6 Avril 2008
Le Journal du Dimanche Dimanche 06 Avril 2008
Une petite bombe politique et institutionnelle. C'est mercredi que le sénateur (UMP) de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, présente publiquement son rapport sur le Grand Paris. En avant-première pour le JDD, il décrit une nouvelle collectivité élue de plein exercice, avec un "pilote dans l'avion", c'est-à-dire un président à sa tête.
Assise sur un périmètre géographique, cette collectivité sera dotée de compétences claires et de ressources financières bien définies. "Le Grand Paris constituera une véritable rupture démocratique, institutionnelle, fiscale, de nature à favoriser une ambition culturelle, architecturale et urbaine, et à redonner un dynamisme économique à une région qui en a bien besoin. Un signe d'efficacité envoyé aux grandes capitales", confie le sénateur.
Ce Grand Paris se doit de remplacer le système actuel, "millefeuille institutionnel inefficace et coûteux": commune, intercommunalité, département, région, Etat... "Certains, à gauche, estiment qu'il suffit d'y injecter des crédits (avec quel argent ?) pour l'améliorer. D'autres, à droite, pensent qu'on ouvre une boîte de Pandore. Je dis: il faut réformer le système en profondeur. Sinon nous allons droit dans le mur." Et le sénateur de sortir une enquête de l'Observatoire de la décentralisation. Quelque 123 maires de la petite couronne y ont répondu (mais pas le maire de Paris). Elus de toutes tendances, ils sont 79,1% à critiquer le mode de fonctionnement de la gouvernance francilienne ; 70,8% d'entre eux se disent mécontents de la façon dont est traité actuellement le dossier de la sécurité, et 81,8% celui des transports; 86,9 % estiment que la crise du logement ne peut être résolue seulement au niveau de la commune. Cette question du logement est d'ailleurs "emblématique d'un système ensablé", selon Philippe Dallier. Avec une loi SRU (20% de logements sociaux) peu appliquée et une loi Dalo (droit au logement) inapplicable, cette crise du logement s'aggrave de mois en mois au désespoir des habitants. La raison? La multiplicité des interlocuteurs -communes (qui délivrent les permis de construire), départements, région, Etat -qui se court-circuitent les uns les autres.
Logement, transports, sécurité, environnement: une autorité
"Le Grand Paris sera donc le seul pilote, efficace, pour quelques dossiers majeurs", précise Philippe Dallier. Ainsi le logement, le développement économique, les grands équipements, les transports (qui resteraient compétence régionale mais le coeur de l'agglomération devra être traité de façon spécifique), la sécurité (création d'une police métropolitaine en liaison avec les polices municipales), l'environnement.
Une seule autorité bénéficierait de la mise en commun des richesses économiques (taxe professionnelle, droits de mutation) pour financer du social (RMI, personnes âgées). Ainsi solidarité et péréquation financières caractérisent ce Grand Paris appuyé sur quatre départements: Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne. Faut-il supprimer ces quatre départements? "Oui, il y a trop d'étages institutionnels. Trop de couches dans ce mille-feuille. Les citoyens n'y comprennent plus rien. A telle enseigne qu'ils ont voté pour les municipales (communes) mais pas pour les cantonales (départements), alors que les bureaux de vote étaient contigus", remarque Philippe Dallier.
Il s'agit de construire une nouvelle institution
Le Grand Paris, selon le sénateur, pourra même impulser une nouvelle compétitivité internationale pour l'Ile-de-France. "Pourquoi n'y a-t-il pas de grands projets à Paris et en Ile-de-France?", demande-t-il. "C'est qu'il y a trop de leaders qui entendent faire leurs petits chefs-d'oeuvre dans leur petit coin. Une direction unifiée donnera le souffle nécessaire." Mais, surtout, le Grand Paris pourra favoriser une meilleure cohésion sociale. "La mise en commun des ressources financières sera l'outil de cette cohésion. Elu de Seine-Saint-Denis, je suis inquiet des phénomènes de ségrégation que je constate. Sans cohésion sociale, pas de compétitivité pour l'Ile-de-France." Et ce Grand Paris n'a rien à voir avec l'ancien département de la Seine. La décentralisation est passée par là: les élus décident.
La venue de Christian Blanc comme secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale, est, selon Philippe Dallier, une "bonne nouvelle" pour le Grand Paris. "On connaît ses capacités de négociateur. J'attends de lui qu'il mette tout le monde autour de la table. Il faut avancer. Et vite." Pour le sénateur, il s'agit de construire une nouvelle institution, en laissant de côté, pour un temps, la question de savoir qui va occuper le fauteuil de président du Grand Paris. Les maires de la petite couronne sont 81,8 % à refuser que la ville de Paris devienne le futur chef de file de la nouvelle agglomération.