26 Novembre 2009
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au Grand Paris (nos 1961, 2068, 2013, 2008).
La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d’un temps attribué aux groupes de 25 heures.
Chacun des groupes dispose du temps de parole suivant : Pour le groupe UMP, 7 heures 05 ; pour le groupe SRC, 9 heures 50 ; pour le groupe GDR, 4 heures 45 ; pour le groupe du Nouveau centre 3 heures 20. Les députés non inscrits disposent de 40 minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée du temps du groupe de l’orateur.
Les temps qui figurent sur la feuille jaune ne sont en tout état de cause qu’indicatifs.
M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour un rappel au règlement.
Mme Annick Lepetit. Fondé, monsieur le président, sur l’article 58, alinéa premier.
Nous avons découvert cet après-midi, par une dépêche de l’AFP, que vous-même et le président du groupe UMP, Jean-François Copé, avez demandé aujourd’hui même que le Gouvernement lève l’urgence sur l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Les parlementaires de l’opposition, et sans doute toute l’Assemblée, souhaitent avoir des éclaircissements. Vous avez, monsieur le président, d’une certaine manière répondu à l’annonce de l’urgence faite par le Gouvernement. Je souhaite donc interroger le secrétaire d’État pour savoir, avant même d’entamer l’examen du projet de loi, quel va être le calendrier, si l’urgence est déclarée ou non sur ce texte, et si c’est le cas, pourquoi l’urgence est ainsi déclarée au dernier moment. Elle ne l’était pas lorsque nous avons entendu le ministre, débattu et examiné les nombreux amendements en commission.
Tout à l’heure, lors de la réunion de la commission du développement durable pour examiner les amendements, j’ai interrogé son président, Christian Jacob. Il m’a donné son point de vue. Je souhaite maintenant interroger le Gouvernement.
M. le président. Je m’apprêtais à donner la parole à M. le secrétaire d’État au moment où vous l’avez demandée pour ce rappel au règlement, qui entre tout à fait dans le cadre de nos débats. Je pense que M. le secrétaire d’État aura plaisir à répondre à cette question importante, sur laquelle j’ai moi-même adressé une lettre à M. le Premier ministre.
La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale.
M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est exact que le Premier ministre a demandé que la procédure accélérée soit appliquée à l’examen de ce projet de loi.
Quant au fond, je crois savoir que la demande a été formulée par le Sénat.
M. Jean-Marie Le Guen. On est tout de même sous la Ve République !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Je parle du fond. Le Sénat, semble-t-il pour un problème de calendrier au premier semestre, aura des difficultés à organiser un, voire deux débats. Etant donné l’importance attachée par le Gouvernement à ce projet de loi et la nécessité de pouvoir lancer un certain nombre de procédures et en particulier la consultation du débat public dans les délais les meilleurs, cette procédure a été demandée. Voilà ce que je peux vous dire à ce sujet.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons accepter que l’une des deux assemblées dicte sa loi au Gouvernement sur une décision qui ne relève que de lui. La moindre des choses aurait été que les deux assemblées soient consultées. En l’occurrence, c’est pour cette raison que j’ai écrit à M. le Premier ministre, après m’en être entretenu avec lui, afin qu’il sursoie à la convocation de la CMP jusqu’à ce que nos deux assemblées aient trouvé une position suffisamment rapprochée. C’est de cette façon que nous entendons légiférer dans les meilleures conditions.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Puis-je intervenir également, monsieur le président ?
M. le président. Pour tout dire, monsieur le secrétaire d’État, je pensais que vous alliez répondre en introduction à votre discours. Mais vous avez choisi une autre façon de le faire.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il me semble judicieux que nous ayons ce débat préalable.
En premier lieu, nous vous remercions, monsieur le président, d’avoir rappelé ces éléments fondamentaux auxquels tous les députés sont attachés. Votre qualité donne plus de poids à cette observation.
Sur le fond se pose un problème dont la solution est d’une certaine manière de nature à modifier le cours de ce débat. En déclarant l’urgence, le Gouvernement laisse planer sur nos travaux un élément aléatoire : à la fin de la lecture au Sénat, il peut demander la réunion de la CMP ou ne pas le faire. Or chacun ici a assez d’expérience pour savoir qu’un débat n’est pas conduit de la même manière quand il est possible de résoudre des difficultés, de prévoir des précisions au moment de la deuxième lecture, ou quand cette possibilité n’existe pas. Et ne pas l’avoir c’est une chose, mais rester dans l’incertitude à ce sujet c’est plus grave, sur tous les textes sans doute, mais plus encore sur ce texte qui concerne le Grand Paris. Le Gouvernement et M. Blanc nous délivrent un message qui compte en nous disant que l’Assemblée ne pourra consacrer qu’une lecture à l’examen de ce texte et que nous laisserons une CMP trancher sur les points en débat.
