3 Mars 2009
Entre autres innovations, le comité Balladur reprend l'idée de la création d'un Grand Paris de plus de 6 millions d'habitants sur les territoire de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Ce, écrit Patrick Braouezec, député (PCF) de Seine-Saint-Denis, sans tenir le moins du monde compte des avis des élus concernés.
Par delà les manœuvres politiciennes de court terme visant à assurer à la droite la mainmise sur des territoires entiers, le plus grave est, en vérité, le contenu.
Dans la crise économique et sociale dans laquelle nous sommes entrés, on peut être tenté d'estimer ce débat du Grand Paris loin des préoccupations et des réalités.
Bien au contraire. Toute organisation territoriale et sa gouvernance traduisent un mode d'organisation sociale : en lien direct avec nos modes d'être ensemble, la qualité de notre vie, l'égalité de l'accès aux droits fondamentaux, la proximité des lieux de décision et des élus, la maîtrise de leur avenir collectif par les citoyens.
Les enjeux sont considérables, pour tout le territoire de l'Ile-de-France, et plus particulièrement pour les banlieues populaires. Accepterons-nous de voir se développer toujours plus d'exclusion et de séparation en laissant repousser toujours plus loin d'un hyper centre sur-valorisé et concentrant les pouvoirs de décision, les populations modestes ?
Sur le territoire tout entier, et plus encore pour l'Ile de France, traitée comme un territoire à part (y serait-il question pourtant d'autre chose que de produire de l'activité, de l'habitat, des déplacements ?) est mise en cause la dynamique locale, la plus proche des gens, la plus démocratique. L'argumentaire est classique : prendre en compte les besoins des gens serait contradictoire avec une logique de développement économique dans la concurrence effrénée de la scène mondiale.
Alors que la crise interroge sur la capacité du modèle néo-libéral de répondre aux enjeux sociaux, économiques et écologiques de notre siècle, est-ce bien l'avenir que de se fixer l'objectif d'être les premiers de la classe de la compétition capitaliste mondiale ?
Le projet Balladur s'inscrit dans une logique haussmannienne par sa volonté de revenir à un développement de la capitale maîtrisé par le pouvoir central autour d'un centre unique, de rejeter hors les murs, déplacés un peu plus loin, tout ce qui « fait tâche » dont les catégories modestes de la population. En vérité, ce qui handicape l'attractivité de notre région capitale, c'est le creusement des inégalités et des déséquilibres.
C'est un projet du passé, qui ne tient aucun compte des citoyens. L'histoire est pourtant là pour rappeler que c'est l'émergence de ces citoyens, leurs exigences, leur créativité, leur utopie qui ont fait et font encore l'identité et l'attractivité internationale de la capitale de la France, y compris en termes économiques.
L'homme a construit la ville en processus longs, installant son habitat là où se nouaient la production et les échanges. L'économie elle-même se déploie aujourd'hui autour de centres multiples. Comme la vie quotidienne, qui s'organise et se fluidifie à des échelles différentes en même temps : du quartier à la ville, du bassin d'emploi à la région, et en lien constant avec une échelle mondiale.
C'est de logique qu'il faut changer, sur des dynamiques nouvelles, autour des valeurs de l'égalité et de la solidarité. Et l'organisation territoriale doit être en phase. Il est impératif de créer les conditions que se déploie un développement multipolaire de la métropole parisienne, à partir de ses centralités émergentes, et non en les niant. Il est possible que chaque habitant se sache appartenir à un centre, être partie prenante d'une dynamique économique et sociale, d'une identité positive, d'un projet commun avec une gouvernance de proximité. Rien n'empêche, à l'échelle métropolitaine d'imaginer des conférences des Maires, des Présidents, pour la prise de décisions collégiale au bout de processus participatifs. Car c'est du côté des rapports coopératifs qu'il faut rechercher des solutions de gouvernance, favorisant la responsabilité démocratique et le sens de l'intérêt général à tous les niveaux.
En région parisienne, d'après la commission Balladur, les communautés d'agglomération seraient vouées à disparaître. Ce Grand Paris-là fait ainsi fi de dynamiques territoriales qui se sont pas à pas construites. Alors que le besoin est grand d'un développement inédit de la citoyenneté, le nombre d'élus représentant la population serait réduit. Président de Plaine Commune, qui regroupe 8 communes populaires au Nord de Paris, je peux témoigner de la capacité de ces communes à mutualiser leurs moyens, à mener ensemble, à une échelle pertinente, leurs projets pour un développement durable et solidaire de leur territoire, porteur d'un nouvel élan. Pôle de centralité émergent, avec un projet commun de territoire, elles allient développement économique et social, et mettent une priorité dans la réponse aux besoins des populations. Au nom de quel principe d'avenir cette dynamique devrait elle être cassée ? Ne serait-il pas plus intelligent de travailler sur la dynamique d'un pôle complexe au Nord de Paris incluant la 2e couronne, en réseau avec l'ensemble des pôles métropolitains ?
En région parisienne un travail considérable a été mené associant l'ensemble des élus, sur le devenir de la région. Au niveau de la métropole, un espace de débat et de coopération se constitue avec le syndicat mixte d'études, outil des collectivités territoriales.
Il n'en est tenu aucun compte. Pourtant, toute cette réflexion coopérative a pour objectif de se donner les moyens de relever les défis sociaux, économiques et écologiques de notre siècle.
La modernité est là: elle consiste à mettre les hommes au cœur du développement. Quelle économie pourrait aujourd'hui s'affranchir des contraintes écologiques ou du contrat social ?
Sur ces bases nous exigeons d'être entendus, que le projet d'organisation territoriale et de Grand Paris soit soumis à un vaste débat public. Le défi à relever est celui de l'inclusion sociale. Nous voulons ainsi porter l'ambition d'être les premiers à ouvrir une autre voie.
Président de la communauté d'agglomération Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) et député