6 Juillet 2010
LIBERATION
Récit
Après le départ de Christian Blanc et la fin de son secrétariat d’Etat, le projet de Sarkozy se dégonfle.Tradition de la Ve, les présidents de la République aiment bâtir pour laisser leur trace dans l’Histoire. A l’exception de De Gaulle qui avait payé d’avance, ils l’ont tous fait. Nicolas Sarkozy n’est pas différent des autres : à peine élu en juin 2007, il parlait de communauté urbaine autour de Paris. Devenir le baron Haussmann du XXle siècle, comme l’avait évoqué son conseiller Henri Guaino, a de quoi faire rêver un chef d’Etat. Accessoirement, organiser le bazar de l’agglomération parisienne est un objectif louable. Quatre ans plus tard, ces nobles ambitions ont dégringolé. Le Grand Paris avait entraîné, en 2007, la création d’un secrétariat d’Etat au Développement de la région capitale, innovation confiée à un ancien chef d’entreprise (Christian Blanc) supposé dynamique. Le ministre est limogé le 4 juillet, le secrétariat d’Etat supprimé fissa, et le dossier confié, sans crainte de l’effet comique, au ministère de l’Espace rural.Ce processus de descente en gammedevrait s’achever aujourd’hui avec l’élection d’André Santini à la présidence de là Société du Grand Paris (SGP), par les membres de son conseil de surveillance. La SGP est l’établissement public créé par la loi Grand Paris de Christian Blanc. Le président de la SGP aura des pouvoirs considérables d’aménagement sans s’être donné la peine de passer par le suffrage universel. Il lui aura suffi d’être l’homme du Président.
Bétonnage.
Maire d’Issy-les- Moulineaux (Hauts-de-Seine) depuis trente ans, député (Nouveau Centre), Santini s’est surtout distingué côté talents urbains par un bétonnage en règle de sa ville, couverte de bureaux. Un exemple parfait des excès de la décentralisation, ce qui ne fait pas de ce maire un coordinateur né. Et Santini a été absent du débat sur la métropole. Ce choix curieux laisse beaucoup d’élus perplexes. «J’attends de le voir pour savoir s’il a une idée sur la question, dit Jean-ChristopheFromantin, maire divers droite de Neuilly et guère suspect de sarkozysme. Santini s’est très peu engagé sur le sujet» . Un autre élu de droite estime que «ça ressemble à une récompense» . Pour quelle action ? «Avoir quitté Bayrou parmi les premiers» , hasarde un proche du dossier. Ou peut-être ne pas avoir concrétisé sa menace de constituer une liste dissidente à droite aux régionales. On est très loin du discours fondateur sur le Grand Paris, le 29 avril 2009, dans lequel le chef de l’Etat revendiquait pour son projet «le Beau, le Vrai, le Bien» de Platon. «Et je me permettrais d’y ajouter le Juste», fignolait-il. Parallèlement, son atypique secrétaire d’Etat construisait une loi créant un métro automatique géant autour de Paris. Et retirait brutalement les compétences d’urbanisme aux collectivités locales sur d’énormes zones autour des gares du métro pour les confier au futur seigneur de la SGP. Blanc snobait région, départements et groupements d’élus, tout débat public, ne s’adressant aux maires qu’en bilatéral. «De la microconcertation nucléarisée», dit Vincent Eblé, président (PS) du conseil général de Seine-et-Marne. L’Elysée laisse faire cette «élaboration en chambre» de la loi, comme dit encore Eblé. Cette attitude exaspère les élus, et l’idée même d’un consensus s’éloigne.
Mais, trois ans avant l’arrivée de Sarkozy sur ce terrain, certaines s’étaient regroupées à l’initiative de la gauche parisienne. Cent dix collectivités sont aujourd’hui membres de Paris Métropole. Au Parlement, le débat sur la loi Grand Paris a été agité. En particulier
sur l’âge du futur capitaine de la SGP. L’Assemblée voulait une
dérogation à la limite des 65 ans, taillée sur mesure pour André Santini, 69 ans et 8 mois au moment de sa probable élection. Le Sénat voulait «un profil jeune, 50-55 ans»,
selon le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade (80 ans). L’obstacle sera dégagé en commission mixte paritaire.
Suzerains.