Monsieur le président, nous souhaitons que vous puissiez obtenir du Gouvernement le retrait de la procédure d’urgence car il nous paraît inacceptable qu’un tel doute subsiste pendant tout le temps que nous allons consacrer à l’examen de ce texte. Je vous en remercie par avance au nom de mon groupe.
M. le président. La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale.
M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de remercier les présidents des commissions du développement durable, des affaires économiques et des lois, MM. Jacob, Ollier et Warsmann, ainsi que les rapporteurs, MM. Albarello et Bénisti. Je voudrais tout particulièrement remercier Yves Albarello, rapporteur au fond, pour son engagement dans l’amélioration du texte.
Je voudrais également remercier les députés membres des différentes commissions, qui, quelle que soit leur appartenance, ont participé de façon constructive à l’élaboration de ce projet important pour le pays.
Siècle après siècle, Paris a conquis puis conservé une place d’exception dans le monde. La seule question que nous devons aujourd’hui nous poser est : voulons-nous que cela soit encore le cas demain ? Voulons-nous que Paris soit encore, comme l’écrivait Michelet, « le grand carrefour des routes des nations » et « le congrès permanent des âges et des peuples » ?
Voulons-nous attirer les talents et les inventeurs de demain et continuer à écrire notre histoire ? Voulons-nous que Paris soit une capitale mondiale de l’art de vivre ? Voulons-nous que Paris compte encore sur l’échiquier politique et économique mondial, mais aussi parmi les acteurs décisifs du monde scientifique, artistique, intellectuel ? Voulons-nous que le Grand Paris soit une « ville-monde » du XXIe siècle ?
Quand nous parlons du Grand Paris, nous entendons la France. Quand le Président de la République, Nicolas Sarkozy, décide de créer le Grand Paris, d’en libérer les potentiels, il s’agit d’un choix stratégique pour toute la nation.
Le Grand Paris, c’est le rayonnement de la France vers le monde, c’est une source d’attractivité pour le monde. Le Grand Paris, c’est une ville-monde pour la France.
Cette idée de ville-monde, l’historien Fernand Braudel nous l’a léguée. Que sont ces villes ?
Ce sont, à toutes les époques, les phares de l’innovation et de la création. Ce sont les puissances économiques, financières, décisionnelles, mais aussi scientifiques, technologiques et culturelles de leur époque.
Les villes-monde, ce sont les centres névralgiques mondiaux et les carrefours de voyageurs, d’idées nouvelles et d’excellences de tous ordres.
Les villes-monde, comme à la transition du Moyen-Âge vers la Renaissance, décrite par Braudel, ce sont les moteurs toujours en mouvement de la croissance.
Hier, les cités de la Hanse, Venise ou Anvers ; aujourd’hui Londres, New York, Tokyo et Paris. Et toujours, entre ces villes, règne une concurrence incessante, qui oblige à rivaliser d’excellence pour continuer à compter. Aujourd’hui, déjà, Shanghai et Bombay nous talonnent.
Hier, les villes des foires de Champagne, vers lesquelles convergeaient les étoffes du Nord et les épices d’Italie, donnaient déjà à Paris le statut d’une ville-monde, en dotant ce cœur de la France d’un incomparable rayonnement politique, économique, mais aussi intellectuel avec la Sorbonne, et artistique et spirituel, avec les cathédrales gothiques, qui témoignent encore de ce moment d’exception.
Aujourd’hui, les mécanismes sont les mêmes, à l’échelle plus vaste du monde globalisé : les villes-monde, en réseau avec d’autres villes-métropoles, forment des économies-monde.
Au-delà de ses portes que sont, aujourd’hui, ses gares TGV, ses aéroports internationaux et sa façade maritime du Havre et de Rouen, le Grand Paris ouvre sur Chartres, Le Mans, Orléans, Amiens et Reims, et au-delà encore sur toutes les grandes métropoles du territoire français, qui, par la mise en valeur de leurs complémentarités, constitueront une économie-monde. Car une ville-monde n’est jamais seule : elle fonctionne en synergie avec le monde entier, et dans le même temps tout un archipel de métropoles régionales se développe avec elle.
Aujourd’hui comme hier, la réussite du cœur de la France sera la réussite de toute la France,
Pour porter une telle ambition, seul l’État stratège, garant du temps long, peut s’engager. Et, du reste, au-delà des clivages partisans, personne ne lui conteste cette prérogative historique. C’est aussi pour cette raison que le Président de la République a souhaité créer un secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale.
