En principe, la métropole du Grand Paris est née jeudi soir, quand les députés ont achevé la seconde lecture de la loi d’affirmation des métropoles. Selon le schéma adopté, une intercommunalité géante regroupera Paris et les 124 communes des trois départements qui l’entourent. Six millions d’habitants. Un inédit en France.
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La métropole du Grand Paris est votée, mais loin d'être achevée
En grande couronne, des intercommunalités d’au moins 200 000 habitants compléteront le dispositif, cette taille minimum étant supposée leur permettre de faire pièce au mastodonte. Ces ensembles contiendront des éléments majeurs en Ile-de-France, tels que la zone de Roissy Charles-de-Gaulle, le plateau de Saclay ou le Génopole d’Evry, preuve pour les partisans du système, qu’il n’y aura pas de métropole à deux vitesses.
Les communes bordant le périmètre de la métropole pourront y adhérer de façon volontaire, grâce à un amendement de Valérie Pécresse qui s’est félicitée, dans un communiqué, d’avoir préservé «Wissous, Vélizy, Maurecourt ou Verrières-le-Buisson », communes favorisées qui «retrouvent une porte de sortie pour échapper à ce monstre bureaucratique», écrit-elle.
Voilà pour les grands traits du système. En réalité, on n’en est pas encore là car un parcours législatif chahuté a laissé des traces qui vont être délicates à ravoir.
Dans son projet initial, le gouvernement avait proposé un regroupement de Paris et des intercommunalités de petite couronne. Dix-neuf «intercos» existent aujourd’hui et quarante-trois communes campent dans leur isolement. Le projet de loi prévoyait d’achever l’intercommunalité de façon obligatoire, pour pouvoir procéder ensuite au regroupement. On aurait obtenu une sorte de fédération d’agglomérations, qui avait, de surcroît, la bénédiction des élus réunis depuis des années au sein de Paris Métropole.
Mais au Sénat, dès la première lecture, une improbable alliance droite-PC supprime l’intercommunalité obligatoire. Tous les articles créant la métropole du Grand Paris s’écroulent à la suite, certains sénateurs n’ayant apparemment pas saisi tout de suite que ceci entraînait cela. Reste pour Paris un blanc dans le texte.
A coup de force, coup de force et demi: des députés, entraînés par le jeune socialiste Alexis Bachelay, mais parmi lesquels on trouve aussi de vieux renards comme Jean-Marie Le Guen, s’emparent du vide et forgent une intercommunalité géante que le gouvernement reprend à son compte. C’est celle qui vient d’être votée.
Formellement, la métropole ne naîtra qu’au 1er janvier 2016. D’ici là, une mission de préfiguration en dessinera les contours, copilotée par l’Etat et par le syndicat d’étude Paris Métropole. Tous les élus des communes concernées participeront à la préfiguration mais les épisodes précédents n’augurent pas d’une ambiance idéale.
Déjà, Paris Métropole a bien du mal à se remettre de l’échec de sa formule. Les trois quarts de ses membres défendent toujours le modèle «fédéral», tandis que les autres acceptent la version centralisée, si on l’améliore.
Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire PS de Cachan et ancien président de Paris Métropole, n’était pas un chaud partisan de la métropole intégrée. Désormais il fait avec, et plaide pour que Paris Métropole mène la préfiguration comme prévu. «Rien n’est encore abouti», a-t-il dit lors d’un point presse organisé ce matin pour le renouvellement de la présidence du syndicat. «Si on imagine qu’au 1er janvier 2016, la métropole sera faite, ce n’est pas vrai.» Un conseil syndical de Paris Métropole, début 2014, devra trancher pour savoir si le syndicat participe ou pas à la préfiguration. Daniel Guiraud, maire PS des Lilas, qui soutient la métropole nouvelle manière, a été élu président avec 56 voix contre 55 «refus de vote». Bref, Paris Métropole aborde sa mission de préfiguration dans des conditions délicates.
La droite, de son côté, n’entend pas simplifier le travail. La métropole fortement intégrée est un instrument de péréquation des ressources qui inquiète sérieusement dans les Hauts-de-Seine. Mais plutôt que de se contenter de dénoncer une «loi monstrueuse» comme l’a fait son collègue UMP Hervé Gaymard, Patrick Devedjian, député UMP des Hauts-de-Seine, a entrepris de recenser une série d’inconstitutionnalités possibles. «On verra si le Conseil constitutionnel se laisse faire», a-t-il conclu, manière de souligner qu’un texte écrit rapidement et sans avis préalable du Conseil d’Etat, pouvait encore réserver d’autres surprises. Et évoquant la future présidence de la métropole, qui s’annonce assez acrobatique, il a ajouté : «Tout Paris bruisse encore du partage entre madame Hidalgo et monsieur Le Guen, qui s’en vante d’ailleurs…»