Comme le relate Jacques Marsaud dans son ouvrage Passion Commune, l’actuelle version de la métropole résulte d’une manœuvre de dernière minute au Parlement sur la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) en 2014. Celle-ci a fait prévaloir un schéma centralisateur et obligatoire au détriment du schéma fédératif ouvert, qui avait été élaboré par un large réseau d’acteurs locaux au sein du syndicat Paris Métropole devenu le Forum métropolitain.
Une grande partie d’entre eux n’ont donc jamais apprécié le cadre institutionnel de la MGP, vécu comme le fruit d’un mariage forcé. Or, tout en imposant une logique verticale à ses parties prenantes, la loi leur a donné une capacité de blocage par inertie, en conditionnant le transfert de compétences opérationnelles des communes vers la MGP à un vote aux deux tiers de ses 209 conseillers métropolitains, qui restent avant tout des élus municipaux. Adhésion obligatoire, coopération facultative – et peu désirée.
De grandes disparités d’espaces économiques et de populations
Résultat, plus de quatre ans après sa création au 1er janvier 2016, aucune opération sur le logement et l’habitat, aucun équipement culturel ou sportif (hormis le futur Centre aquatique olympique) n’a été confié par les communes à la MGP, et seulement cinq opérations d’aménagement l’ont été (sur les plusieurs centaines que compte le Grand Paris).
Privée de fonctions opérationnelles, la MGP s’est donc cantonnée à un rôle de plate-forme de ressources et de mise en réseau, à travers ses cofinancements (fonds d’investissement, subventions de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations [Gemapi], etc.), ses événements (Grand Paris circulaire, Rencontres agricoles…), ses appels à projets (Inventons la Métropole, Centres-villes vivants…) et sa coordination (diffusion aux maires de modèles d’arrêtés de police pour la zone à faibles émissions…).
Selon une étude publiée par l’Insee (Frère et Védrine, 2017), plus l’hétérogénéité des communes composant une intercommunalité est grande, plus faible est la probabilité pour que celle-ci se voit confier des pouvoirs réels par ses membres. Dans le cas de la MGP (7,2 millions d’habitants, 814 km², 131 communes aussi différentes que Neuilly-sur-Seine et Bobigny), la force des clivages expliquerait donc l’incapacité structurelle de l’institution à exercer ses compétences sur les enjeux cruciaux à l’échelle métropolitaine.
Une recherche de rééquilibrage territorial
Ainsi, faute d’accord politique, la MGP n’a pu adopter ni le schéma de cohérence territoriale (SCOT), pour fixer les grandes lignes d’un développement urbain rééquilibré dans la zone dense, ni le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), pour répondre aux problèmes du logement et de l’hébergement des personnes vulnérables dans le Grand Paris.
Il paraît donc préférable de poursuivre les objectifs de rééquilibrage territorial dans le Grand Paris avec d’autres outils que les schémas de coopération intercommunale, car on risquerait de gaspiller les efforts de cette dernière dans des querelles politiciennes plutôt que de les concentrer sur l’action publique au service des communes et de leurs habitants.
Des leviers plus directs peuvent être actionnés au niveau des départements, de la région, surtout, et de l’Etat à cette fin : le pilotage des projets structurants tels que le Grand Paris Express et les Jeux Olympiques 2024, le renforcement des services publics dans les territoires vulnérables comme en Seine-Saint-Denis (sécurité, justice, santé, éducation, insertion…), la modulation des dotations et des fonds de péréquation, ou encore l’application effective des quotas de logements sociaux.
La logique de la métropole « polycentrique »
Verticalité, manque de gouvernabilité, éloignement du terrain… Et si les établissements publics territoriaux, ces 11 territoires à échelle humaine autour de la Ville de Paris (450 000 habitants, 64 km², 12 communes en moyenne), étaient le remède aux maux de la métropole ? Leurs racines plongent dans l’histoire des initiatives intercommunales des années 1990. Leurs compositions sociopolitiques étant moins hétérogènes (l’écart type des niveaux de vie médians des communes d’un établissement public territorial [EPT] est en moyenne près de deux fois inférieur à l’écart avec la MGP), leurs membres ont plus de chances de trouver des compromis.
Les élus peuvent mieux se les approprier, aussi bien en termes de distances et de proximité que de connaissance des dossiers et de prise de parole. Contrairement à la MGP, la majorité des territoires ont ainsi pris en charge de nombreuses activités dans des domaines essentiels pour la population et la transition écologique : voirie, eau potable, assainissement, gestion des déchets, propreté, salubrité, opérations d’aménagement, logement, développement économique, activités culturelles et sportives…
Dans la logique de la métropole « polycentrique », les réformes à venir devraient donc consolider le statut des territoires et pérenniser leurs ressources fiscales, qui leur permettent d’offrir aux Grands Parisiens les services publics locaux dont ils ont besoin.