France Culture consacre quatre émissions passionnantes au réalisateur japonais d’animation

Chacun ou chacune – et bienheureux ceux et celles qui ne le connaissent pas encore – a un film fétiche de Miyazaki et, en tête, une image, une scène, une réplique ou, mieux encore peut-être, un univers tout entier, où chat-bus et poisson-humain se mélangent. Et il est merveilleux de vérifier à quel point les films d’animation du réalisateur japonais s’écoutent aussi, comme le confirment ces quatre émissions de France Culture qui lui sont consacrées. Ainsi, on entendra Ponyo, petit poisson à la robe rouge framboise et aux cheveux roux, réclamer des bras, comme les humains qu’elle souhaite rejoindre.

C’est d’ailleurs à Ponyo sur la falaise qu’est consacré le premier épisode de ces « Chemins de la philosophie ». Pour le philosophe Thierry Hoquet, l’héroïne de Miyazaki se situe davantage du côté de Fifi Brindacier (la jeune fille au caractère bien trempé et libre imaginée par Astrid Lindgren à la fin des années 1940) que de La Petite Sirène, car, chez Ponyo, l’émancipation en marche est résolument réjouissante : elle va vers le langage alors que l’héroïne d’Andersen doit payer le prix de le perdre. Pourquoi Porco Rosso a-t-il perdu son visage humain, lui l’ancien pilote de l’armée de l’air devenu chasseur de primes ? Dans les épisodes 2 et 3, Hervé Joubert-Laurencin, professeur en esthétique et histoire du cinéma, replace le film dans son contexte historique et biographique, rappelant que le père de Miyazaki (ce dernier est né en 1941, l’année de Pearl Harbor) fabriquait des bombardiers.

Utopie confrontée au réel

Maischez Hayao Miyazaki, tout semble se situer entre tragique et merveilleux, ombre et lumière, en tout cas par-delà le bien et le mal, dans un équilibre difficile mais nécessaire entre hier et aujourd’hui, nature et civilisation. Et c’est de cela, entre autres, qu’il est question dans ce qui est peut-être le plus passionnant des épisodes de cette série, consacré à Nausicaä de la vallée du vent. Dans ce film, tiré d’un manga qu’il avait lui-même écrit, Miyazaki mettait en scène une jeune fille qui tente de sauver la planète de la pollution. Comme le souligne avec passion et justesse Raphaël Colson, essayiste spécialisé dans l’étude de l’imaginaire populaire et futuriste, le deuxième long-métrage de Miyazaki offrait déjà de multiples pistes de réflexion.

Mais, si le réalisateur japonais y dénonce la folie des hommes – se prenant même à rêver, dans un entretien accordé au New Yorkeren 2005, d’une « ère apocalyptique », où les « herbes vertes sauvages » reprendraient possession de la terre –, ses films se situent au-delà de toute considération morale et de tout manichéisme. Raphaël Colson de rappeler d’ailleurs que, chez Miyazaki, l’utopie doit se confronter au réel, toute chose étant par ailleurs vouée à disparaître. Toute chose ? Pas si sûr… Car, s’il est vrai que le cinéma d’Hayao Miyazaki est fait de vent et de tempêtes, d’enfants au cœur puissant et de créatures magiques, lesquelles, comme Ponyo, nous font faire, par leur joyeuse pétulance, l’économie de la rationalité, il est tout aussi vrai que, en balayant certitudes et conventions, et tout en nous donnant à réfléchir, Hayao Miyazaki laisse des films sur lesquels soufflent une poésie et une magie rares, dont le souvenir est ici merveilleusement ravivé.

« Les Chemins de la philosophie. Philosopher avec Miyazaki », présenté par Adèle Van Reeth,disponible sur Franceculture.fr.