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Pierre Mansat et les Alternatives

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> Grand Paris: "Mais enfin Monsieur Blanc !..., par Jean Nouvel" sur Le Monde.fr

Point de vue
Mais enfin Monsieur Blanc !..., par Jean Nouvel
LEMONDE.FR | 19.05.10 | 11h05


ous ne croyiez quand même pas publier deux cent cinquante pages d'écriture technocratique en pensant que personne ne réagirait ! C'était impossible, tellement, après lecture, garder le silence serait coupable.

Certes, à défaut de vous auréoler par la qualité de son style, votre plume a l'habileté de noyer l'information, donc d'être protectrice. Il faut donc extraire le message de la gangue des interminables considérations générales, passer sur les cent premières pages couvrant cinq millénaires de l'histoire de Paris, pour enfin arriver au premier élément très instructif : votre lettre de mission présidentielle du 7 Mai 2008.

 

Ainsi dit-elle : "Vous avez la mission de définir une vision pour la région capitale à l'horizon 2030, et d'imaginer les modes d'organisation qui permettront à tous les acteurs de faire de cette vision une réalitéLa vision doit précéder le projetVous devez restaurer une ambition d'urbanisme cohérente à l'échelle de l'agglomérationLa consultation internationale pour l'avenir du Paris métropolitain de dix cabinets architecturaux, urbanistiques et paysagers … livrera ses conclusions en janvier 2009, conclusions sur lesquelles vous pourrez asseoir votre projetCela exige la participation active au dynamisme économique des habitants des zones en difficultéIl faut assurer le développement de ces zones. Cette ambition doit s'appuyer sur l'architecture comme support de l'attractivité de la région capitale et fondation d'une identité culturelle et urbaineCommencer par la fondation d'un cluster technologique et scientifique de rang mondial autour du plateau de Saclay, le développement de la Plaine de France au nord-est de Paris, la programmation des infrastructures de transportCette vision et ce projet se traduisent naturellement par l'invention d'un nouveau mode de gouvernance et de financement."

Mais enfin Monsieur Blanc, l'avez-vous bien lue, cette lettre ? Et croyez-vous que personne n'établira le rapport entre les exigences qu'elle contient et les réponses que vous apportez ? Où est votre vision ? Vous commencez votre explication par un lapsus révélateur : "La vision que nous voulions proposer pour le Grand Paris". "Voulions" au lieu de voulons, c'est ce que l'on appelle mettre les points sur les i.

Comment expliquer ensuite le chapelet de platitudes et de truismes qui caractérisent votre vision ? "Le Grand Paris, capitale internationale, est une ville d'échanges ouverte sur le monde … Ville d'échanges aussi par le dialogue des métiers, des personnes, des cultures, des générationsLe Grand Paris, ville du savoir et de la création … Et, cocorico : Le Grand Paris, capitale mondiale de l'art de vivre."
Votre vision architecturale et urbanistique, privilégie l'idée de "ville compacte", formulation ambiguë et inquiétante car la métropole est tout sauf compacte. Il s'agirait plutôt de parler de l'évolution subtile de certains quartiers… Ainsi vous citez le président de la République lors de l'ouverture de l'exposition à Chaillot des projets des dix équipes d'architectes : "Il faut libérer l'offre, déréglementer, augmenter le coefficient d'occupation des sols, rétablir la continuité du construit dans les zones denses, permettre aux propriétaires d'agrandir leurs maisons individuelles. L'obstacle n'est pas la rareté du foncier mais la façon dont on le gère."

VOUS CROYEZ-VOUS CRÉDIBLE ?

Mais enfin Monsieur Blanc, suivez l'exemple présidentiel ! Faites des propositions claires, identifiables, neuves et transversales. Applicables simultanément à de très nombreux territoires. Ouvrez la porte à de vraies discussions avec les élus locaux. Suggérez, vous aussi, une reforme du droit de l'urbanisme !

Votre vision c'est aussi "l'équilibre entre complexité et harmonie qui nécessitera tout le talent de nos architectes et urbanistes". Monsieur Blanc, permettez-nous de sourire… Comment atteindrez-vous cette trop noble ambition alors que vous avez prouvé pendant deux ans votre refus de communiquer avec ceux avec qui vous auriez dû travailler ? Autre vision : "La ville sera polycentrique et multipolaire" écrivez-vous en citant le nom de quatre équipes qui proposent différents nombres de centres. Oui ? Et alors ? N'est-ce pas un peu court ? "L'Atelier international du Grand Paris … intégrera des architectes urbanistes de la consultation du Grand Paris … Ils travailleront dans la durée à des stratégies d'avenir pour la métropole." Mais enfin Monsieur Blanc, vous avez déjà refusé de travailler avec eux ! Et cela alors que votre lettre de mission vous suggérait d'asseoir votre projet sur leurs propositions. Et vous osez les enrôler une fois votre projet formulé ! Vous croyez-vous crédible ?

