1 Janvier 2020
UN PROJET COMPLETEMENT INADAPTÉ SUR BIEN DES PLANS
D’où je parle ?
Je suis usager fréquent de la Gare du Nord et du quartier, mais comme professionnel de l’aménagement, j’ai eu l’occasion, il y a de cela 25 ans, de piloter la première étude sur le réaménagement de la Gare pour la SNCF, en relation avec plusieurs partenaires proches de la SNCF et des chercheurs associés aux travaux, tous très attachés à la chose publique. J’ai aussi beaucoup travaillé sur le tourisme francilien et métropolitain-notamment au sein de l’Atelier international du Grand Paris-, et j’ai eu l’occasion de côtoyer le groupe CEETRUS à l’occasion du projet EuropaCity sur le Triangle de Gonesse. Sans du tout méconnaître l’exigence d’un projet ambitieux concernant la Gare du Nord et son environnement urbain, mon avis négatif sera fondé, à la lecture des divers documents et notamment de l’éclairant bilan de la concertation, sur les considérations suivantes résumées ci-dessous :
1- Toutes les études déjà réalisées montrent la très grande connexion de la gare et de son environnement urbain étroit et large. On peut se demander quelle est la légitimité de la SEMOP, alliance entre un promoteur commercial privé et la SNCF pour concevoir et réaliser ce qui devrait être un projet urbain d’ensemble sous pilotage de la Ville de Paris
2-Dans les constats déjà faits, la question sociale est primordiale, et pas seulement sous l’angle de l’errance, mais en considérant l’habitat proche et les agences d’intérim aux alentours. A cette problématique, la seule réponse faite est d’ordre sécuritaire. Ce qui, pour qui connait la gare et le quartier, est un non-sens, et va susciter des réactions d’autant plus négatives de la part de publics pour l’essentiel paisibles mais en difficulté sociale.
3- Les usages et les besoins énoncés lors des concertations touchent plusieurs équipements publics et sociaux, dont les besoins urgents sont mis en avant. Rien n’est dit sur les engagements pris pour leur réalisation et surtout pour leur prise en charge financière tant pour l’investissement que sur l’exploitation. Le flou qui règne à ce sujet est inacceptable au niveau d’une enquête publique.
4- Le tourisme parisien court le risque de la saturation et de l’engorgement sur quelques sites phares. L’aménagement de la gare du Nord, tel qu’envisagé, plus sa proximité avec la Gare de l’Est, renforcent considérablement ce risque. L’urgence défendue par beaucoup de professionnels du secteur est la nécessité d’un élargissement de l’offre aujourd’hui à notre portée et d’une déconcentration des lieux d’arrivée des touristes de l’Europe du Nord et de l’Est sur des gares relais en liaison avec le métro du Grand Paris Express.
5- Les pratiques du groupe CEETRUS sur EuropaCity ont mis en évidence :
Un abri fréquent devant le secret des affaires pour cultiver le flou dans les engagements, alors qu’il s’agit avant tout d’un projet d’intérêt public
L’usage d’une terminologie trompeuse (du type pôle de vie pour désigner un complexe commercial) et des promesses non contractuelles
Une grande habileté dans le verdissement des projets, en passant à côté des vraies exigences de la transition écologique
L’usage intensif des agences de communication et de relations publiques, y compris lors des enquêtes publiques, et celui des dessins d’architectes et de paysagistes de renom pour faire rêver.
Si la puissance publique joue son rôle, elle devra éclairer le public sur la réalité des engagements de la SEMOP, dirigée par ce groupe, et sur de vrais bilans financiers, écologiques et sociaux. Cela ne semble pas être le cas dans le dossier présenté au public. Il faut espérer que des expertises et des actions associatives permettront de le mettre en évidence de manière détaillée.