24 Février 2010
J'ai reçu ce texte de L'ordre des Architectes de la Région IDF , à consulter sur leur site
Point de vue
Grand Paris et petit bras
L’agglomération parisienne est une réalité, mais pourra-t-elle devenir une
métropole sans construire son identité, sans que soit mis en oeuvre sa
gouvernance, sans qu’elle ne redevienne un plaisir ?
Les grands ensembles sont toujours des îlots de souffrance en attente ; les
infrastructures lacèrent le territoire, isolent les quartiers ; les grandes
emprises réservées aux activités sont des espaces infranchissables qu’il faut
contourner. Ce ne sont pas là des phénomènes uniques, mais on ne peut que
regretter que la France ne se soit pas encore inscrite dans le sens de l’histoire
en adaptant son urbanisme aux besoins criants des habitants et en
s’engageant vers les impératifs de l’après Kyoto.
Les études pour la révision du Schéma Directeur de la Région Île-de-France
avaient permis que la densité ne soit plus un sujet tabou. Aujourd’hui, le fait
métropolitain peut être reconnu comme l’opportunité de pousser les frontières
existantes pour tisser, croiser, décloisonner tout ce qui peut servir l’intérêt
commun. Hélas, l’état actuel du projet du Grand Paris fait pitié, tant la
mécanique promise, mais déjà grippée a enterré les vrais enjeux du débat
public. Le risque de balkanisation des aires métropolitaines se profile dans la
réduction de l’échelle territoriale prise en compte et les résistances sur la
répartition des prérogatives. L’évolution espérée ne saurait se passer
simplement. Pour autant, ne laissons pas réduire les ambitions à quelques
actions d’éclat, dont les répercussions seraient bien minces à côté des
attentes des 11 millions de citoyens et des énergies aujourd’hui disponibles
dans la société civile.
Sans vision globale, le projet métropolitain ne sera pas. Les 10.000 architectes
d’Île-de-France soutiennent l’ambition d’une métropole dense, diversifiée et
porteuse d’un nouvel art de vivre. Nous croyons à la nécessité d’associer des
avancées sociales réelles - la réduction des fractures sociales, les potentiels
enfin activés de la banlieue - à la conception d’une ville inédite qui assurera
dans le même temps le rayonnement international de la métropole
francilienne. Devenir une métropole où l’on respire un air propre, avec des
logements spacieux dans des quartiers singuliers, dotés d’équipements de
proximité et de lieux de travail accessibles rapidement, où il fait bon courir
dans la fraîcheur des petits matins, prendre un café le long d’avenues
silencieuses, c’est notre rêve citoyen. Ce n’est pas une utopie mais un défi de
société. Il porte l’espoir qu’un élan historique sera donné aux solidarités et à
l’attractivité de l’agglomération parisienne.
Pour que cet élan se concrétise, les féodalités républicaines territoriales
doivent s’incliner devant l’intérêt des générations à venir. Il s’agit maintenant
de croiser les dynamiques au lieu de les opposer. De nombreux acteurs
politiques ont appelé cette évolution de leurs voeux. Les dix équipes conduites
par les architectes du Grand Paris l’ont unanimement demandée. Les
Franciliens en ont besoin. La France en a les moyens et les capacités.
Le processus qui doit s’engager est rien moins qu’un changement radical de
l’échelle des actions à conduire autant qu’un nouveau regard sur la ville. Agir
ici, guérir là : on sait depuis longtemps que cela ne suffit pas. Oui, l’Etat doit
prendre une part active à certains dossiers, investir sur quelques projets
sensibles de transports, de logements et d’équipements. Mais il doit surtout
initier un projet fédérateur et démocratique et mettre en place une
gouvernance inter territoriale emboîtant les différents niveaux de
représentation citoyenne et politique, apte à fonder une vision commune et à
arbitrer les décisions sur la durée d’un demi-siècle ou plus.
Un territoire pour tous, accessible et identifiable quelles que soient les
singularités géographiques, urbaines, économiques et sociales qui le
constituent : voilà le grand pari du Grand Paris. A l’heure de l’urbanisation
du monde, cette métropole en devenir doit s’affirmer comme la
concrétisation d’un vrai plaisir de vivre en ville et le partage de nouvelles
valeurs citadines.