Votre vision serait encore de "construire la ville sur la ville". Ainsi vous citez Bernard Huet et sa condamnation des rénovations qui commencent par effacer… Mais, une page plus loin, vous parlez de "réaménager", de "reconstruire" et de "faire évoluer", mais aussi (chassez le naturel, il revient au galop) vous écrivez : "raser même s'il le faut !". Mais enfin Monsieur Blanc, nous vous le disons depuis deux ans : on ne rase plus ! On ne joue plus les Haussmann dans les zones pavillonnaires, comme vous le revendiquez pour Clichy Montfermeil ! On ne fait pas aujourd'hui le Grand Paris en virant les gens de chez eux. Ce sont des méthodes d'un autre âge…

En fait, vous essayez en trois ou quatre pages de formuler quelques principes urbanistiques et architecturaux, vous voulez nous faire croire que vous êtes un humaniste, vous nous parlez de "donner de l'âme à la Métropole"… Et vous proposez un métro automatique essentiellement souterrain comme le moyen de transport de notre futur métropolitain. Et je n'ai pas l'impression en vous lisant que la contradiction vous effleure… Vous osez même écrire : "imaginer la ville c'est aussi imaginer des mobilités qui sont plus que des déplacements". Mais enfin Monsieur Blanc, la contradiction ne vous effleure toujours pas ? Après cela vous vous exclamez : "gardez-vous des génies abstraits qui peuvent produire des urbanismes totalitaires !". Vous citez le directeur de la Nasa : "Failure is not an option". Et cela pour justifier un univers souterrain, insensible aux expropriations et aux découvertes archéologiques… Mais si votre Métromatic, au contraire du métro de Bienvenüe qui a la gentillesse de s'arrêter toutes les minutes, se révélait vraiment impopulaire, parce que claustrophobique, psychologiquement insécure, avec des parcours dépassant le quart d'heure entre deux stations. L'échec ("failure") ne deviendrait-il pas réalité ?

Voyez-vous Monsieur Blanc, vos formulations au milieu de lieux communs sont brutales et quelquefois imprudentes et incohérentes. Prenons par exemple votre "vision en rhizome". Vous nous dites que "l'approche par le rhizome permet … de mettre en évidence des liens qui unissent les différentes parties du territoire". Si je me souviens de mes anciennes lectures, ce qui intéressait Deleuze et Guattari dans ce concept, était surtout le mécanisme de résistance à une autorité centrale dans un modèle non hiérarchisé, dans lequel il n'y a pas de ligne de force ; un principe de connaissances non dirigées, simultanées et interactives. C'est aussi le développement d'une capillarité imprévisible, partant aussi bien des tiges souterraines que des bourgeons… La métropole est aujourd'hui bien chaotique. Etes-vous bien sûr, Monsieur Blanc, qu'une complémentarité par l'imprévisible, est de nature dans ces conditions à mettre en évidence des liens territoriaux ?

Autre exemple. Vous nous inquiétez quand vous nous dites que "les hommes font les villes mais qu'ils ne savent pas quelle ville ils font", et pour cela qu' " il faut avoir beaucoup d'humilité". Mais enfin, Monsieur Blanc, l'humilité ne demande-t-elle pas d'écouter avant de décider ? L'humilité n'appelle-t-elle pas la transparence des structures de décision ? Monsieur Blanc, les villes font les hommes et c'est pourquoi il ne faut pas les laisser se faire toutes seules. Une ambition ici est légitime.

Mais venons-en à votre système de transport. Vous nous expliquez : "Ainsi à la mise en place de notre petite équipe, l'une des priorités à été de travailler à la définition d'un réseau de transports structurant le Grand ParisIl doit être mis en œuvre au plus vite pour accompagner la naissance et le développement des territoires". Monsieur Blanc vous refusez de comprendre… L'essentiel de l'urbanisme du XXe siècle a été ainsi conçu : les réseaux d'abord ! On en connaît le résultat. Aujourd'hui, on sait qu'il faut d'abord localiser la structure habitée selon des critères géographiques, historiques et économiques. Ce n'est qu'après qu'il devient souhaitable de choisir l'emplacement des gares. Si votre équipe avait été moins petite, quelqu'un vous l'aurait dit. Ou si vous aviez écouté les dix équipes sur l'opinion desquelles la lettre de mission vous suggérait d'asseoir vos propositions…

