5 Juin 2018
Tribune d’élus de Banlieues
"Sous les vernis de l'Elysée, notre République a enterré plus qu'un espoir, une réconciliation nationale. Toutes les conditions étaient réunies pour rassembler les citoyens de notre pays autour d’une réussite collective ; pour redonner un sens à notre Nation. Au lendemain de l’exposition de la stratégie du président de la République pour les quartiers, ce n’est pas la France mais la défaite pour chacun qui domine. C'est une amertume partagée, un sentiment d’être passé à côté, un gâchis sans nom, un flop, un bide.
Que le résultat de huit mois de mobilisation nationale, de co-construction, d'engagement désintéressé, soit amendé par le président de la République est incontestable. Cette appropriation légitime relève en effet de sa mission d’arbitre et de sa prérogative de chef. Hélas, force est de constater que ce mouvement populaire et citoyen a été purement et simplement vidé de sa substance. Par ailleurs, son principal inspirateur, Jean-Louis Borloo, a été publiquement méprisé, de façon indigne et scandaleuse. A travers ce texte, nous souhaitons lui témoigner tout notre soutien, lui qui a tant œuvré pour notre pays et, plus particulièrement, pour nos quartiers populaires.
Nous sommes, enfin, consternés par un certain nombre de sous-entendus qui ont jeté le doute et la suspicion sur les exécutifs locaux de nos banlieues. Dans son discours du 22 mai dernier, le président de la République a injustement accusé à plusieurs reprises les élus locaux de clientélisme.
La démission de Stéphane Gatignon avait pourtant envoyé un signal clair : celui de l’épuisement des "premiers de tranchée", qui bataillent chaque jour sur le front de la politique de la ville ! Mais le nouveau monde n’a que faire des prétendus "états d’âme" d’élus gâtés… Même si, en définitive, ce sont les intérêts de nos habitants qu’ils défendent et non ceux d’une caste de "mâles blancs" clientélistes.
En tant que représentants de la République, nous ne pouvons tolérer la caricature qui est faite de nos mandats électifs. Chaque jour, nous agissons au service de l’intérêt général et de nos habitants (dont nous sommes !) ; chaque jour, nous essayons de faire naître des vocations ; chaque jour, nous encourageons la participation citoyenne. Nos conseils municipaux ne sont pas des remparts entre nous et la cité ; ils sont au contraire des ponts qui permettent de faire vivre la démocratie de proximité !
Nous portons depuis longtemps une volonté commune d’associer toujours davantage celles et ceux qui vivent la ville au quotidien à l’effort collectif. Nous regrettons néanmoins que le président de la République ait fait le choix d’ériger cette participation citoyenne en modèle contre le tissu institutionnel local. En effet les élus sont exclus du conseil présidentiel des villes, présenté comme la panacée du pilotage de projet, parjurant la parole présidentielle donnée en novembre.
En ouvrant la porte à un "dégagisme" ciblant à la fois les élus et les acteurs associatifs institutionnels, le discours présidentiel a considérablement fragilisé l’édifice – déjà ébranlé – de notre démocratie locale. Il a également nourri le doute et la suspicion contre celles et ceux qui l’incarnent au quotidien. Nous pensons que cette position néo-populiste est une faute impardonnable, surtout venant du garant suprême de nos institutions !
Nous attendions un hommage à Jean-Louis Borloo, nous avons entendu une forme de mépris. Nous espérions la mise en œuvre d’un plan de bataille visionnaire ; nous avons récolté quelques annonces floues. Nous demandions un investissement ambitieux, nous avons hérité d’une vision d’apothicaire. Nous partagions la volonté de co-construire, nous avons assisté à une stratégie de division. Nous voulions l’union nationale, nous avons eu la pire démagogie !
Devant le manque de volonté de l’Etat, nous, représentants des collectivités, continuerons à porter un projet d’avenir pour nos territoires. En matière d’emploi, de logement, d’éducation, de sécurité, de dynamisme culturel et sportif ou encore de mobilité, nos communes, agglomérations, Départements et Régions défendront une politique ambitieuse afin de faire vivre l’égalité républicaine dans notre pays. Nous ferons avec ou sans l’Etat pour faire vivre l’appel de Grigny, avec les moyens qui sont les nôtres.
Signataires :
Marc Vuillemot, maire de La Seyne sur mer (83), président de Ville & Banlieue
Catherine Arenou, maire (DVD) de Chanteloup-les-Vignes (78), 1ere vice-présidente de Ville & Banlieue
Gilles Leproust, maire d’Allonnes (72), secrétaire général de Ville & Banlieue
Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux (92)
Patrice Bessac, maire (PCF) de Montreuil (93)
Jean-Pierre Bosino, maire de Montataire (60)
Damien Carême, maire écolo de Grande-Synthe (59)
Jean-Jacques Chatel, maire de Mainvilliers (28)
Driss Ettazaoui, vice président (MoDem) en charge de la politique de la ville (CA d’Evreux) (27)
Thierry Falconnet, maire de Chenôve (21)
Marc Goua, maire de Trélazé (49)
Jean-Claude Kennedy, maire de Vitry-sur-Seine (94)
Jean-Louis Marsac, maire de Villiers-le-Bel (95)
Philippe Rio, maire (PCF) de Grigny (91)
Jean Touzeau, maire de Lormont (33)
Jérôme Bonneau, adjoint au maire de Chanteloup-les-Vignes (78)
Nadia Beaumel, vice-présidente en charge de l'Urbanisme OIN Communauté d'Agglomération Paris-Vallée de la Marne (77)
Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil (60)
Muriel Casalaspro, adjointe au maire chargée du développement territorial et de la politique de la ville, Montreuil (93)
Mohamed Derrar, adjoint au maire, vice-président, EPN-Evreux Portes de Normandie
Elisabeth Perrenot-Marque, adjointe au maire de Septèmes-les-Vallons (13)
Sabrina Sebaihi, maire adjointe Politique de la ville, Prévention sécurité, Ivry-sur-Seine(94)
Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis