25 Juin 2013
Le 15 mai 2012, reçu à l’Hôtel de Ville de Paris, le Président de la République prit l’engagement de créer les conditions d’une métropole parisienne dotée de pouvoirs réels. Un an plus tard, le Sénat a refusé toute évolution institutionnelle dans la région capitale. Il ne nous revient pas d’écrire la loi, mais nous nous joignons aux nombreux habitants et acteurs impliqués dans le Grand Paris pour dire aux élus : le statu quo n’est pas une solution tenable.
En 1945, la région parisienne comptait 6,5 millions d’habitants. Elle en héberge aujourd’hui près du double, sans compter les dizaines de millions de touristes qui passent dans la capitale. Un « parisien » sur deux habitait intra-muros, contre moins d’un sur cinq aujourd’hui. Des centaines de milliers d’emplois dans la mécanique, la métallurgie ou la chimie lourde ont disparu et Paris reste aujourd’hui un des centres mondiaux de la création, de l’industrie de pointe et des services aux entreprises. Toujours compliqués, les rapports avec la France ont dépassé l’opposition stérile entre Paris et le désert français. Paris était une ville capitale, elle est devenue le cœur d’une métropole mondiale aux nombreuses ramifications.
Pris dans la banalité quotidienne, on oublierait presque l’ampleur de cette transformation qui bouscule nos modes de vie, nos cités et nos économies : une nouvelle société émerge et nous l’inventons au quotidien depuis 50 ans. Nos villes en portent la marque.
Longtemps, cette mutation s’est faite sans heurts : entre interventions massives (villes nouvelles, grands ensembles, RER, etc.) et moments agités (mai 1968), un sens des équilibres économiques et humains était préservé. Les années 2000 marquent une rupture : les émeutes violentes se sont multipliées, la dynamique économique a freiné plus qu’ailleurs, la construction de logements et de transports s’est grippée. La tentation du repli sur soi a frappé les entreprises, les quartiers, les élites. C’est nier l’esprit et la richesse de cette métropole qui depuis des siècles, s’est construite sur l’ouverture aux autres, au monde et sur la capacité à se réinventer en permanence.
Les raisons ne manquent pourtant pas de penser que le (Grand) Paris s’écrit toujours au futur :
- une métropole riche de ses habitants, de son Histoire, de ses quartiers : malgré des difficultés, elle fait la preuve au quotidien de sa capacité à assimiler la diversité, à jouer de son patrimoine tout en suscitant l’expression de sa créativité et le rayonnement de ses talents.
- une métropole riche de son esprit démocratique : les débats de Paris Métropole ont montré des citoyens grand-parisiens en alerte qui entendent être au cœur de la fabrique de cette métropole. Pour peu que l’on cherche, il y a toujours vivace la continuation d’un esprit de Liberté et de démocratie qui ont contribué à la grandeur et l’influence de Paris et de la France dans le monde.
- une métropole riche de son esprit ingénieux et entreprenant : même si c’est dans le désordre, un grand nombre d’acteurs sont mobilisés. Élus, entreprises, associations, habitants, de très nombreuses initiatives ont été engagées pour bousculer le statu quo. Des innovations sont amorcées chaque jour dans la métropole qui changent la vie de chacun, partout sur la planète.
Beaucoup d’élus se sont mis en mouvement, notamment via la création de la conférence métropolitaine. Changer les rapports entre Paris et la banlieue n’a pas été la moindre des démarches engagées : équilibrer des relations marqués par des décennies de mépris et la vassalisation de tout ce qui n’était pas parisien est une tâche ardue.
Cette énergie n’est toutefois pas inépuisable : elle a besoin d’être soutenue et accompagnée. Il revient au Parlement d’installer un cadre institutionnel et un calendrier qui permettront à chacun, élu, citoyen ou acteur économique, social ou associatif de jouer son rôle dans la construction au quotidien de la métropole. Partout dans le monde les défis métropolitains transforment l’action politique. Quand Lyon et Marseille (bon gré mal gré) s’inscrivent dans ce processus, Paris ne peut rester à l’écart.
Le pacte métropolitain que nous appelons de nos vœux repose sur quelques principes simples :
- prendre en considération les citoyens, la société civile, les entreprises, en reconnaissant leur place dans la dynamique métropolitaine. On ne pourra pas construire la métropole sans celles et ceux qui la font vivre.
- assumer la complexité de ce territoire aux centres multiples. La banlieue n’est ni une extension de Paris, ni un maelstrom désorganisé. La diversité de l’agglomération parisienne appelle qu’une place soit faite à la singularité de chaque lieu et que des voix puissantes émergent de chaque grand territoire.
- engager la mutation institutionnelle de manière pragmatique mais ferme. La métropole se construit patiemment et ce processus est riche : il permet de fédérer les énergies plutôt que d’opposer les territoires. Mais un processus ne vit que par sa dynamique et par les preuves données à chacun de son avancement.
Le respect des territoires, c’est aussi le respect des citoyens et des acteurs locaux : cela passe par le fait qu’ils ne soient pas les otages d’arbitrages coinçant tout le monde dans un entre-deux bancal par absence de choix.
Les responsabilités sont partagées dans la situation actuelle. Le rejet par le Sénat, peut-être fondé sur de mauvaises raisons, a pu se nourrir de l’impression d’un recul : certains territoires pansent encore les plaies de décennies d’arrogance parisienne et le texte comme les négociations qui l’ont précédé ont alimenté la crainte d’un retour du suzerain parisien derrière le vocable de métropole.
On a aujourd’hui le sentiment d’un malentendu : après des efforts conséquents de chacun et alors que des objectifs communs sont partagés, les discussions sur la loi renvoient le collectif francilien dix ans en arrière.
Il faut pourtant qu’un consensus soit possible. Si le texte fait une place à la diversité des banlieues, une discussion doit être concevable. S’il fait droit aux notions de coopération et d’écoute mutuelle qui se sont construites dans les débats, que ce soit à Paris Métropole, à l’occasion du Sdrif, sur le Grand Paris Express ou au moment de la Loi Grand Paris, un accord doit être accessible. Si le texte de loi n’organise pas de vassalisation, s’il fait une place pour les acteurs et les citoyens, un consensus doit être obtenu.
Les citoyens ont conscience que leur avenir et celui de leurs territoires se joue en ce moment. Les acteurs économiques et associatifs sont impatients que le Grand Paris advienne. Des observateurs de toute la planète scrutent la région parisienne en y cherchant l’émergence d’un modèle métropolitain innovant. Arrivée aux responsabilités dans les deux dernières décennies, une génération d’élus décide maintenant de l’avenir de la région, de notre avenir à tous. Beaucoup sont respectés pour ce qu’ils ont réalisé depuis dix ans. Les citoyens, la France et le Monde regardent aujourd’hui Paris ; il serait dommage de ne pas être à la hauteur de ce rendez-vous historique.