Comment, dès lors, engager l’action, devant un objectif d’une telle ampleur ? Souvenons-nous de la phrase du général de Gaulle, gagnant le Liban en 1941 : « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Nous sommes donc partis, méthodiquement, des idées les plus simples et les plus éprouvées.
En premier lieu, il s’agit de valoriser l’existant, déjà considérable. L’existant, ce sont l’attractivité mondiale de la région capitale depuis des siècles, sa situation de carrefour de transports, l’excellence de ses chercheurs, les formations de haut niveau qu’elle dispense, sa main-d’œuvre qualifiée, ses industries pharmaceutique ou de création numérique, son importance en termes d’organisation de salons, d’implantation des sièges des plus grandes entreprises mondiales, en matière de tourisme, de culture, d’art et d’industrie de luxe.
Ensuite, nous devons identifier les potentiels du Grand Paris, les développer et les ouvrir au monde, grâce, d’une part, aux portes internationales que sont Roissy, Orly, Le Bourget et les gares européennes et, d’autre part, à ces portes internationales du savoir et de l’innovation que constituent Saclay, la vallée des biotechnologies, le territoire de la création autour de La Plaine Saint-Denis, ou encore la Cité Descartes.
La troisième étape a consisté à définir des objectifs pour répondre aux insuffisances en matière de transport, de cohésion sociale – on constate des déséquilibres territoriaux flagrants –, mais aussi aux besoins de logements, et à la nécessité d’un développement économique durable. Le projet du Grand Paris fera de la banlieue, souvent négligée, son enjeu et sa chance.
Enfin, il a fallu concevoir les dispositifs techniques et juridiques qui permettront la mise en œuvre, la plus rapide possible, d’un grand projet urbain tel que les urbanistes-architectes l’ont imaginé lors de la consultation internationale ; tout en sachant que les grandes mutations urbaines dans l’histoire ont toujours été le fruit de l’expansion économique.
À partir de ces balises, nous avons conçu un projet de loi qui repose sur trois piliers fondamentaux constituant son socle : le développement des territoires économiques et urbains, la question des transports et de leur interconnection, enfin les sciences et l’innovation. Dans le texte qui vous est soumis, nous vous proposons les outils qui nous permettront de réaliser progressivement cette ambition.
Tout d’abord, il s’agit des contrats de développement territorial.
J’ai beaucoup lu et beaucoup entendu à propos du prétendu « jacobinisme» de ce projet de loi,…
M. François Brottes. Si peu !
M. Christophe Caresche. C’était justifié !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. … ou de la « recentralisation » qu’il serait censé organiser.
M. François Brottes. C’est un euphémisme !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Or c’est pour tous d’une évidence : au xxie siècle, quand il s’agit de développer ou de remodeler la ville, rien d’ambitieux ne peut être fait sans la volonté des communes.
Ainsi, le projet de loi repose bien sur l’affirmation d’un partenariat contractuel, encore inédit en droit français, entre l’État stratège et les communes, qui sont les premiers acteurs du développement des territoires.
Ensemble, ils s’accorderont sur les modèles de développement économique, la politique foncière, mais aussi sur l’urbanisme, le nombre et le type de logements nécessaires. Ils imagineront les réponses les plus fécondes aux problèmes de mixité sociale et de mixité fonctionnelle, et ils permettront d’accueillir, dans un même élan, les transports, l’activité économique, le logement, la formation et la culture là où ils ne coexistent pas.
Pour atteindre ces objectifs, l’État mettra à la disposition des communes ses propres outils d’aménagement : les ZAD, ou zones d’aménagement différé, et les PIG, les projets d’intérêt général.
Contrairement à ce qui s’est dit, rien, absolument rien, n’est retiré aux communes qui signeraient un contrat de développement territorial, bien au contraire.
À titre d’exemple, et pour reprendre le plus polémique des arguments utilisés, rappelons qu’aujourd’hui l’État peut instituer un droit de préemption sur le territoire d’une commune même si celle-ci le refuse. Dans le cadre des contrats créés par ce projet de loi, la commune et l’État décideront ensemble des modalités de l’institution d’un tel droit, et elles s’entendront aussi sur ses bénéficiaires, qui pourront être la commune elle-même.
Ces contrats de développement territorial autoriseront le développement d’un urbanisme partant du projet. Cela permettra immédiatement d’éprouver l’imagination et l’action des dix équipes d’architectes-urbanistes, ou d’autres, invitées à imaginer la ville-monde post-Kyoto voulue par le Président de la République.
