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Pierre Mansat et les Alternatives

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La lettre de Bruno Julliard aux élus parisiens de la majorité

 
 

 

Chèr(e)s collègues,

 

J’ai annoncé ce matin ma décision de démissionner de mes fonctions de Premier adjoint à la Maire de Paris. Je ne sous-estime pas les conséquences de ce choix pour notre majorité, je souhaite donc vous en expliquer les raisons.

Dans la perspective des élections municipales de 2020, Anne Hidalgo m’a proposé de prendre la direction de sa future campagne. Après mûre réflexion, j’ai décidé de ne pas accepter cette proposition et d’en tirer lucidement et en conscience les conséquences politiques.

Je fais aujourd’hui le constat que certains de nos désaccords d’orientation et de méthodes de gouvernance sont trop vifs pour m’engager avec conviction et sincérité dans cette démarche.

 

A ce stade de notre mandat, nous devrions bénéficier des réussites indéniables de l’action de la gauche à Paris depuis 2001 et du déploiement de nos engagements pris en 2014 : le volontarisme écologique de notre plan climat, l’humanisme et la responsabilité de notre politique d’accueil des réfugiés, notre engagement constant pour la solidarité et les politiques sociales, l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024, le regain d’attractivité économique et touristique de notre capitale après les attentats, la vitalité et la richesse culturelles sans égales, une dynamique d’innovation et d’urbanisme ambitieuse...

De plus, malgré la fragilisation et la dispersion des mouvements progressistes et écologistes, à l’échelle nationale comme parisienne, notre majorité a su préserver sa relative unité, certes au prix de nos nombreux efforts partagés.

Pour autant, force est de constater que nous sommes en difficulté, que la relation de confiance patiemment construite avec les Parisiens s’est détériorée, que nombre de partenaires associatifs et de corps intermédiaires doutent désormais.

Je crois en la pertinence du projet sur lequel nous avons été élus en 2014, cherchant à bâtir une ville attractive, au service de la solidarité et de la mixité sociale, et s’engageant résolument dans la lutte contre le changement climatique. A n’en pas douter, ces orientations sont aujourd’hui encore soutenues par une majorité de Parisiens.

 

Mais si l’orientation générale est la bonne, l’exécution est défaillante. Et, je le crois, pour deux raisons au moins.

Le déficit d’efficacité tout d’abord. Le chemin le plus vertueux pour servir nos valeurs et nos convictions est de s’attacher à produire avec sérieux des résultats concrets. Or, si des réussites sont incontestables, les approximations ou erreurs ne m’apparaissent pas être considérées à leur juste gravité pour pouvoir y remédier.

J’ai tenté avec constance de mettre en garde quant aux conséquences que portent en eux le manque d’attention portée à la qualité de l’espace public, les décisions précipitées engendrant de sérieux risques juridiques, le défaut de suivi de certaines infrastructures majeures, l’absence de priorisation et de constance dans les décisions prises, entrainant incompréhension et démobilisation de nos équipes, malgré leur professionnalisme et leur engagement.

Le souci de l’unité des Parisiens ensuite. Plus encore que tout autre mandat électif, un Maire et une municipalité doivent rassembler pour avancer. Chaque fois que nous avons réussi à transformer cette ville, c’est lorsque nous avons su à la fois mobiliser nos outils de puissance publique et nous appuyer sur la société parisienne, emportant son adhésion. Alors que les inévitables crispations générées par nos choix, notamment en matière de transports, nécessitent humilité, compréhension et pédagogie, il a à l’inverse été opposé une forme de repli sur soi et de fermeture.

Pour surmonter ces difficultés, nous ne pouvons nous tourner vers nos seuls soutiens traditionnels. En nous éloignant d’un authentique débat démocratique avec les Parisiens, aussi exigent et difficile soit-il, nous nous privons d’une dynamique pourtant essentielle. Cette posture en surplomb a conduit à transformer un volontarisme en sectarisme et autoritarisme. Il ne s’agit pas d’intégrer toutes les critiques, souvent pauvres, de l’opposition mais d’assumer ses responsabilités en créant un système vertueux : écouter les propositions constructives permet d’écarter d’autant plus facilement les attaques malhonnêtes et politiciennes.

 

Depuis 2014, j’ai essayé de contribuer à la réussite de notre travail collectif. Par souci de loyauté et d’utilité, j’ai toujours veillé à ce que les désaccords que j’exprimais, le plus souvent auprès de la Maire elle-même, ou parfois dans nos réunions de travail, restent circonscrits à nos débats internes. Mais je constate aujourd’hui que je ne suis plus en capacité d’influer sur le cours des choses, particulièrement depuis que j’ai exprimé des divergences plus nettes ces derniers mois. Or, je pense que le redressement nécessiterait des inflexions que je ne peux parvenir à entrainer, pas même à suggérer.

