Alors que le rapport du comité Balladur a été dévoilé dans les grandes lignes mercredi, la polémique sur la conception du Grand Paris enfle. Un rapport du sénateur UMP Philippe Dallier, interrogé par leJDD.fr a inspiré le comité: il y préconise la fusion de la Petite Couronne. Selon lui, les détracteurs du Grand Paris sont "tous d'accord sur les constats mais personne ne veut rien lâcher". Philippe Dallier voudrait supprimer les départements de Paris et de la Petite Couronne. (Maxppp)
Parmi les scénarios envisagés par le comité Balladur pour le Grand Paris, celui que vous avez élaboré dans votre rapport semble avoir la primeur. Pouvez-vous nous le résumer?
Il s'agit dans un premier temps d'aboutir à la fusion entre la capitale et les trois autres départements de la Petite Couronne (Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis). Puis il faudra constituer une collectivité territoriale où les compétences seront redistribuées. Les maires garderont la main sur les politiques de proximité, alors que certains domaines comme le logement, l'urbanisme ou les transports seront gérés par l'Assemblée du Grand Paris.
Certains élus ne comprennent pas pourquoi des zones indissociables de la capitale (Versailles, Vélizy ou les aéroports) ne sont pas inscrites dans le périmètre du Grand Paris que vous préconisez... Mon
rapport, puis celui du comité Balladur, ont privilégié la solution la plus facile à mettre en oeuvre: se contenter de la Petite Couronne, soit 144 communes. Certes, il existe un périmètre sans doute plus pertinent, incluant certaines grandes zones commerciales. Mais il faut rester pragmatique. Si on insère des communes comme Versailles, préfecture des Yvelines, dans le Grand Paris, on risque de faire éclater la Grande Couronne. Il ne faut pas trop compliquer une réforme qui s'annonce déjà difficile à mettre administrativement en place.
Les départements de la Petite Couronne "n'ont pas d'identité" Depuis mercredi, certains élus revendiquent l'existence d'une identité et d'un poids politique pour chacun des départements concernés. Ces craintes sont-elles justifiées? Mais quelle identité? Il n'y a jamais eu d'
identité départementale en Île-de-France. Les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne ou la Seine-Saint-Denis n'ont jamais correspondu à rien. Ils ont été créés en 1964 pour améliorer la gestion complexe du département de la Seine, qui correspondait à la métropole parisienne, alors en plein baby boom. La décentralisation leur a ensuite donné un peu plus de pouvoir. Mais aujourd'hui, personne ne manifesterait dans la rue pour défendre l'un de ses départements. Les habitants de banlieue sont d'abord attachés à leur commune. Le comité Balladur ne remet pas en cause les municipalités. Au contraire, le rapport préconise de renforcer certaines de leurs prérogatives. Quant à l'argument de la remise en cause politique, il est absurde. Les conseils généraux seraient fusionnés au sein de l'Assemblée du Grand Paris. Ce principe ne remet pas en cause leur poids politique. Bien sûr, les trois présidents de conseils généraux perdraient leurs fonctions. Mais il serait dommage que l'avenir d'une
métropole parisienne de plusieurs millions d'habitants soit mis en échec par les ambitions personnelles de trois personnes.
La question de la suppression des conseils généraux n'est pas la seule à être posée... Soyons clair. Le rapport Balladur n'est pas à prendre ou à laisser. Tout est discutable. Mais ce n'est pas parce qu'une ligne du rapport pose problème qu'il faut jeter l'eau du bébé. Les détracteurs du comité insistent surtout sur des détails, sans se poser la question essentielle: faut-il oui ou non un Grand Paris? S'ils refusent la solution que nous préconisons, le débat reste ouvert. Qu'ils proposent une
alternative! Mais une chose est sûre: tout le monde s'accorde sur la nécessité d'agir. Si Paris et la région francilienne veulent pouvoir concurrencer les autres métropoles du monde, la réforme doit être engagée. Et ça, tout le monde en est conscient.
Le paradoxe de l'opposition Comment expliquer alors la réticence de la majorité des socialistes franciliens? Je crois que Pierre Mauroy [interviewé sur le sujet dans
Le Monde daté de vendredi] a bien résumé la position socialiste:
ils ne veulent pas du Grand Paris pour des raisons politiques, se rangeant derrière la Conférence métropolitaine, instance informelle créée par le maire de Paris. A travers cette initiative, Bertrand Delanoë montre qu'il approuve la création d'un Grand Paris. Mais sa Conférence est pilotée par
Jean-Paul Huchon [président du Conseil régional d'Île-de-France] et les trois présidents généraux. Autrement dit, des hommes qui n'a pas la volonté de voir aboutir le Grand Paris afin de mieux conserver leurs sièges. Mais ils s'enferment dans un paradoxe: tout le monde est d'accord sur les constats mais personne ne veut rien lâcher. Ni leurs sièges aux conseils généraux [qui sont remplacés dans le rapport Balladur par l'Assemblée du Grand Paris], ni leurs recettes fiscales [fortement diminuées par la suppression de la taxe professionnelle annoncée par Nicolas Sarkozy]. Ils défendent leur porte-monnaie et leurs prérogatives politiques sans reconnaître l'urgence de constituer une métropole parisienne. Pourquoi la capitale ne pourrait pas, comme partout en province, devenir une vraie métropole?
Des élus communistes, comme Pierre Mansat, évoquaient "le risque de solitude des maires face à un Grand Paris surpuissant"... Cet argument n'a pas de sens. Aujourd'hui, les maires doivent déjà faire face au poids des conseils généraux des trois départementaux. Ce que nous proposons revient, au contraire, à renforcer les prérogatives des maires. Ils seront toujours consultés dans le cadre des projets de l'Assemblée du Grand Paris. Cette dernière gérera les projets d'urbanisme. Mais le permis de construire restera aux mains des maires. Il faut arrêter de raisonner uniquement à partir de la commune. Les projets d'une métropole francilienne doivent être pensés de façon globale. Les politiques sont et seront forcément partenariales.
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