27 Février 2010
Le Président de la République a choisi de s’exprimer à nouveau sur l’enjeu du Grand Paris, à deux semaines du 1er tour des élections régionales et au moment précis où il convoque à l’Elysée les têtes de listes franciliennes de l’UMP pour « recadrer » leur campagne. Cette intervention directe dans la campagne contredit manifestement ses propos récents, quand il rejetait l’hypothèse même d’une telle immixtion. Il est particulièrement regrettable que ce changement de pied brutal se fasse en instrumentalisant la question majeure du Grand Paris. Depuis 2001, en effet, j’ai la conviction - et nos actes le prouvent - que ce dossier ne progressera qu’en cherchant à dépasser la logique un peu étroite des clivages partisans.
Sur le fond, le Chef de l’Etat reprend largement à son compte les analyses des 10 équipes d’architectes, dans le cadre de la consultation internationale à laquelle la Ville de Paris avait activement contribué. Il est clair que cet exercice ouvre des perspectives stimulantes à moyen et long terme. J’insiste cependant sur un risque : s’il est essentiel de se projeter vers la civilisation urbaine de l’après-Kyoto, nous avons aussi le devoir de répondre maintenant aux difficultés de nos concitoyens en Ile-de-France. Les deux problématiques ne s’opposent pas, mais je crois cependant que notre ambition collective ne saurait se limiter à des discours un peu déconnectés de la réalité quotidienne vécue par chaque Francilien.
Ce constat s’applique particulièrement au dossier des transports : après des décennies d’inertie, l’Etat en a confié la responsabilité à la Région Ile de France, il y a seulement quatre ans. Sous l’impulsion de Jean-Paul Huchon, et en ce laps de temps très court, une nouvelle dynamique s’est engagée, que ce gouvernement s’emploie malheureusement à fragiliser. Notre action porte pourtant sur le traitement opérationnel des dossiers prioritaires : RER A, B et D, ligne 13, nouvelles lignes de tramways en surface et Arc Express pour créer un métro de rocade en petite couronne autour de Paris.
Dans ces conditions, le « Grand 8 » de Christian Blanc crée l’illusion de répondre à ce besoin mais la plupart des élus, de droite comme de gauche, y voient surtout une régression. D’abord, parce que cette infrastructure est conçue depuis dix huit mois dans le secret des cabinets ministériels sans associer les élus franciliens ; ensuite parce que ce projet privilégie la desserte de quelques zones de développement éloignées et ne relie pas entre eux, comme il le faudrait, les zones d’habitations où vivent et travaillent aujourd’hui les Franciliens ; enfin, parce qu’en raisonnant d’entrée sur un projet de 25 à 30 milliards, l’Etat privilégie un schéma lourd, hypothétique, sans calendrier, sans contenu identifié et surtout sans plan de financement. Cette démarche aléatoire se fait aux dépens du financement de projets pertinents qui, eux, correspondent aux vraies urgences et font d’ailleurs consensus.
Sur ce sujet décisif il serait temps que l’Etat rompe avec une forme de condescendance vis-à-vis de Paris – évoqué dans cette interview comme le « petit Paris », comparé à Venise et qu’il faudrait « réinventer » -, formules particulièrement inadaptées pour une Capitale qui a gagné 70 000 habitants en 10 ans, dont le PIB représente à lui seul 10 % de la richesse nationale et qui a engagé un formidable chantier de renouvellement urbain et de réalisations architecturales.
A l’inverse, et comme je l’ai exprimé à maintes reprises, il est souhaitable qu’un vrai partenariat puisse s’établir entre tous les acteurs concernés, Etat, Paris, Région et toutes les collectivités. Nous avons réitéré récemment ce souhait à propos de l’Atelier international du Grand Paris dont les premiers pas semblent une nouvelle fois traduire les mêmes difficultés à partager les actions et les responsabilités.
Et c’est précisément cette démarche qui s’applique au sein de Paris Métropole. Car nul ne peut accepter que la métropole parisienne échappe à la légitimité de ses élus locaux et devienne la seule en Europe à être gouvernée par l’Etat central. J’observe d’ailleurs que le Président souligne son intérêt pour ce syndicat, Paris Métropole, qui rassemble aujourd’hui une centaine de collectivité de toutes sensibilités : prise de position qui conduira je l’espère les élus UMP à rejoindre enfin ce rassemblement. Car je pense profondément que cet outil, en synergie totale avec la région Ile-de-France, et dans un dialogue loyal avec l’Etat, est le plus efficace pour avancer ensemble, dès après les régionales, et créer les conditions d’une gouvernance métropolitaine renforcée et dynamisée.