15 Mars 2013
L'ambition du Grand Paris, malgré la crise
L'on déplore trop souvent la dictature de l'urgence qui pèse sur les responsables politiques pour ne pas saluer, quand ils se produisent, les desseins stratégiques et les décisions ambitieuses.
C'est le cas du chantier du Grand Paris. Lancé dès 2007 par Nicolas Sarkozy, il est repris à son compte, pour l'essentiel, par l'actuel gouvernement, au prix d'une coquetterie inutile consistant à le rebaptiser "Nouveau Grand Paris". Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, l'a annoncé le 6 mars, au grand soulagement de ceux qui craignaient un enlisement du projet.
D'une présidence à l'autre, le diagnostic est le même : Paris étouffe dans des frontières inchangées depuis un siècle et demi. Faute d'une vision globale, la région-capitale ne parvient plus, depuis longtemps, à traiter à la bonne échelle des problèmes aussi cruciaux que les transports (surchargés), le logement (insuffisant), la crise des banlieues (récurrente) et la compétitivité d'une métropole qui n'a plus les moyens de rivaliser avec les grandes capitales mondiales. L'enjeu est crucial pour une région qui concentre une dizaine de millions d'habitants et 30 % de la richesse nationale.
Lentement, laborieusement mais sûrement, la réponse à ces défis s'est précisée depuis cinq ans. D'une part, faire émerger de puissants pôles de compétitivité (sciences et technologie sur le plateau de Saclay, santé à Villejuif, cinéma à Saint-Denis-Pleyel, aéronautique à Roissy-Gonesse, etc.). D'autre part, relier ces pôles entre eux – et avec le centre de Paris – grâce à un nouveau réseau de transport francilien en rocade, soit au total 200 kilomètres de métro supplémentaires et 72 gares désenclavant bon nombre de banlieues. Enfin, profiter de cette dynamique pour doubler, ou davantage, le nombre de logements construits dans la région (70 000 par an au lieu de 30 000 aujourd'hui).
Ce projet d'aménagement très ambitieux a donc été confirmé. La métropole parisienne n'en avait pas connu de semblable depuis un demi-siècle. Bravo !
Il n'en soulève pas moins de sérieuses questions. La première tient à sa réalisation. Les retards à l'allumage autant que le coût du Grand Paris ont conduit le premier ministre à étaler sur cinq années supplémentaires l'achèvement du nouveau super-métro : 2030, au lieu de 2025. Même si un calendrier précis de construction, ligne par ligne, est désormais fixé, l'horizon est lointain, surtout par temps de crise.
La seconde porte sur le financement. Entre la modernisation de lignes existantes et la construction de nouvelles, le budget global a été réévalué à près de 32 milliards d'euros. C'est un effort colossal en période de disette budgétaire. Pour y parvenir, le gouvernement a présenté un montage complexe, mettant à contribution Etat, collectivités et entreprises. Reste à le boucler effectivement, et sur le long terme.
Enfin, la question de la "gouvernance" de cet énorme projet n'est qu'esquissée. Le principe d'une "Métropole de Paris" a été posé. Mais il est loin d'être mis en oeuvre : la région Ile-de-France renâcle, les communes craignent de se voir déposséder de leurs prérogatives en matière de logement, et beaucoup craignent une de ces usines à gaz dont notre organisation territoriale a le secret.
Reste, pour l'heure, l'essentiel : la démonstration que la crise n'empêche pas d'inventer l'avenir.