UN MODÈLE PARFAIT POUR FABRIQUER DU CHAOS

Quant à votre exercice de casuiste pour expliquer que la région reste en charge des transports mais que le réseau de transports du métro automatique dépend quant à lui de l'Etat, il laisse entier le problème politique de la gouvernance. Le plus époustouflant, ce sont les études en cours lancées par la communauté urbaine du Bourget et la façon dont vous montrez que l'Etat, vous en l'occurrence, n'est pas d'accord avec lui-même, quand vous annoncez le Bourget comme "la ville-cœur du Grand Paris" et faites le choix de Pleyel Saint-Denis pour l'implantation de la grande gare intermodale métropolitaine : "la gare de Paris Pleyel deviendra le grand hub métropolitain de transports au cœur de la région capitale". Mais enfin Monsieur Blanc, ce qui vous est demandé, c'est au minimum de proposer un système de gouvernance qui donne à l'Etat un pouvoir d'arbitrage entre des communes espérant obtenir le même avantage !

Et votre "Société du Grand Paris" qui construit comme elle veut (puisque l'Etat y est majoritaire) sur les terrains les mieux desservis, au gré du marché, nous offre un modèle parfait pour fabriquer du chaos. Est-ce là votre rhizome ? Un mot, Monsieur Blanc, vous est cher : "cluster". Le modèle américain ne s'applique pourtant pas automatiquement à Paris Métropole. Vous nous dites que "le plateau de Saclay a toutes les cartes en main pour devenir une référence mondiale de l'ampleur de Silicon Valley". Notons quand même que le rapport d'échelle du cluster de Saclay à celui de Silicon Valley est au moins de 1 à 10. Et que les analyses économiques récentes montrent l'obsolescence de ce concept américain et sa non efficacité dans des métropoles telles que Tokyo et Paris, beaucoup plus mixtes et complexes que le sont New York et Londres. L'échelle des territoires de compétitivité est plutôt celle de la vallée de la Seine et de ses affluents. Pour le reste, Monsieur Blanc, Saclay, la Plaine-de-France, vous vous contentez de paraphraser la lettre de mission ou les éléments du discours présidentiel de Chaillot. La Plaine-Saint-Denis devient "territoire de la création", le Bourget (avec Drancy, Dugny, le Blanc-Mesnil, Bonneuil, la Courneuve) est "la ville-cœur, nouveau pôle économique doté d'un centre technologique aéronautique". Roissy Villepinte est "un pôle d'échanges", d'Aulnay-sous-Bois à Montfermeil le territoire est désenclavé par une gare, à Marne-la-Vallée la cité Descartes devient "la ville en mouvement", La Défense une "cité financière", la Seine "une ouverture sur le Monde" avec le Havre "façade maritime de Paris" et Achères "le port de la confluence". Pas de vision, simplement des objectifs programmatiques répétés.

Mais Monsieur Blanc, le plus inquiétant, ce sont sûrement vos silences. Les ZUS (Zones urbaines sensibles) ne méritaient-elles pas une vision, un chapitre ? La relation avec les élus locaux un autre ? Vous vous êtes attachés à ceux qui sont concernés par votre grand huit, mais les autres ? La vision du Grand Paris ne doit-elle pas intégrer des actions transversales dans chaque commune ? Des actions ne doivent-elles pas commencer simultanément dans toutes ces communes, au plus vite ? Le travail sur les lisières de la métropole, sur la mutation des logements pour mieux les isoler et les agrandir, sur les changements législatifs pour introduire la mixité, accentuer les conversions, les mutations…, pour ne citer que certains points de transversalité qui changeront la vie de chacun… Rien non plus sur la place de l'Art comme moyen de transformation urbain…
Mais le plus significatif n'est-il pas votre conclusion : "Faisons un rêve. Nous sommes en 2024. Paris est une métropole unie soudée. C'est une ville monde éveillée qui reçoit les Jeux Olympiques … C'est une ville dont le génie inventif s'exprime en toutes choses, où la création est partout présente … L'audace et l'imagination sont les socles de son activité économique … La croissance permet à chacun de trouver un emploi qui corresponde à ses goûts, à son talent et à ses possibilités … Les habitants du Grand Paris peuvent se déplacer de façon agréable d'un bout à l'autre de la métropole … Aucun quartier n'est mis de coté, les ghettos ont été désenclavés…" Tout est dit, votre rêve nous transporte automatiquement.

Monsieur Blanc, dans l'immensité des questions du Grand Paris, vous vous êtes perdu. Vous faites souvent référence à Haussmann. Comme lui, vous êtes préfet, mais vous ne serez jamais Baron. Ce livre aura servi à prouver une chose : vous n'êtes pas le secrétaire d'état au développement de la région-capitale, vous êtes un secrétaire d'Etat à l'extension du réseau de transport de la capitale.

Jean Nouvel, architecte.

PS : Merci d'avoir sorti ce livre clarificateur avant le débat parlementaire.

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