Les pouvoirs du futur chef ont quand même été un peu rognés par la discussion parlementaire au profit du préfet de région, Daniel Canepa. C’est lui qui aura le dernier mot sur les aménagements urbains. Il le rappelle à l’occasion. Deux suzerains pour la métropole?
Loin du beau, du vrai, etc. le gouvernement élira aujourd’hui so candidat grâce aux voix majoritaires des représentants de l’Etat. Bertrand Delanoë, maire de Paris, et Jean-Paul
Huchon, président de la région, ne se déplaceront pas. Les cinq présidents des conseils généraux de gauche ont dénoncé hier dans un communiqué
les «petits arrangements entre amis» Ils présenteront un candidat, Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne.
Par sibylle Vincendon
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Le Parisien
Issv-les- Moulinea ux
Date de parution: 21.07.2010
Grand Paris: Santini déjà contesté
André Santini devrait devenir aujourd’hui président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. Un choix légitime pour les uns, contestable pour les autres.
Président du Grand Paris, une casquette de plus pour le députémaire
(Nouveau Centre) d’Issy-les- Moulineaux, également président du
syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), qui, à près de 70 ans,
bénéficie d’une dérogation à la limite d’âge pourtant fixée à 65 ans par la
loi de 1984 pour les membres de la fonction publique et du secteur
public. « André Santini connaît bien les problèmes d’urbanisme et
d’aménagement. C’est un maire bâtisseur qui a transformé en
profondeur la ville qu’il a prise aux communistes. Il fait autorité et
incarne le consensus », souligne Philippe Pemezec, maire du Plessis-Robinson et patron de l’UMP des Hauts-de-Seine. Frédéric Lefèbvre, suppléant du maire d’Issy à l’Assemblée Nationale, va dans le même sens: « C’est une chance pour le Grand Paris de bénéficier de l’énergie d’un bâtisseur respecté à droite comme à gauche, tel qu’André Santini. » Mais les opposants à cette désignation sont aussi nombreux, certains dénonçant une fois de plus « le fait du prince ». « On retrouve là le système clanique qui fonctionne depuis longtemps au profit des amis de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine, et se retrouve désormais au niveau national », critique Philippe Kaltenbach, maire (PS) de Clamart et vice-président du conseil régional.
représentant des maires dans l’association du Grand Paris. C choix est un défi au suffrage, puisque André Santini n’a eu la majorité ni dans sa ville ni dans les Hauts-de-Seine aux dernières élections régionales. » A droite aussi, certains évoquent une « erreur stratégique». « On va encore dire que le clan Sarkozy veut tout rafler. Ce n’est pas bon, surtout en ce moment, il aurait fallu quelqu’un de plus neutre », soupire un élu UMP des Hauts-de- Seine sous couvert d’anonymat. Un autre insiste: « L’image des Hautsde- Seine est liée aux affaires et à
l’argent. La nomination à la tête du Grand Paris d’un élu· renvoyé en correctionnelle pour détournements de fonds présumés dans le cadre de l’affaire Hamon n’est pas de nature à
améliorer cette image.» Un fin stratège Patrick Devedjian qui, en tant que président du conseil général des Hauts-de-Seine, siégera également au conseil de surveillance
du Grand Paris, n’a pas souhaité commenter la probable désignation
d’André Santini comme président. Il y a un an, ce dernier, qui venait
d’avoir 65 ans, n’avait pu bénéficier de la dérogation à la limite d’âge
pour rester président de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense. Il est
vrai qu’à l’époque un certain Jean Sarkozy briguait le poste. Beaucoup
jugent qu’André Santini devrait aujourd’hui lever le pied. Pas lui. Un malaise cardiaque en Chine il y a trois ans, alors qu’il était encore secrétaire d’Etat, n’a rien changé à
l’appétit de pouvoir de celui qui a Îeté ses 30 ans de mandat de maire d’Issy l’an dernier. Derrière ses traits d’,humour et son allure bonhomme se cache en fait un homme autoritaire qui supporte difficilement la contradiction. Et ce fin stratège garde
une forte influence. Alors Santini à la tête du Grand Paris, ce pourrait être
aussi une façon de neutraliser ce vieux briscard de la politique. Le mandat du président du conseil de surveillance est de cinq ans, renouvelable... « Aujourd’hui Santini
ne peut pas espérer tellement mieux, analyse un connaisseur de la scène
politique des Hauts-de-Seine. Il sera parfait à ce poste et ne menacera personne. »
Frédéric Choulet et Christine Henry