La métropole du Grand Paris a été votée fin 2013 mais elle ne sera instituée qu’au 1er janvier 2016. D’ici là, une mission de préfiguration devra en fixer le fonctionnement et à en juger par le climat dans lequel elle s’installe, les deux années ne seront pas de trop. Dans la loi, la mission est coprésidée par l’Etat, en la personne du préfet de la région Ile-de-France, et par le président du syndicat d’élus Paris Métropole. Dans les faits, les seconds ont bien peur de se faire doubler par le premier.
Un article dans la Gazette des communes mi-février a mis le feu aux poudres. Titré «La technostructure prend les commandes», il relatait comment l’Etat avait d’ores et déjà choisi le directeur de la mission de préfiguration en la personne de François Lucas, ancien préfet pour la sécurité et la défense qui fut au cabinet de Jean-Pierre Chevènement lors de la première loi sur l’intercommunalité (en 1999). Décision prise sans que Paris Métropole en ait été avisé. Le syndicat d’élus avait alors réagi par un communiqué ulcéré, rappelant que «la nomination d’un préfet préfigurateur et la composition de la direction de la mission ne sauraient intervenir en dehors du processus d’échange» entre les deux parties et qu’il avait «été convenu d’une véritable coproduction du cahier des charges de la mission de préfiguration entre l’Etat et Paris Métropole».
Mais depuis le début, les élus semblent douter de l’esprit coopératif de l’Etat. Dès le 7 février, le comité syndical de Paris Métropole adoptait une résolution dans laquelle il posait ses conditions. «Notre intention n’est en aucun cas d’être force de blocage, écrivait-il, pour autant nous ne pouvons pas prendre le risque de servir de faire-valoir». Les élus demandaient en particulier à être «associés en amont» aux choix relatifs à l’organisation de la mission. Peine perdue apparemment puisque dix jours après, ils apprenaient la nomination prochaine de François Lucas.
De la même manière, la résolution demandait à ce que le décret installant la mission de préfiguration soit «préparé conjointement par le préfet de région et le président de Paris Métropole». Dans l’entourage de Marylise Lebranchu, la ministre de la Décentralisation qui a porté la loi métropoles, on rappelle qu’un décret de l’Etat, «en droit, est écrit par l’Etat». Le décret sera publié en avril, après les municipales, et les élus «y seront associés». Daniel Guiraud, le président de Paris Métropole, reconnaît que malgré la coprésidence, il n’y a guère de co-écriture : «Nous allons rencontrer le préfet vers la mi-mars et nous allons confronter nos points de vue».
Lui voit, «côté Etat, des retours plutôt satisfaisants». Pierre Mansat, adjoint parisien à Paris Métropole, est plus inquiet : «Il faut que l’Etat donne des gages de parité réelle, qu’on ne se retrouve pas face à des choix qui auraient été faits.»
La mission de préfiguration comportera, outre son directeur, un comité technique dans lequel il y aura autant d’administrateurs d’Etat que de territoriaux. S’y ajoutera un conseil des élus, avec la coprésidence prévue par les textes. Suffisant ? Pour Pierre Mansat, «l’investissement des élus est fragile. Leur participation dans la préfiguration n’est pas quelque chose d’acquis une fois pour toutes.»
Deux éléments jouent contre eux. Le délai d’abord. En deux ans, la mission doit mettre au point une carte des territoires de 300 000 habitants chacun qui composeront la métropole, un statut juridique pour ces territoires, un pacte financier et fiscal pour la métropole et un projet métropolitain. « Nous allons mettre en place une organisation de ressources pour avoir une machine à produire des propositions », affirme Daniel Guiraud.
Ce qui ne sera pas simple car l’autre difficulté à surmonter, ce sont les traces du débat parlementaire sur le Grand Paris. La métropole intégrée, telle qu’elle a été élaborée par les députés, n’était pas le choix de la majorité des élus de Paris Métropole, partisans d’une solution plus fédérale. Patrick Braouezec, président de la communauté d’agglomération Plaine commune, intervenant récemment dans un séminaire opportunément intitulé «Décider ensemble le Grand Paris», prédisait une préfiguration semée d’embûches : «Je considère que ce texte de loi n’est pas ficelé. Il y a encore plein de choses sur lesquelles il va falloir qu’on atterrisse». A quoi Philippe Laurent, maire de Sceaux, ajouta : «Nous allons mettre en place une mission de préfiguration pour revoir la loi mais ce ne sera pas aussi démocratique que la discussion au Parlement. Il ne fallait pas voter si vite…»