1 Juillet 2010
1. Le signifiant "Paris" (aujourd'hui on dit la marque) peut être partagé. Les aéroports l'ont compris, ils s'appellent Paris-Orly ou Paris - Charles-de-Gaulle ; la Défense l'a compris - Paris-La Défense... toutes les communes du Grand Paris pourraient le comprendre et commencer à s'appeler "Paris-Bobigny", "Paris-Sevran", "Paris-Chelles", "Paris-Neuilly"... Habiter Paris, c'est une bonne idée pour un chômeur, cela vaut tous les CV anonymes.
2. Il y a des lieux merveilleux dans le Grand Paris, des lieux de voyage, des trésors de singularité : leur mise en évidence et en réseau ne coûte rien, et cela rapporte du tourisme urbain, cela déplie le tourisme possible dans le Grand Paris, cela ne coûte que le prix d'un office de tourisme métropolitain.
3. L'aménagement ordinaire peut tendre à l'extraordinaire, l'échelle métropolitaine peut donner à chaque commune une ambition nouvelle. L'ordinaire pourrait sans plus d'argent s'améliorer, quitter les conventions admises et tendre à dézoner l'espace tel que les dix équipes de la consultation Grand Paris l'ont défendu.
4. La stratégie de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'argent de l'ANRU doivent être réorientés. Il est question d'en finir avec les logiques de guichet qui encouragent les démolitions, afin de promouvoir les remodelages et les métamorphoses, moins chers et plus valorisants socialement et plastiquement. L'argent est là, ne lui manque que la créativité, l'inventivité. Là on dépense moins et mieux.
5. Sans attendre de lourdes infrastructures, on peut rationaliser les transports et les lignes existantes, dans le sens d'un quadrillage du territoire plutôt que les schémas absurdes du concentrique. Sans attendre l'immense besoin de tramways cassant le concentrique, on pourrait retracer avec la même logique de trajets, les mêmes fréquences, le même personnel, un plan de lignes de bus, publiques ou privées, favorisant le quadrillage et la multipolarité.
6. Il y a du foncier poétiquement magnifique, notamment les forts de la couronne (des Montmartre potentiels), des friches SNCF, des lieux fécondables du Port autonome, il y a des plans d'équipements universitaires ou autres prévus. Il y a des décisions à prendre : l'armée quitte les forts, les autres arrêtent de se comporter en propriétaires fonciers et les grands équipements sont décidés et implantés en fonction du Grand Paris.
7. Il faut coordonner et décorporatiser l'action publique. Le massacre territorial de la banlieue a son pendant ministériel : il faut faire travailler tout le monde ensemble. Institutions, mairies, quartiers, il y a un argent énorme perdu dans le saucissonnage de ces questions. Au même moment, je dessine des Champs-Elysées au Bourget, la direction des routes fait une route désespérément routière... Il y a mille exemples de bêtises urbaines par défaut de projet. Tout cela s'appelle gouverner intelligemment, et cela coûte moins cher que de sous-traiter à toutes sortes d'institutions catégorielles. La SNCF et la RATP doivent travailler ensemble, commencer par unifier leur RER, y compris dans la signalétique. Le Port autonome le reste en partie et pas plus, la DDE doit faire des routes en fonction de l'urbanité souhaitable.
Il n'y a aucune raison d'attendre pour commencer à appliquer ces sept points.
L'Atelier international du Grand Paris (AIGP) peine à se mettre en place. Un an et demi a été perdu depuis le discours fondateur de Nicolas Sarkozy, au Palais de Chaillot, qui était parfait (pour la droite et la gauche confondues). La situation devrait se débloquer, à condition de donner aux dix équipes d'architectes la latitude et les conditions de leur liberté : l'AIGP doit bâtir son programme de travail, penser et scénariser le Grand Paris.
La clef de la réussite du Grand Paris réside dans la capacité de l'atelier à faire partager sa ou ses pensées avec le public dans un immense effort de pédagogie participative. Cela ne marchera que si Paris Métropole rassemble toutes les communes du Grand Paris afin que le Grand Paris se construise à la fois sur de grandes attitudes, de grandes décisions, mais aussi sur des centaines de projets tous singuliers.
Voilà trente ans que l'urbaniste Cantal-Dupart et moi alertons, secouons... vingt-sept ans que le premier Grand Paris a été pensé et dessiné. Aujourd'hui, les esprits sont mûrs, les particularismes ont cédé, l'idée de fédérer et de rassembler autour de projets est admise : reste à casser des particularismes, des corporatismes, et à faire confiance aux artistes, à condition qu'ils deviennent des pédagogues attentifs aux desseins, aux rêves et aux besoins de dix millions d'habitants. Leur métropole est un des lieux les plus beaux et les plus attractifs du monde.
C'est pourquoi nous savons que ce qui se joue autour du Grand Paris dépend plus de la volonté politique, du décloisonnement administratif, de la fédération des énergies, de la pédagogie participative, d'une gouvernance de projets et non de structures institutionnelles, que de la question du financement.