7 Octobre 2014
| Cessez-le-feu en vue entre élus franciliens dans la bataille du Grand Paris. Les élus de droite et de gauche sont en passe de trouver un accord sur un texte qu'ils devraient transmettre, mercredi 8 octobre, au premier ministre, Manuel Valls. Ils proposent de nouvelles règles du jeu financières et fiscales pour la future métropole du Grand Paris (MGP). Leur scénario dynamite le schéma défendu par le gouvernement et voté au Parlement en janvier. Le projet de l'exécutif de créer une métropole de 6,7 millions d'habitants qui rivalise avec le Grand Londres est enlisé depuis des mois. Les élus locaux sont favorables au principe, mais farouchement opposés à l'article 12 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) de janvier qui organise les compétences et le financement de la MGP. Ils s'opposent à la " confiscation ", selon eux, de leur pouvoir fiscal et d'une partie de leurs compétences. Face aux critiques des élus locaux, M. Valls leur a demandé de faire une proposition de réforme de la loi. Soucieux de sortir du blocage, le gouvernement a pris le risque de devoir renoncer aux objectifs de solidarité financière qu'il s'est jusqu'ici fait fort d'imposer pour construire un Grand Paris " solidaire ", selon Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale et ex-patron de la Seine-Saint-Denis, farouche défenseur de la loi Maptam. La loi a conçu la métropole comme un outil de réduction des inégalités de richesses entre territoires au sein de l'agglomération parisienne. Elle a prévu que toute la fiscalité économique perçue par les communes et les intercommunalités soit directement versée à la métropole. A terme, ce panier a vocation à avoir un taux unique sur le périmètre métropolitain qui serait la moyenne des niveaux de fiscalité actuels. Cette ambition d'harmonisation fiscale se ferait au détriment des Hauts-de-Seine et de Paris, qui pratiquent des taux beaucoup moins élevés que le Val-de-Marne ou la Seine-Saint-Denis. Fonds d'investissementLe patron (UMP) des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, et la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, qui s'est engagée à ne pas augmenter les impôts pendant son mandat, ont donc un intérêt convergent à s'opposer à la loi. Avec une dizaine d'autres grands élus parisiens UMP, UDI, PS, PCF, EELV, ils ont finalisé, le 2 octobre, un projet de révision de l'article 12. Le document de sept pages propose de rendre aux collectivités une part de leur pouvoir fiscal : la cotisation foncière des entreprises ne serait pas transférée à la métropole mais versée directement aux " territoires " qui la composent. Ces territoires qui doivent, selon la loi, avoir 300 000 habitants au moins devraient, selon les élus, avoir le pouvoir de lever et de fixer l'impôt que la loi Maptam leur refuse. Majoritaire depuis les municipales dans le périmètre de la future MGP, les élus UMP et l'UDI ont réussi à imposer au PS un autre recul : le texte demande le retrait dans la loi du projet de création du plan local d'urbanisme métropolitain, instrument qui oblige les édiles à construire davantage de logements sociaux. Soucieux d'obtenir un accord large avec la gauche pour contraindre Matignon à prendre en compte le contre-texte des élus, M. Devedjian a accepté des concessions : le document propose la création d'un fonds d'investissement métropolitain pour aider les maires à bâtir. Mme Hidalgo qualifie ce texte de " compromis historique entre droite et gauche qui permettra à la métropole de voir le jour le 1er janvier 2016 ". Rares sont les voix discordantes au PS et au PCF, mais le consensus est fragile. Des élus PS de Seine-Saint-Denis voient dans ce texte le fruit d'" arrangements entre élus mus par leur égoïsme territorial ". " On va vers une métropole molle avec une droite dure qui va pouvoir se payer le luxe de la diriger ", dégaine Stéphane Troussel, patron (PS) de la Seine-Saint-Denis. Mardi 7 octobre, les 55 élus du comité de pilotage de la mission de préfiguration de la métropole devaient examiner le texte. " Je présenterai, à cette occasion, des amendements mais je n'en ferai pas un casus belli ", confiait lundi 6 octobre au Monde, M. Devedjian. En revanche, Nathalie Kosciusko-Morizet, chef de file de la droite parisienne, n'excluait pas de dénoncer l'accord s'il n'était pas amendé. " Le texte soumis au comité de pilotage ne reprend qu'une partie des points d'accord entre nous. Il ne prévoit pas que la métropole puisse avoir un droit de regard sur les transports ni que son périmètre soit élargi aux secteurs de Saclay ou des aéroports ", déplore-t-elle. " NKM critique l'accord par peur qu'Hidalgo puisse s'en attribuer le mérite ", réplique l'entourage de la maire de Paris. Mercredi, les 226 élus franciliens réunis au sein de la mission de préfiguration de la MGP se prononceront par vote sur le texte qui sera transmis au premier ministre. M. Valls devrait leur répondre lors du comité interministériel sur le Grand Paris, le 13 octobre. Si la convergence entre élus est possible, de nouvelles hostilités avec le gouvernement ne sont pas à exclure. Béatrice Jérôme © Le Monde |