29 Octobre 2014
| Un Central Park au cœur de la Seine-Saint-Denis, c'est possible. C'est en tout cas ce que devaient plaider l'équipe de Roland Castro et les élus du département lors d'une conférence de presse, mercredi 29 octobre, dans les locaux parisiens de l'architecte. Le projet, l'un des dix programmes primés lors de la consultation sur le Grand Paris lancée par Nicolas Sarkozy en 2007, avait été enterré depuis. Il est relancé par le fondateur de Banlieues 89 après un travail de deux ans qui a évalué sa faisabilité. Le plus grand site d'aménagement urbain d'Europe, à 6 km au nord de la capitale, pourrait sortir de terre. Lors de la présentation de Central Park à la Cité de l'architecture et du patrimoine, en novembre 2009, la maquette avait fait sensation avec ses tours lumineuses entourant le parc Georges-Valbon telles celles de Manhattan. L'idée était de faire de cet espace de 417 hectares un poumon vert au milieu d'une nouvelle zone urbaine moderne. Le pari semblait fou dans cette banlieue pauvre et désindustrialisée. Il avait même rebuté certains élus, effrayés par ces grandes constructions futuristes. Faute de financements, il avait été rangé dans un tiroir. Raccordé aux villes alentourRoland Castro n'y a pas renoncé. Aujourd'hui, les tours ne font plus que 18 étages – 50 mètres –, et n'ont plus grand-chose à voir avec les gratte-ciel de verre coloré et de métal imaginés il y a cinq ans, les aéroports de Roissy et Le Bourget interdisant de telles hauteurs sur les trajectoires des avions. Mais le projet reste d'ampleur : 1,7 million de mètres carrés, 2 000 immeubles, soit 24 000 logements, sur une bande de 100 mètres tout autour du parc. Des habitations, sociales et privées, de haute qualité environnementale, mais aussi des commerces, des services publics, des jardins partagés, des buvettes, des cinémas. Une passerelle serait construite pour relier la cité des 4 000 au parc qui lui fait face de l'autre côté de l'autoroute A1. Trente entrées permettraient de le raccorder aux villes alentour, jusqu'alors coupées de ce poumon vert. Pour parler de son " bébé ", déjà présenté il y a trente ans à François Mitterrand, rappelle-t-il, M. Castro le compare au parc Monceau : " Pourquoi habiter sur un parc dans la ville serait réservé aux bourgeois du 8e arrondissement ? " Les opérations d'aménagement (voirie, équipements publics, passerelles) seraient financées par les recettes foncières et les droits de mutation perçus par les collectivités locales (le département est propriétaire des terrains du parc) et l'Etat via la TVA. Le reste – les immeubles – relèverait des promoteurs, donc du privé, pour une estimation de construction de l'ordre 2,39 milliards d'euros. " Cela ne coûterait rien aux contribuables et pourrait rapporter 5 milliards d'euros aux pouvoirs publics ", assure Silvia Casi, architecte associée au projet. Pour surmonter les contraintes d'un parc classé Natura 2000 avec des habitats naturels protégés et des espèces animales rares, le projet ménage des corridors verts et des espaces de compensation permettant de doubler la surface naturelle grignotée par les constructions. Des friches non utilisées seraient aménagées et rattachées au parc, permettant une balade de sept kilomètres de Saint-Denis à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise). Et les constructions prévues, pour beaucoup en bois, rivalisent de jardins suspendus, de systèmes de récupération des eaux et de potagers au pied d'immeubles. De quoi séduire les écologistes, qui risquent de tiquer sur les parcelles naturelles ainsi aménagées. PrudenceLes élus locaux, pourtant échaudés par la multiplication des travaux annoncés sans grande concertation, semblent suivre. Le département et les maires des six communes concernées par le parc soutiennent le dossier. " Nous ne sommes pas à l'initiative, mais vouloir déplacer le Grand Paris vers le 93, c'est un beau projet ", argumente Stéphane Troussel, président (PS) du conseil général. A condition d'avoir " des quartiers de ville mixtes, comme ce qui a été réalisé à Stains en bordure du parc ", précise-t-il d'emblée. Même prudence de Patrick Braouezec, président de la communauté d'agglomération Plaine Commune, qui " demande encore à voir " : " On a beaucoup de mal, en France, à faire pénétrer la nature dans la ville. Et ce projet peut être une idée extraordinaire si on garde la volonté politique de maîtriser le foncier pour éviter la spéculation immobilière ", explique l'élu apparenté communiste. Reste à savoir comment les pouvoirs publics et le gouvernement vont répondre aux attentes. Les concepteurs espèrent être retenus comme Opération d'intérêt national (OIN). Manuel Valls doit annoncer, en janvier 2015, la liste de vingt sites OIN retenus en Ile-de-France. Aux yeux des concepteurs, les promoteurs, alléchés par tant d'opportunité aux portes de Paris, suivront. Le gisement de logements envisagé dans ce projet est loin d'être négligeable, au regard de l'objectif fixé au Grand Paris de bâtir 70 000 logements par an. Pour le moment, on en est loin. Le rêve de l'architecte ex-maoïste n'est peut-être plus aussi fou. Sylvia Zappi |