Roger Karoutchi est aux anges. Lundi 3 juin, au troisième jour de l'examen du projet de loi décentralisation, le sénateur UMP des Hauts-de-Seine a orchestré, avec succès, la destruction du volet francilien du projet de loi décentralisation. Le spectre d'une solidarité financière plus contraignante entre les communes de la région capitale s'éloigne un peu. "Il ne reste rien du texte Paris métropole" se réjouit l'ancien secrétaire d'Etat dans un large sourire.
Côté gouvernement, Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, semble condamnée à boire la coupe de ciguë jusqu'à la lie. Après dix mois de négociations tous azimuts, l'affront d'un découpage de son projet par Matignon et la réécriture du texte par la commission des lois, la ministre se voit mise en échec par l'opposition sénatoriale. L'ancienne élue bretonne s'acharne à sauver les derniers pans de son projet. "J'ai comme une impression de solitude", laisse-t-elle tomber après le vote du Sénat.
Le texte qu'elle défend s'est échoué sur des amendements, présentés par l'UMP et le groupe Communiste, républicains et citoyens (CRC), supprimant un article pilier du projet qui visait à réintégrer le territoire francilien dans le droit commun et à contraindre les communes à se regrouper pour former le socle d'une métropole parisienne. Le PS et les écologistes, qui soutenaient le projet, ont été mis en minorité.
ALLIANCE UMP/PC
Si sans surprise, le texte s'est opposé à un refus des sénateurs UMP – eux-mêmes divisés entre défenseurs d'une métropole régionale et partisans d'un resserrement sur Paris et sa première couronne – le rejet des sénateurs communistes a pesé pour faire tomber le projet. Partisan du statu quo, Christian Favier (CRC) avait d'ailleurs annoncé la couleur lors des explications de vote : "Pourquoi tout chambouler ? N'obligeons pas les communes à achever à marche forcée la carte intercommunale."
"Le texte s'est heurté à une alliance objective entre l'UMP et le PCF", commente la ministre. "Le volet parisien est le plus compliqué de tous. Depuis un an que nous consultons l'ensemble des acteurs de la région, nous n'avons jamais pu obtenir un consensus." "Le projet a été tué par les petits potentats locaux", poursuit plus vertement la sénatrice Hélène Lipietz (EELV, Seine-et-Marne), pour qui "le Parti communiste a eu peur de perdre ses bastions".
En l'état, il ne reste plus grand-chose du projet Paris métropole. Mais le gouvernement compte bien le réintégrer dans le texte lors de son passage à l'Assemblée nationale, prévu pour juillet. "Restent les parties dédiées aux métropoles lyonnaise et marseillaise et les dispositifs créant d'autres métropoles sur l'ensemble du territoire", souligne Jean-Pierre Sueur, sénateur PS et président de la commission des lois. L'ensemble du territoire avancerait, alors que la métropole capitale semble irréformable, enkystée par "les égoïsmes", juge Hélène Lipietz, "freinée ici par ceux qui ne veulent pas partager la richesse économique et là par ceux qui ne veulent pas partager le pouvoir", ajoute Philippe Dallier, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis.