3 Mars 2009
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Ce barouf était inévitable. Chacun, en effet, admet que la France souffre d'un enchevêtrement courtelinesque d'institutions et de pouvoirs qu'il conviendrait de rendre plus lisible et plus efficace. Mais chacun entend bien n'être pas la victime de cette clarification. Cela fait du monde : 577 députés, 343 sénateurs, 4 039 conseillers généraux, 1 731 conseillers régionaux, sans oublier les 36 782 communes, du village à la métropole, avec leur maire et leur conseil, les 2 580 groupements intercommunaux à fiscalité propre, les 334 "pays"... Au total, quelque 450 000 élus locaux, du bénévole dévoué au roitelet tout-puissant. Et chacun est prêt à prendre la fourche pour défendre son terroir, son pré carré, sa plaque d'immatriculation. Mieux, son identité menacée et un peu de douceur locale dans ce monde de brutes mondialisé.
N'y aurait-il que cela, l'affaire serait déjà compliquée. Il s'y ajoute deux difficultés. La première est le soupçon de manoeuvre politique. La gauche dirige 20 des 22 régions métropolitaines, 58 départements sur 102 et les trois quarts des villes de plus de 100 000 habitants. Il faudrait être bien irénique pour imaginer qu'elle ne pousse pas des cris d'orfraie quand on envisage de modifier les frontières ou les pouvoirs de ces différentes collectivités. Surtout si, au passage, on raye de la carte la région Poitou-Charentes (et sa présidente Ségolène Royal) et la capitale (et son maire, Bertrand Delanoë), diluée dans un hypothétique "Grand Paris".
Mais l'obstacle le plus sournois est ailleurs : dans le non-dit de toutes ces réformes, on a nommé l'exception très française du cumul des mandats. Comment espérer que les parlementaires aient le courage d'arbitrer un tel débat dès lors que plus de quatre sur cinq d'entre eux sont également élus locaux ? Donc juges et parties. Edouard Balladur avait esquivé le problème lors de la réforme des institutions nationales. Ses propositions de refonte des collectivités locales pourraient bien, demain, être victimes de cette prudence.