28 Avril 2010
Par Matthieu Deprieck
Les sénateurs ont adopté le projet de loi encadrant le développement du Grand Paris, non sans l'amender. Principale victime: le projet de rocade ferroviaire porté par la Région Ile-de-France et baptisé Arc Express. Réaction de Jean-Paul Huchon.
Si vous êtes à quai et que vous attendez un métro banlieue-banlieue, vous risquez de patienter encore longtemps. L'adoption par le Sénat du projet de loi Grand Paris dans la nuit de lundi à mardi a introduit un peu plus de confusion au chapitre "rocade ferroviaire".
D'un trait de plume, les sénateurs de la majorité ont supprimé du texte le projet Arc Express, porté depuis fin 2006 par la région Ile-de-France et son président socialiste, Jean-Paul Huchon. C'est la principale modification des sénateurs. La plus surprenante aussi.
Flash-back. En décembre 2007, la Région et le préfet d'Ile-de-France lance officiellement le projet après un an d'études, financées, en partie, par l'Etat. L'idée est de bâtir une rocade ferroviaire autour de Paris, à quelques kilomètres du périphérique, avec un métro s'arrêtant dans une quarantaine de gares.
A cette époque, le chantier semble plutôt bien parti. Un calendrier prévoit l'étalement des travaux de 2012 à 2017 pour la première tranche.
Problème: Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du Grand Paris, est opposé au projet de la Région et prône la construction d'un "Grand Huit", soit deux boucles de métro automatique et à grande vitesse. Principale différence avec Arc Express: la distance entre ces nouvelles lignes et le périphérique. Le projet Blanc dessert des villes et des pôles plus éloignés de la capitale. Il est aussi plus rapide et s'arrête dans moins de gares.
Depuis plusieurs mois, les deux projets s'affrontent. Certains élus ont proposé de fusionner les deux tracés. Le député UMP Gilles Carrez a ainsi jugé délicat de financer l'ensemble. Mandaté pour dégoter 35 milliards d'euros, le parlementaire s'est creusé longuement la tête avant d'expliquer début juillet 2009 que l'une des solutions revenait à repousser au-delà de 2025 la construction d'une grande partie de la "rocade Blanc".
En résumé, Arc Express est sur les rails, mais il va devoir laisser une petite place au "Grand Huit". Voilà où nous en étions. Avant que les sénateurs éjectent Jean-Paul Huchon du train en marche.
Jean-Paul Huchon prêt à aller jusqu'au bout
"Je ne comprends pas ce revirement", explique, amer, le président du conseil régional. "L'Etat a financé d'importantes études sur Arc Express. A croire que l'Etat Blanc n'est pas l'Etat Chirac, ni l'Etat Sarkozy du début. Nous avions établi un tracé avec 40 gares. Nous avions recueilli l'accord de tous les maires concernés".
Jean-Paul Huchon n'entend bien sûr pas en rester là. La prochaine étape, c'est la Commission mixte-paritaire (CMP) le 20 mai, un groupe de 7 sénateurs et 7 députés, censés valider le texte de loi. "Je suis déterminé à me battre pour que la CMP revienne sur ce projet. Les députés UMP, Gilles Carrez et Yves Albarello (qui seront présents dans la commission) peuvent d'ailleurs nous aider. Gilles Carrez a toujours dit qu'il fallait rénover l'existant et s'attaquer en priorité aux déplacements banlieue-banlieue", assure le président socialiste.
Plus généralement, l'élu se demande "qui pilote le dossier du Grand Paris. Quand je croise Henri Guaino (conseiller de Nicolas Sarkozy, ndlr), il me dit que Blanc va rectifier. Yves Albarello m'affirme qu'il va dézinguer l'actuel projet de loi. Le 29 avril 2009, Nicolas Sarkozy déclare qu'il faut s'appuyer sur les collectivités locales. On n'y comprend plus rien."
Si la CMP venait à confirmer la suppression d'Arc Express, le dossier des transports banlieue-banlieue pourrait sérieusement s'enliser. Jean-Paul Huchon a déjà prévenu qu'il attaquera devant le Conseil constitutionnel et qu'au pire, il mettra fin aux partenariats avec l'Etat. En attendant, si vous voulez aller de banlieue à banlieue, faites preuve de patience.