14 Octobre 2013
Le débat sur la gouvernance du Grand Paris est ouvert en grand depuis deux ans. Il a connu maints rebondissements depuis que le Parlement s’en est saisi. La seconde lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi d’affirmation des métropoles doit marquer son aboutissement. Une dernière occasion en quelque sorte pour ne pas céder à la tentation de figer les choses, et faire une place, au sein de la Métropole du Grand Paris, pour une stratégie de mobilisation des territoires, moderne, souple et innovante. Lors de la conférence parlementaire du 8 octobre, j’ai eu l’occasion de formuler les 3 conditions qui permettraient au dispositif institutionnel retenu par le gouvernement de répondre aux préoccupations des élus locaux.
Après la page blanche de la 1ère lecture, il était essentiel que les sénateurs marquent leur volonté de créer une métropole du Grand Paris. Un texte a été voté, c’est un pas de franchi important. Mais, ce texte n’est pas encore satisfaisant. Les amendements finalement adoptés ont entamé la puissance et la cohérence du dispositif adopté en première lecture, sans résoudre les difficultés que ce dernier projet avait fait apparaître. Nous étions convaincus que le texte de l’Assemblée pouvait être renforcé, il a été affaibli. Nous étions convaincus qu’il devait donner les moyens aux territoires de se mobiliser, il a accru les capacités de blocage des communes.
Ainsi, avant la dernière ligne droite parlementaire, je souhaite faire part des 3 conditions qui me paraissent indispensables pour que le dispositif institutionnel finalement adopté engage la métropole du Grand Paris dans une dynamique constructive, et lui permette de relever rapidement les défis prioritaires.
1- Ne pas démobiliser les territoires !
La création de la Métropole du Grand Paris va entraîner la dissolution de 19 intercommunalités. Ces intercommunalités étaient loin d’être parfaites, mais elles engageaient un processus de mutualisation qu’il ne faut pas remettre en cause. Elles étaient porteuses de politique de proximité efficace, et les Contrats de Développement Territorial les installaient dans une logique de construction métropolitaine (objectif de construction de logement, élaboration de projet de territoire à l’échelle de bassin de vie cohérent…). La suppression des intercommunalités, la redescente de leurs compétences aux communes, conduit à annihiler le travail de mutualisation en cours et à casser les dynamiques engagées. Paradoxalement, la MGP, avant même de porter des politiques métropolitaines, risque d’entraîner l’émiettement de politiques de proximité.
Il me paraît indispensable de trouver des dispositifs pour permettre aux territoires de la métropole de poursuivre le travail engagé par ces EPCI. Cela pose nécessairement la question des moyens financiers et des personnels. Aujourd’hui, il me semble essentiel, d’encourager la constitution à l’échelle des territoires, de regroupements de communes capables de porter des équipements partagés et de leur donner les moyens de fonctionner. L’enjeu, on le sait, c’est la subsidiarité : donner les moyens de conduire des politiques à l’échelle où elles sont les plus efficaces. Pour « muscler les territoires », éviter d’encombrer la métropole de politiques qui ne relèvent pas de ce niveau, mais aussi ne pas « désinciter » les territoires à se développer, il est essentiel d’organiser un système qui leur permette d’être intéressés à leur développement, d’organiser le « juste retour » vers les territoires d’une partie des richesses produites.
2- Ne pas verrouiller l’avenir de la métropole.
Nous avons besoin d’une Métropole souple et évolutive. Le sénat a pris le parti inverse. Pour faciliter l’adhésion au projet, les sénateurs se sont mis d’accord pour construire une métropole figée, engoncée dans des règles qui interdisent son évolution. Si je comprends la stratégie politique, je mets en garde contre la tentation de verrouiller la métropole et d’empêcher son évolution future. Toutes les métropoles françaises et mondiales se sont construites progressivement, sont montées en puissance dans leurs compétences et périmètre.
Sur le périmètre, le sénat a rigidifié le dispositif au lieu de l’assouplir. Les sénateurs, en interdisant aux territoires qui le souhaiteraient de rejoindre la métropole, ont construit un mur étanche, une frontière pour le moins paradoxale. Ils ont ainsi manifesté une défiance vis-à-vis des territoires de grande couronne. L’assemblée doit au minimum rétablir le droit commun qui autorise la fusion des EPCI, sans quoi la métropole du Grand Paris serait la seule métropole française à ne pouvoir rejoindre à terme son périmètre fonctionnel.
Sur les compétences, la limitation stricte aux compétences prioritaires a affaibli le projet. Bien sûr, il faut tenir compte du retard accumulé, et ne pas confier trop vite trop de compétences à la Métropole. Mais, alors que le projet sorti de la 1ère lecture organisait l’extension graduelle des compétences de la métropole, en 2016 puis 2018, et invitait les élus locaux à délibérer sur l’intérêt métropolitain, le sénat interdit toute évolution future. Mais, au nom de quelle raison la métropole du Grand Paris ne pourrait intervenir sur le développement économique ? Au nom de quoi faudrait-il interdire à la Métropole parisienne de disposer des mêmes outils que toutes les autres métropoles françaises dès lors que l’intérêt métropolitain est reconnu? La légitimité de la Métropole se jouera aussi à sa capacité à se saisir de ces politiques.
3- Pour une Métropole démocratique et moderne
Le grand absent du projet de loi adopté par le Sénat, c’est la question démocratique. On ne peut pas réduire cette question à la représentation par les maires ou au suffrage universel. Le partage avec les citoyens, la construction d’une identité collective seront au cœur de la réussite de la Métropole. De ce point de vue, la disparition de la commission métropolitaine du débat public est un mauvais signal. Depuis 2001, nous avons répété avec constance que la question métropolitaine appelait le renouvellement de nos pratiques démocratiques. Pour permettre l’association des citoyens à la construction des projets, sans limiter la consultation aux seuls électeurs locaux. Pour ne pas réduire la question démocratique au vote de validation.
De la même façon, je m’alarme de la suppression dans le texte du sénat de tous les dispositifs qui visaient à construire une métropole moderne. Il serait inconcevable que la métropole parisienne ne puisse élaborer un véritable projet métropolitain ; il serait étonnant que l’Atelier international du Grand Paris, après avoir porté le sujet du Grand Paris devant le grand public, lui avoir donné corps, soit écarté de la loi ; l’enjeu c’est d’encourager les élus métropolitains à créer une boîte à outil capable de les aider à entrer dans une vraie dynamique de projet.