Les défis du Grand Paris
Un métro autour de Paris, huit pôles économiques d'activité et une ouverture sur la mer et 70 000 logements par an : tels sont les points essentiels du projet du Grand Paris Le métro du XXIe siècle
C’est le socle même du projet élaboré par le secrétaire d’État Christian Blanc. Et sans doute le point de confrontation le plus direct entre les pouvoirs publics et la région. Car cette dernière avait élaboré, dans le cadre de son schéma directeur de l’Île-de-France (Sdrif), un plan de transport qui prévoyait lui aussi une boucle autour de la capitale, mais d’une logique et d’un tracé différents (voir l’infographie ci-dessus).
Là, le métro de Christian Blanc est dessiné selon une double boucle autour de Paris, qu’il traverse également grâce à une ligne 14 prolongée au nord jusqu’à Pleyel et au sud jusqu’à Orly. D’une longueur de 130 km, ce « métrophérique » serait automatique (sans conducteur) et souterrain sur plus des trois quarts de son parcours. Il est prévu pour rouler à 60 km/h et desservir des gares éloignées les unes des autres en moyenne de quatre kilomètres.
On évoque une quarantaine d’arrêts. Le tracé a été élaboré pour lier les pôles économiques stratégiques (lire plus loin) qui seront créés autour de la capitale. Coût estimé : 21 milliards d’euros. Le chantier, qui commencerait dans le Val-de-Marne, serait achevé, selon Christian Blanc, d’ici à treize ans.
En face, la région avance son projet baptisé « Arc Express » : une boucle de 60 km, proche de la capitale, et donc des zones les plus denses, car reliée aux terminus des lignes de métro existantes. Un projet aujourd’hui bloqué et explicitement menacé par le texte sur le Grand Paris.
La région estime le coût de son « Arc Express » à moins de 10 milliards d’euros et une mise en service possible dès 2017. Il ne roulerait qu’à 40 km/h, car il desservirait des gares éloignées d’environ un kilomètre.
Les deux logiques sont différentes. Le projet de loi du gouvernement est un plan de développement économique basé sur des territoires tirés par une offre de transport. La région mise, elle, sur des améliorations immédiates des surcharges des moyens de transport existants.
Des territoires stratégiques
Le métro de Christian Blanc est indissociable des huit pôles économiques d’activité qui vont être développés autour de la capitale. Des pôles qui ont l’ambition de rivaliser au niveau mondial avec l’attractivité des autres grandes métropoles économiques de la planète.
Le seul inscrit dans le texte de loi est le plateau de Saclay (Yvelines et Essonne), où l’État souhaite la création d’un pôle scientifique et technologique destiné à devenir « l’une des cinq plates-formes de haute technologie les plus performantes du monde ».
Parmi les autres pôles prévus, la zone de Roissy-Villepinte-Tremblay se développera autour du trafic passagers et du fret, ainsi que sur la « logistique de congrès et de salons ». Une « vallée des biotechnologies » de la capitale serait aménagée au sud, entre Évry et Saclay, pour concentrer les spécialistes des sciences de la vie. Le Bourget, qui abrite le premier aéroport d’affaires d’Europe, verra se développer un centre technologique aéronautique.
Autres pôles aujourd’hui identifiés : Paris-la Défense, qui doit se renforcer pour accroître son attractivité économique ; la Cité Descartes, à l’est de Paris (Noisy-le-Grand), où se regrouperont les nouvelles technologies de la « ville durable » (nouvelles technologies environnementales, éco-industries…) ; enfin, l’Île-Saint-Denis (Aubervilliers), qui rassemblera les industries de la création : cinéma, imagerie ou encore métiers d’art.
Enfin, la confluence Seine-Aval doit accompagner l’ouverture de la capitale vers sa façade maritime (lire ci-dessous) de Normandie. Ses aménagements regrouperont les « industries de l’éco-mobilité et de l’éco-construction ». Christian Blanc estime que la croissance générée par ces pôles d’excellence permettra la création de 800 000 à un million d’emplois à l’horizon 2025.
Une ouverture sur la mer
Dès le début de l’aventure du Grand Paris, le président de la République a évoqué la façade maritime que toute métropole à vocation mondiale se doit d’avoir. « Nous devons faire du Grand Paris cette métropole maritime qui va permettre de tisser un lien nouveau, via cette magnifique vallée de la Seine, entre une vieille capitale fluviale, Paris » et ses « deux ports traditionnels, Le Havre et Rouen », a-t-il déclaré en juillet 2009.
De fait, si elle n’est pas proprement inscrite au texte du projet de loi, une future ligne ferroviaire à grande vitesse entre le port maritime normand du Havre et la capitale fait partie intégrante de la vision présidentielle du développement de l’Île-de-France.
Les trois conseils économiques et sociaux de la région francilienne et des deux Normandies viennent d’ailleurs de créer l’Association pour la promotion du TGV Paris-Normandie. Une ligne qui pourrait voir le jour d’ici à 2020. Le Havre accueille certes près de la moitié des conteneurs à destination de Paris.
Mais il veut faire mieux et se rapprocher d’Anvers ou de Rotterdam dans le classement mondial des ports. Un TGV ne pourra que servir ses ambitions. Mais, à l’heure de l’éco-mobilité, le projet vise également un renforcement du fret, non seulement ferroviaire, mais également fluvial. Le prolongement du canal du Havre permettrait un accès plus rapide à la Seine et ferait du Havre le vrai port de Paris.
70 000 logements par an
C’est l’un des (rares) objectifs chiffrés par le texte de loi examiné au Sénat. Un objectif primordial pour des Franciliens confrontés à une pénurie de logements abordables. Ce projet s’appuie sur la création d’un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État.
« Ce réseau (de transport) s’articule autour de contrats de développement territorial » et « participe à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France. » Le chiffre est ambitieux face à un schéma directeur de la région qui évoque 60 000 logements par an, mais qui n’en réalise aujourd’hui que moins de 40 000.
Restent des points non résolus, et pas des moindres. À commencer par les terrains. Selon le secrétariat d’État au développement de la région capitale, certains territoires apparaissent déjà comme « prioritaires », notamment le plateau de Saclay et « les périmètres situés autour des gares du futur métro automatisé ».
Et d’affirmer que l’offre foncière est aujourd’hui évaluée à 200 km², une superficie « deux à trois fois supérieure à celle qu’il faudra pour construire le million et demi de logements nécessaires aux besoins d’ici à 2030 ». Reste aussi à savoir si ces logements seront principalement accessibles via les bailleurs sociaux ou dédiés à l’accession à la propriété (avec le risque, selon la gauche, d’une spéculation foncière).
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Michel WAINTROP |