A la lumière de ces divergences, auxquelles s’ajoutent des choix budgétaires et de ressources humaines que je ne peux partager, la poursuite de mon engagement dans mes fonctions actuelles ne serait ni efficace, ni honnête. Ce qui était, je crois, une utile complémentarité entre Anne Hidalgo et moi durant la première moitié du mandat, relève dorénavant d’une incompatibilité de fait. Je le regrette profondément, mais il est évidemment préférable de le constater dès aujourd’hui.

 

Il en va de même pour la future campagne : je doute de la pertinence des premières orientations esquissées. Par exemple la gratuité totale des transports en commun en Île-de-France, qui au-delà de soulever des questions d’ordre budgétaire, de compétences ou d’opportunité, révèle une fuite en avant que je ne peux soutenir, même par politesse gênée. De même, je suis attaché à la cohérence de nos convictions, de nos discours et de nos actes. Il est probable que les revirements réguliers des derniers mois se multiplient à l’approche de 2020, quoique nous pensions de chacun de ces sujets : l’ouverture des commerces le dimanche, les relations avec le gouvernement, l’armement d’une police municipale, le Grand Paris. Je prédis ainsi des divergences conséquentes de fond, de stratégie, de dispositif humain et de méthode.

Je crois à une gauche dont la gestion rigoureuse et le management professionnel sont les garanties de progrès. Je me suis engagé à Paris en 2008, convaincu que la politique menée par la majorité progressiste depuis 2001 permettait une alliance moderne entre une intervention publique forte et l’entrainement des acteurs les plus divers dans une dynamique commune, loin d’un pouvoir qui jouirait d’abord de sa capacité d’empêcher. En mettant à l’épreuve du réel mes convictions, je n’ai renoncé à aucune des valeurs qui sont à l’origine de mon engagement, mais j’ai acquis la conviction que le plus important est de contribuer à la transformation réelle de la société, au-delà des discours, prenant en compte et assumant la complexité d’un territoire, des défis qui lui sont posés et des réponses que l’on peut y apporter.

Je souhaite ardemment la victoire en 2020 de la gauche, des écologistes et de celles et ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de progrès. Pour y parvenir, je ne peux me résoudre à taire nos désaccords dans un silence craintif, ou pire, au confort du déni de nos difficultés. Cela se traduirait soit par une défaite, en raison d’un appétit croissant d’alternance, soit par une victoire aux lendemains hasardeux, tant elle serait essentiellement due aux défaillances de nos adversaires.

Il faudra aux progressistes un projet visionnaire et écologique pour Paris, qui sait conjuguer ses ambitions avec l’exigence d’une gestion rigoureuse, indispensable pour produire des services publics nouveaux et de qualité. Qu’il s’agisse des mobilités, du Grand Paris, de l’innovation, de la sécurité, du logement, des services publics individualisés ou encore de la modernisation de l’administration parisienne, nombre de nos politiques devront être réinventées tant Paris a changé. Des choix clairs et audacieux s’imposeront.

Il faudra aux progressistes une équipe largement renouvelée, créative et diverse, qui n’a pas peur du débat entre ses membres comme avec les Parisiens et les citoyens du Grand Paris, à même de rétablir la confiance. Les partis politiques traditionnels ne seront certes plus les acteurs uniques d’une campagne d’abord citoyenne, mais ils ne doivent pas être écartés ou méprisés.

Il faudra aux progressistes des alliances. Je suis convaincu que la future majorité doit trouver son cœur au centre-gauche.C’est une nécessité pour garantir l’adéquation entre le projet pertinent dont Paris a besoin, et une majorité stable et efficace. C’est aussi, je crois, le sentiment majoritaire des Parisiens. Quelles alliances pour quels partis ? S’il est bien trop tôt pour le dire, c’est l’identité politique de l’entrée en campagne et son incarnation qui seront déterminantes pour les rassemblements à venir.

 

Ma décision suscitera chez certains d’entre vous de l’incompréhension. Ce sera aussi le cas pour ceux qui, sincères et attachés à la gauche, ne sont pas au fait des difficultés quotidiennes de la gouvernance parisienne. Aujourd’hui, une page se tourne. Sachez que mon choix ne répond à aucune stratégie personnelle ou plan prédéfini. Mais j’ai l’intime conviction que pour servir nos valeurs, la plus grave des irresponsabilités est celle de s’éloigner de sa propre sincérité.

 

 

Bruno Julliard

 

 

 

 

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