Ensuite, ce projet de loi permet aussi la création rapide d’un nouveau réseau de transports, interconnecté tant avec les portes internationales de la région capitale qu’avec le réseau régional existant.
Une fois encore, je ne peux pas oublier comment Paris a été transformé au XIXe siècle : cela s’est fait en traçant des lignes de transports régulières entre les gares, en amenuisant les distances entre les différents quartiers de la capitale, en la transformant en un centre attractif international moderne, et en améliorant le quotidien des Parisiens. À la fin du XIXe siècle, le réseau du métro, accouché au milieu de tant de combats politiques et de retards par rapport aux autres métropoles de l’époque, a été une nouvelle étape dans cette révolution urbaine. À côté des lignes d’omnibus, il a offert la rapidité et l’efficacité d’un nouveau réseau de transport. Selon la belle expression de l’écrivain allemand Walter Benjamin, Paris a été la « capitale du XIXe siècle ». Il s’agit aujourd’hui qu’elle soit capitale du XXIe siècle et, une fois encore, les transports seront la bataille décisive.
Nous devons donc construire un nouveau réseau de transports, de manière efficace et rapide. Ce dernier répond en effet à une nécessité économique et urbaine, et à un impératif de cohésion sociale.
Que voyons-nous aujourd’hui ? Un réseau public régional de transport saturé et des passagers en souffrance. Le maillage radioconcentrique ne correspond pas toujours ni aux flux de circulation, qui aujourd’hui, pour 70 %, se font de banlieue à banlieue, ni aux horaires de travail. Pouvons-nous continuer de l’ignorer ?
Nous savons bien que la région et le STIF, dans leurs compétences que ce projet de loi respecte pleinement, portent un « plan de mobilisation » censé donner des réponses ponctuelles à ces difficultés. L’État, comme l’a annoncé le Président de la République, tiendra les engagements pris auprès de la région dans le cadre du contrat de projet État-région. Mais n’opposons pas la réponse à donner aux urgences d’aujourd’hui et les nécessités de demain.
Quand l’État prend ses responsabilités en réalisant un futur réseau de métro automatique rapide, interconnecté au réseau existant, il répond à un double enjeu.
En effet, ce réseau structurera le Grand Paris en reliant à la fois les aéroports, les centres urbains et des pôles économiques, universitaires et stratégiques. Ainsi, il le rendra plus dynamique et plus attractif : c’est là sa mission d’intérêt national. Par ailleurs, il permettra de répondre aux urgences quotidiennes de la région capitale de manière rapide et efficace. Après le métropolitain et le RER, ce métro automatique de grande capacité, sillonnant la région capitale sur cent trente kilomètres, constituera la troisième génération de transports parisiens. À son achèvement, dans treize ans, il pourra transporter trois millions de passagers par jour, soit autant que le réseau actuel du métro.
Que peuvent penser des arguments présentés par les détracteurs des tracés indicatifs du réseau de métro automatique les habitants de Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Sevran, Saint-Ouen, Créteil, Vitry, Versailles, Boulogne, Nanterre, ou ceux de Paris ? Encore n’ai-je cité que quelques exemples parmi les communes concernées ; la liste complète serait beaucoup plus longue.
Est-ce vraiment là un réseau conçu uniquement pour relier seulement des pôles de développement économique ?
C’est également pourquoi le projet de loi prévoit des procédures qui permettront à l’État de réaliser rapidement ce réseau, et cela dans le plein respect des exigences de la démocratie locale.
À la charnière la plus concrète du réseau de transports et des territoires, il y a le défi de l’interconnection et des gares. Ce réseau doit être interconnecté à la fois à l’international et au réseau existant ou à créer, et ses gares doivent être des lieux d’intermodalité efficace. Elles seront, comme les organes vitaux qu’elles représentent dans le nouveau réseau, des lieux d’échange vivants, agréables et sûrs.
Le développement des territoires, les transports, l’interconnexion sont les éléments structurants d’une action qui va se dérouler dans le temps et dont la cohérence, je le répète, est essentielle.
Devant ce projet d’échelle inédite, il faut un maître d’ouvrage adéquat, garant du temps long, qui sera le partenaire privilégié des collectivités. Il doit être capable de garantir la parfaite efficacité d’une consultation du public qui touchera potentiellement neuf millions de citoyens. Il doit être capable de réaliser les gares d’interconnection avec le réseau existant et d’accompagner les projets de territoires liés à ces gares.
M. Pierre Gosnat. Mais vous êtes en train de parler du STIF !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. C’est pour cette raison que le projet de loi propose la création d’un outil spécifique, l’établissement public appelé Société du Grand Paris, qui nous est apparu comme le plus efficace pour accomplir ce vaste projet.
