12 Décembre 2014
Antoine Grumbach : «La Seine est le vecteur d’identité de la métropole»
Lauren HOUSSIN 11 décembre 2014 à 15:37
INTERVIEW
Questions-réponses avec l'architecte à l'origine du projet Seine Métropole.
Dans le cadre de la consultation sur le Grand-Paris lancée en 2008 par l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, Antoine Grumbach avait présenté son projet novateur «Seine Métropole», véritable région métropole allant de Paris au Havre en passant par Rouen, au fil de l'eau. Explications.
En quoi consiste votre projet de Seine Métropole ?
Ma réflexion est fondée sur des facteurs identitaires, géographiques et économiques. Déjà en 1802, Bonaparte avait cette phrase : «Paris-Rouen-Le Havre, une seule et même ville dont la Seine est la grande rue». Tout le monde sait ce qu’est une ville mais personne n’arrive à se représenter une métropole de 10-12 millions d’habitants… Or vivre dans la vallée de la Seine est une idée que les gens peuvent se représenter car elle est un élément d’identité très fort. Une preuve est que toutes les expositions universelles qui ont été faites à Paris se sont toujours organisées autour de la Seine, pour des tas de raisons. La Seine, c’est le vecteur d’identité de la métropole.
Aujourd’hui, toutes les grandes métropoles mondiales sont portuaires, parce que 90% du trafic des marchandises passe par la mer. Pékin, qui voulait rivaliser avec Shanghai, a créé une liaison avec le port de Tianjin à une échelle qui est similaire à celle de Paris-Rouen-Le Havre : 200-300km. C’est l’échelle des grandes métropoles mondiales.
Enfin, la vallée de la Seine est un lieu extraordinairement riche avec une forte implantation de l’industrie automobile avec Peugeot et Renault, et aéronautique avec EADS. Rouen est le premier port céréalier d’Europe et Le Havre, premier port pétrolier et logistique en France, est en pleine expansion.
Le développement des ports de la vallée de la Seine est au coeur de ce projet…
J’avais suggéré qu’on fasse un seul port Paris-Rouen-Le Havre. C’est fait : on a des choses concrètes comme Haropa, Harbour Of Paris ou Havre Rouen Paris. Sur les écrans du monde, le fait que ces trois ports soient unis parle tout d’un coup très fort aux gens. Les choses avancent. L’un des objectifs que nous avons est aussi de faire en sorte que Le Havre soit à une heure de Paris, contre deux aujourd’hui. C’est un projet très ambitieux.
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Avec l’ouverture du passage du Nord-Est, conséquence de la fonte des glaces, tout ce qui vient des Etats-Unis et d’Asie passera un jour par cette voie maritime. Ce grand flux va continuer à nourrir les ports allemands et hollandais, et atteindra également les ports français, dont celui du Havre qui va devenir de plus en plus important.
La surface du port du Havre est très importante mais une grande partie lui a été retirée pour des questions écologiques, pour créer une réserve naturelle. Au lieu de nous lamenter, on s’est dit que c’était formidable que ce soit le premier port du monde qui soit à la fois un grand port et un grand lieu de biodiversité. Le Parc de l’Estuaire réconcilie développement industriel et protection de la nature.
Seine Métropole : quelle gouvernance ?
Je partage l’avis de Jacques Attali qui dit qu’on a loupé quelque chose dans la réforme administrative : que le bassin de la Seine devienne une seule et même région «capitale» regroupant l’Ile-de-France, la Haute et la Basse Normandie. J’avais même été plus loin en disant dans un rapport que la France devrait avoir cinq régions : les bassins hydrologiques de la Seine, de la Loire, de la Garonne, du Rhin et du Rhône.
Les deux régions normandes se réunissent et c’est déjà très important. Demain, les liens vont pouvoir se resserrer. Les élus de la région Ile-de-France sont très conscients que la vallée de la Seine et les deux Normandie font partie d’un ensemble économique.
L’effet de gouvernance n’est pas encore très précis aujourd’hui mais les contacts et discussions existent. On voit de plus en plus de colloques s’organiser sur ce sujet.
Les métropoles vont-elles changer le territoire national ?
Ce réseau de métropoles, proches les unes des autres, est une richesse formidable. Je suis persuadé que la structure de la France, avec ces grands pôles régionaux, est une image d’une grande mégapole qui fonctionne, avec des systèmes de transports rapides, où on est à deux heures pratiquement de presque toutes ces métropoles.
Au dernier forum Libé, la grande spécialiste des villes globales Saskia Sassen expliquait aussi qu’une des grandes richesses de la région parisienne était l’existence de cette multitude de communes et villes, qui créent une multipolarité sur laquelle il faut s’appuyer pour créer l’identité de la métropole.