9 Octobre 2014
par Philippe Laurent, maire de Sceaux
Ce 8 octobre 2014, les membres du Conseil des élus de la Mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris ont adopté, par 134 voix contre 8 contre et 13 abstentions (soit 94% des exprimés et 86% des votants), un texte proposant une nouvelle organisation de la MGP. Ce texte, discuté pendant de nombreuses heures entre les élus de toutes tendances, vise à réécrire le fameux article 12 de la loi dite « MAPTAM » du 27 janvier 2014, conformément à la « commande » passée en juin dernier par le Premier ministre aux élus membres de Paris Métropole.
J’ai voté pour ce texte. Il représente en effet le moins mauvais compromis qui pouvait être obtenu après les âpres affrontements qui ont émaillé les débats politiques – et malheureusement parfois politiciens – ces derniers mois, surtout depuis le « coup de force » de la majorité de l’Assemblée nationale votant, après la défection du Sénat, la mise en place d’un monstre hyper-centralisé confisquant une majeure partie des compétences des communes de la petite couronne parisienne et conçue comme une vaste machine de redistribution financière entre les territoires de l’agglomération parisienne proche. Finalement, le texte très majoritairement adopté le 8 octobre est proche dans ses principes – bien que techniquement plus détaillé – de celui que j’avais fait voter à 75% des voix, le 20 septembre 2013, alors que j’assurais la présidence de Paris Métropole. Il est donc remarquable de noter la continuité de ces deux votes, alors même que les élections municipales ont assez largement rebattu les cartes entre temps. Il est tout aussi remarquable que ceux, déjà à la « manoeuvre » depuis plus de dix ans car convaincus de l’importance du fait métropolitain et désireux de lui donner consistance institutionnelle, soient encore – malgré les rodomontades de nouveaux convertis – ceux qui ont construit ce compromis, parce qu’ils portent toujours le même message d’une métropole attractive et solidaire, attractive parce que solidaire.
En réalité, les détours partisans, les refus de discussion et les mauvais procès entendus de part et d’autre nous ont fait perdre pratiquement deux ans. Le texte que nous avons voté ce 8 octobre 2014 aurait pratiquement pu être voté le 17 décembre 2012, date « noire » du constat de désaccord principalement dû à une insuffisance de maturité sur la question d’une large part des élus du territoire métropolitain. Ce constat est aussi la démonstration du principe selon lequel, dans toute construction humaine complexe, « il faut laisser du temps au temps » pour que la pédagogie et la réflexion fassent leur œuvre.
Compromis, donc. Et c’est tant mieux.
Pour autant, il faut être lucide : le travail ne fait que commencer. Tout d’abord, il faut que le Premier ministre fasse siennes les conclusions et propositions des élus émises ce mercredi et le traduise, avec son gouvernement, en texte parlementaire susceptible de réviser la loi MAPTAM. Il faut ensuite que la majorité parlementaire s’en saisisse et le vote. Ceci est possible. Mais ceci n’est pas certain, tant la proposition émanant des élus est différente par nature de la loi actuelle. Il faut enfin que tous les acteurs soient parfaitement conscients de ce qui a été réellement voté. Car le diable est souvent dans les détails …
Ainsi, du périmètre. Celui-ci n’est manifestement pas adapté au « fait métropolitain » que nous appréhendons, et qui concerne davantage l’aire urbaine, celle qui est en quelque sorte « visible » de l’extérieur et en sert l’attractivité. Ainsi, par exemple, les aéroports n’en font pas partie, pas davantage que les villes nouvelles, qui sont en revanche incluses dans le périmètre de Paris Métropole et des contrats de développement territorial de la loi Grand Paris. Il est donc essentiel que le périmètre puisse évoluer rapidement, sans pour autant qu’il soit nécessaire de modifier la loi. La nouvelle MGP doit donc se voir dotée d’une procédure d’extension commode de son périmètre.
Ainsi, des moyens financiers. Les garanties de ressources accompagnant chaque transfert de compétence entre la MGP, les territoires et les communes, ainsi que la spécialisation fiscale décidée, font que les ressources propres de la MGP – après compensations des transferts - consisteront pour l’essentiel en la croissance du produit annuel de la CVAE, auquel il faut ajouter une partie d’une encore hypothétique dotation globale de fonctionnement supplémentaire (mais qui serait pour partie payée par les communes …), qui pourrait résulter de l’ « intercommunalisation » de communes jusqu’à maintenant isolées (dont Paris), dont il faut retrancher tout ou partie de la progression – rapide ces prochaines années – des cotisations au fonds de péréquation intercommunal national (FPIC), dont l’agglomération parisienne assure environ la moitié de l’alimentation … Selon une formule bien connue, la MGP « partage l’avenir, mais pas le passé ». Résultat, les ressources propres de la MGP – y compris le fonds d’investissement - ne dépasseront pas quelques dizaines de millions d’euros. Il ne faut donc pas se faire d’illusion sur sa capacité financière à agir, notamment en terme de levier d’investissement sur les territoires les plus fragiles, et qui dépendra pour l’essentiel de la croissance économique.
Ainsi, des compétences. Même si la MGP se voit dotée de compétences « stratégiques », elle n’entrera pas en opérationnalité rapidement. Le temps d’élaboration des schémas et du SCOT métropolitain sera nécessairement long, surtout si l’on souhaite sur ces sujets parfois complexes et politiquement délicats obtenir une large adhésion en particulier des communes. En outre, l’association, nécessaire et souhaitable, des partenaires économiques, sociaux, associatifs et citoyens à la démarche sera un facteur d’enrichissement des réflexions, mais prendra naturellement du temps. Enfin, il faudra – et ce ne sera pas nécessairement le plus simple – trouver le bon partenariat avec la grande couronne et, naturellement, la région Ile-de-France.
Périmètre, finances, compétences : des sujets essentiels que nous avons traité dans leur principe, mais pour lesquels il reste un travail considérable. D’où l’idée de « progressivité » de la démarche, et le souhait aussi que ceux qui se sont investis depuis des mois continuent à le faire, en privilégiant maintenant les aspects opérationnels sur les postures politiques et institutionnelles. Rappelons que les métropoles de province, comme Lyon, sur un périmètre beaucoup plus restreint, se construisent sur l’acquis de près de 50 années de culture et de démarche intercommunale. Chez nous, parler de « grand Paris » il y a dix ans était incongru.
Finalement, la MGP version 8 octobre, c’est le syndicat mixte Paris Métropole en symboliquement plus puissant, en territorialement plus restreint. Mais son institutionnalisation lui donnera une voix qui portera bien davantage que son poids financier ou que ses pouvoirs propres. En ces temps où la communication est reine – parfois de manière exagérée -, c’est quand même une bonne nouvelle !