1 Octobre 2009
Dans une lettre, révélée par l'AFP, qu'il a adressée à M. Fillon, M. Blanc reproche sèchement au premier ministre d'avoir transmis au Conseil d'Etat, une version du projet de loi sur le grand Paris qui "s'écarte, écrit-il, de façon très substantielle" de celle, validée en réunion interministérielle, le 25 septembre. "Ces dispositions jamais discutées" portent "atteinte à l'économie générale du projet de loi au point de risquer de le rendre incohérent avec toute l'action que j'ai conduite depuis dix-huit mois", écrit, très en colère M. Blanc. Il demande au premier ministre de "surseoir à la transmission au Conseil du document". Commentaire, mercredi, de l'entourage de M. Fillon : "Le texte transmis au Conseil d'Etat est celui qui a été arbitré par le premier ministre. C'est la règle." Le Conseil d'Etat doit examiner ce texte, jeudi 1er octobre. Interrogé par Le Monde, le cabinet de M. Blanc s'est refusé, mercredi, à préciser la nature du différend. "Il ne peut y avoir de désaccords avec le premier ministre", indiquait dans la soirée un communiqué officiel de son secrétariat. A l'Elysée, on minimise l'incident. M. Blanc, y explique-t-on, a envoyé copie de sa lettre à Claude Guéant. Le secrétaire général de l'Elysée a alors joint le cabinet de M. Fillon qui lui indique que "le malentendu était dissipé".
Le feu couve depuis plusieurs semaines. M. Blanc a élaboré avant l'été un projet de loi qui prévoit la création d'une société du Grand Paris, chargée spécifiquement de la construction d'un métro circulaire en double boucle autour de la capitale d'ici 2035. Dans son esprit, cette nouvelle entité publique devait être pilotée par l'Etat en excluant a priori la région.
Le patron PS de la région, qui se voyait ainsi dépossédé de son rôle de maître d'ouvrage des projets de transport depuis la décentralisation opérée par la droite en 2004 a immédiatement dégainé contre un projet "inacceptable". A droite aussi, Valérie Pécresse, candidate UMP à la présidence de la région a plaidé auprès de M. Blanc pour qu'un "équilibre entre responsabilité de l'Etat et rôle des collectivités locales" soit trouvé. De peur "de se retrouver, si elle est élue, à la tête d'une région privée de pouvoir et obligée de dépendre d'un Etat impécunieux", décrypte un député UMP francilien. Le texte initial de M. Blanc prévoyait que la Société du Grand Paris pourrait préempter les terrains et exproprier si besoin les habitants autour de la quarantaine de gares prévues. Les plus-values foncières tirées de la revente des terrains devant être une manne, dans l'esprit de M. Blanc, pour financer les stations du métro.
A droite et à gauche les protestations ont fusé contre cette "pulsion jacobine", selon un élu PS, cette "expropriation démocratique des maires", selon Jean Marie Le Guen, adjoint (PS) de M. Delanoë. Avec ce texte, "l'Etat fait tout et ce sont les franciliens et les collectivités locales qui payent. Jamais personne n'a osé cela. D'ailleurs cela ne marchera pas", s'est insurgé le maire de Paris Bertrand Delanoë. "Beaucoup d'élus sont inquiets. Il ne faudrait pas procéder de manière trop technocratique", s'alarmait, vendredi dernier, Jean-Pierre Chosteck, maire (UMP) de Châtillon (Hauts-de-Seine), premier vice-président de l'Association des maires de France.
Pour M. Fillon, "l'adhésion" des élus au projet est la seule chance de pouvoir le mettre en oeuvre. Les réunions interministérielles à Matignon ont donc donné lieu à plusieurs récritures et accru les tensions avec M. Blanc, souvent critiqué "pour son goût du travail solitaire" par les élus, en mal de concertation.
Dans le texte transmis au Conseil d'Etat, il est proposé des "contrats d'aménagement territoriaux" entre les maires et la Société du Grand Paris et non plus une préemption automatique par l'Etat. La Région et les départements sont associés à la structure de gouvernance de la société du Grand Paris dans laquelle l'Etat reste majoritaire. Cette orientation a été notamment inspirée par Gilles Carrez qui insiste sur la nécessité d'un "accord explicite entre la Région et l'Etat".