés. En 2020, je vais donc construire une alliance citoyenne sur ces enjeux. Et tous les partis qui voudront soutenir cette alliance seront les bienvenus.
Je n’en sais rien. Ce sera à eux de se positionner sur mon bilan et sur ce que je vais proposer.
Est-ce si clair que cela ? Sincèrement, je ne sais pas. Je pense que le président de la République est davantage soucieux des résultats que des étiquettes.
Pas tous les élus. Mais il est vrai que certains députés LREM sont partis dans une démarche très agressive à l’égard de la majorité municipale… On verra bien jusqu’où ils iront. Moi, en tout cas, je porterai une candidature de coalition, comme je l’ai toujours fait.
(Rires) Je serai Paris.
Personne.
Je pense que j’ai beaucoup à faire à Paris, et c’est ce qui me passionne.
J’aime ma famille politique. J’espère qu’un jour, mon parti - car je ne l’ai pas quitté - réussira à redevenir une force politique qui pèse. Mais je ne suis pas connue pour être quelqu’un qui s’enferme dans une écurie. Cette liberté fait partie de mon ADN.
Il peut, bien sûr.
Oui, évidemment, car il est le point d’équilibre naturel de la social-démocratie écologique.
Le président de la République m’accompagne sur ce sujet avec une idée forte : il considère que les maires doivent avoir la liberté de pouvoir agir et d’être jugés sur ce qu’ils font, pas sur ce qu’on les empêche de faire.
Ma responsabilité n’est pas d’être une opposante politique, mais d’être la maire de Paris. Je travaille avec le gouvernement sur un certain nombre de projets, pour lesquels cela se passe bien. Que ce soit sur les questions climatiques, la définition d’un pacte sur la question du logement à Paris, l’aide aux personnes sans abri ou sur les Jeux olympiques, on est dans une démarche de coconstruction.
J’essaie de ne pas être dans le frontal. L’élection présidentielle a eu lieu. Moi, je suis très respectueuse des institutions. Evidemment, la circulaire Collomb pose question, même si le Conseil d’Etat l’a beaucoup dévitalisée, puisque les contrôles dans les centres d’accueil ne pourront se faire qu’avec l’accord des intéressés. Sur le reste, j’essaie de travailler avec les services de l’Etat pour construire une offre d’hébergement d’urgence qui réponde aux besoins, tous profils confondus, car les migrants qui ne sont plus dans les centres humanitaires deviennent des SDF. Et pour l’instant, même si je peux avoir des désaccords, les choses se passent globalement bien. Mais je ne rentrerai pas à LREM. Je suis une femme de gauche, social-démocrate, écolo et européenne.