4 Avril 2012
Je participais ce matin à une réunion de soutien à Jean-Luc Mélenchon, aux côtés de personnalités œuvrant dans le domaine de la Ville et de l’Habitat.
Voilà, en substance, le message que j’ai passé.
La ville, absente de la campagne
Beaucoup se sont inquiétés de la place faite aux banlieues dans la Présidentielle. Mais ce ne sont pas seulement les banlieues qui ne trouvent pas leur place dans la campagne, c’est la ville tout entière qui a disparu des radars politiques.
Aujourd’hui, l’urbain traverse la France de part en part : 77% des français vivent en ville, 23 millions vivent en banlieue. Et pourtant la ville est absente du programme de François Hollande, et à peine mentionné chez François Bayrou.
En retirant la ville des débats, on l’abandonne aux discours les plus rétrogrades. Car, d’une manière pernicieuse, la droite en parle. Les immigrés, les quartiers sont dans la campagne avec les discours anti-immigrés de Nicolas Sarkozy, immédiatement associés au discours sécuritaire.
Ne pas parler aujourd’hui de ce qui se joue dans les villes, c’est surtout se priver des moyens d’agir sur les inégalités sociales, car c’est là qu’elles s’incarnent. En passant sous silence les enjeux urbains, les questions de ségrégation, d’inégalités des chances selon l’endroit où l’on habite disparaissent. L’aborder par les seuls programmes de rénovation urbaine dans les banlieues, c’est se condamner à répéter les erreurs du passé, comme si la banlieue était déconnectée de la ville.
Derrière ce silence, se cache un aveu d’échec : la reconnaissance que la ville ne fait plus société. La ville est un des lieux où on a le sentiment que la puissance publique a abandonné les Français à leur sort. Le sentiment que l’Etat s’est résigné à la dégradation des conditions de vie en laissant s’installer une ville à plusieurs vitesses. Plus grave, son défaut d’intervention, le silence dans les programmes proposés par les candidats entretiennent l’idée que les quartiers populaires sont un problème insoluble et qu’il ne sert à rien de mener campagne dans des territoires marqués par l’abstention.
A l’impression que la ville concentre des inégalités, comporte des contraintes certes, mais qu’elle offre des promesses, d’émancipation, de richesse, de diversité, s’est substituée parfois l’impression que la ville est un privilège réservé à certains, que la ville divise et contribue à la désagrégation de la société. La ville exprime cette fragmentation, pour les classes les plus populaires mais aussi pour les classes moyennes.
Jean-Luc Mélenchon a décidé de conclure son programme par l’affirmation du droit à la ville.
Cette idée porte d’abord un constat. La question urbaine est le nouveau visage de la question sociale. L’organisation de nos villes reflète l’état des relations sociales. Elle greffe sur le territoire les problèmes d’emploi, d’insécurité, d’école... Elle nous donne à voir les dysfonctionnements et les injustices de notre société. C’est l’analyse de ce qui s’y joue aujourd’hui qui doit pouvoir nous permettre de répondre efficacement à l’injustice sociale.
Elle porte aussi une ambition. On ne peut pas se contenter d’un discours moral « il faut rapprocher les classes qui s’éloignent » « il faut de la mixité sociale ». Pour enrayer ce mécanisme de séparation et ne pas s’en ternir au registre de l’incantation, il faut replacer cette préoccupation au cœur du débat politique, il faut la discuter avec les habitants, favoriser l’implication des habitants, des associations et des élus qui seule garantira la qualité des projets à même de combattre la ségrégation spatiale et la ghettoïsation.
Restaurer le droit à la ville c’est penser les conditions d’accès pour tous aux fonctions métropolitaines et inventer une ville attractive pour les classes populaires qui ont le sentiment de ne plus y avoir leur place.
C’est une question globale. Partant du constat que la ville ne fait plus société, une nouvelle politique urbaine ne peut être seulement patrimoniale, artistique, architecturale, environnementale, elle exige qu’un espace prenne une forme politique et qu’il retrouve une cohérence afin de se prémunir contre l’éclatement de l’urbain. Il faut une politique de développement global du territoire dépassant le cadre de la politique du logement à laquelle le droit à la ville ne doit pas être réduit. Les politiques d’emploi, d’éducation, de santé publique, de transport, de culture et de sport devront elles aussi contribuer à faire de la ville un espace d’épanouissement personnel et familial.
De même, pour casser le mouvement d’archipellisation de la ville, il faut refonder les mécanismes de solidarité entre les territoires. Ainsi, les problèmes des banlieues ne sont pas seulement leur affaire. L’échelle du quartier est peut-être parfois l’échelle du problème, mais elle n’est jamais l’échelle de la solution. Il faut penser les réponses à l’échelle de l’agglomération, là où la politique de la ville se fonde aujourd’hui sur une géographie des quartiers prioritaires. Ne pas séparer le traitement des banlieues de la question de la ville.