21 Novembre 2014
Partout en France, les conseils municipaux, généraux et régionaux se réunissent pour débattre et décider sur toutes les questions qui touchent à la vie de nos concitoyens. Ils s'inscrivent ainsi dans la belle tradition républicaine d'une démocratie enracinée capable d'articuler les idéaux les plus élevés aux préoccupations les plus humbles. Majorité et opposition y examinent des projets concrets en se laissant la chance de tomber d'accord quand l'intérêt général l'impose avec la force de l'évidence. Divergences et convergences y sont bien plus souvent dictées par des impératifs politiques que par des considérations politiciennes. Qu'ils s'opposent ou qu'ils s'accordent, bien au-delà des clivages traditionnels, c'est une forme de fidélité à leurs concitoyens qui conduit les conseillers à prendre telle ou telle position sur tel ou tel sujet.
Les Français ne s'y trompent pas en conservant leur confiance à leurs maires et à leurs élus locaux, qu'ils savent capables de faire prévaloir les exigences du bien commun entre ce que Simone Weil appelait " les intérêts qui transigent toujours " et " les principes échauffés par la passion, qui ne transigent jamais ".
Cette confiance, il nous faut nous en montrer dignes en refusant de céder à la facilité, et à la fatalité, des prises de position tactiques. C'est au prix de cette récusation des petits calculs, ou des revirements d'un jour à l'autre que nous pourrons sauver la politique de l'indifférence et de l'hostilité grandissante qu'elle suscite chez nos concitoyens. Seule une discussion émancipée des considérations d'appareil et de pouvoir peut faire advenir une décision authentiquement démocratique.
Il ne s'agit évidemment pas d'éteindre ou d'empêcher le débat, ou la défense de ses convictions dans la fidélité de ses engagements, mais bien au contraire d'éviter qu'il ne soit préempté par des responsables ou des groupes à des fins purement politiques. C'est pourtant ce qu'il s'est passé au moment de l'examen de la délibération sur la tour Triangle lors du dernier Conseil de Paris.
Non pas que je conteste la légitimité intellectuelle et politique des véritables adversaires du projet. Il me semble au contraire fécond que les tenants d'une transition environnementale avec et sans bâtiment de grande hauteur puissent faire valoir leurs positions aussi argumentées que respectables. Mais, à l'inverse, je trouve indigne que les prophètes de malheur qui changent de pied après avoir soutenu pendant des années la tour Triangle ou qui parient sur le déclin de leur ville se paient le luxe de mettre en échec un projet que chacun sait porteur de belles potentialités en termes d'emplois (5 000 emplois directs et plusieurs milliers indirects) ou d'attractivité.
Chance économique
Comment sérieusement refuser à l'heure actuelle un investissement privé de 500 millions d'euros qui combine une très grande qualité architecturale et un positionnement urbain en phase avec la métropole en devenir ? Les élus des groupes socialiste, communiste et radicaux ne s'y sont pas trompés en votant unanimement en faveur du projet. A l'issue d'un vote émaillé d'irrégularités sanctionnables pénalement, la droite parisienne a fait la démonstration que, pour ses élus, ce " coup politique " valait bien de bafouer la loi et d'hypothéquer une chance économique pour la capitale.
Mais je souhaite dès aujourd'hui rechercher cette forme de consensus qu'exige aussi l'intérêt supérieur d'une ville comme Paris. C'est dans cet esprit que se sont bâties par exemple les intercommunalités lyonnaises ou bordelaises, dont chacun, quelle que soit son orientation politique, s'accorde à voir la légitimité démocratique et l'efficacité opérationnelle. Appliquant une méthode semblable pour faire émerger un Grand Paris respectueux des aspirations des habitants de la métropole, je suis particulièrement fière d'avoir, avec les hommes et les femmes de bonne volonté de tous les partis républicains, rassemblé 85 % des élus de la métropole sur un texte commun.
Loin des prises de position raides et stériles qui sont d'ailleurs souvent faussement définitives, nous avons travaillé main dans la main mais sans renier nos identités politiques propres à l'élaboration d'un avenir commun. Je suis persuadée qu'il est possible de dégager une telle majorité autour de ce projet d'avenir, comme pour d'autres projets majeurs pour le futur de Paris.
Cela implique cependant que le Conseil de Paris ne se laisse pas figer et défigurer dans les clivages stériles qui mettent aux prises une majorité toujours certaine d'avoir raison sur toute la ligne et une opposition toujours persuadée de l'inverse. Je déclare donc toujours ouvert le dialogue que certains élus ont cherché à sceller : un dialogue où toutes les voix sont admises et respectables.
Par Anne Hidalgo
Anne Hidalgo est maire de Paris