À de nombreuses reprises dans notre histoire, l’État a engagé la France dans des projets audacieux, dans lesquels s’est pleinement exprimé le génie français. Cela a été vrai pour le remodelage de Paris au XIXe siècle, pour le développement de l’énergie nucléaire, et pour le TGV, il y a déjà plusieurs décennies. Chacun de ces projets a pu devenir réalité parce qu’ont été mises en place des équipes dédiées d’hommes et de femmes capables de relever ces défis. Pour relever le nouveau défi qu’est la réalisation, en moins de quinze ans, du réseau du Grand Paris, il n’y a aucune raison de ne pas procéder comme nos aînés.
Là où il nous faut prendre plus de distance avec certains de ces illustres aînés, c’est sur ces questions simples : peut-on créer des transports sans repenser la ville en même temps, et peut-on remodeler la ville en faisant abstraction des transports ? Les architectes-urbanistes qui, pendant des mois, se sont penchés sur l’avenir possible du Grand Paris, répondent unanimement par la négative à cette double question. Ville et transports doivent se bâtir ensemble, et il s’agit de les penser et de se donner les moyens de les réaliser de manière concomitante.
Comme nous l’ont fait observer les architectes-urbanistes, avec le projet de loi du Grand Paris, pour la première fois dans notre histoire, un schéma de transports et le développement des territoires qu’il dessert vont être conçus simultanément.
C’est pourquoi le projet qui vous est soumis crée un établissement public dédié, la Société du Grand Paris, au conseil de surveillance duquel siégeront des représentants de l’État, de la région Île-de-France et de chaque département, ainsi que d’un représentant des communes ou intercommunalités.
M. Pierre Gosnat. Combien de représentants ?
M. Renaud Muselier. Nous en discuterons plus tard !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Il lui donne deux pieds, deux missions – une relative au transport, l’autre à l’aménagement – quand certains préféreraient créer un monstre à une seule jambe et à deux têtes.
Regardons un instant ensemble ce dont il est au juste question, si vous le voulez bien.
En premier lieu, en ce qui concerne les transports, que fera au juste la Société du Grand Paris ?
Dès sa constitution, elle va élaborer un schéma de transport et préparer le dossier de débat public lui correspondant. Elle va écouter les avis exprimés par les citoyens lors de ce débat et prendre en compte les avis demandés à toutes les collectivités territoriales d’Île-de-France. Puis elle va faire évoluer ce schéma pour tenir compte de l’ensemble de ces suggestions et avis. Le tracé définitif et l’emplacement des gares feront alors l’objet d’un décret pris en Conseil d’État.
Passée cette première année, la Société du Grand Paris va s’assurer de la réalisation de ce schéma : elle rédigera les cahiers des charges, lancera les consultations, notifiera les marchés, vérifiera la bonne réalisation des prestations, conduira les procédures administratives.
En second lieu, qu’en est-il en ce qui concerne l’aménagement ?
Beaucoup de fausses idées circulent au sujet de la Société du Grand Paris, comme si le texte examiné aujourd’hui en était resté à sa version primitive, avant la concertation que j’ai menée avec les élus.
Or, je tiens à le rappeler ici, cette concertation, depuis le mois d’août, a été importante et elle m’a amené à faire évoluer sur ce point le projet de loi, en plein accord avec le Premier ministre.
Dans l’exaltation du débat des prochaines élections régionales, j’ai entendu certains manier des chiffres pour le moins surprenants : 37 000 hectares seraient préemptés au profit de la Société du Grand Paris ! Il est curieux de voir les mêmes affirmer que le projet de loi du Grand Paris, rétréci par rapport aux ambitions annoncées le 29 avril dernier par le Président de la République, est ramené à un seul réseau de métro, et que ceci les entraîne à demander – nous le verrons plus tard – la modification de l’intitulé du texte. Alors, mesdames, messieurs les députés, choisissez : mais pas tout et son contraire.
Plutôt que de faire référence à des chiffres obtenus on ne sait comment, regardons ce que dit le texte. À l’article 7, il est écrit que la Société du Grand Paris pourra conduire des opérations d’aménagement là où elle dispose d’un droit de préemption. Et plus loin, à l’article 18, que les contrats de développement territorial définissent les zones d’aménagement différé. On pourrait ajouter qu’ils définissent les bénéficiaires des droits de préemption ainsi institués. Ces bénéficiaires peuvent être la Société du Grand Paris, un établissement d’aménagement, ou encore les communes elles-mêmes.
Concrètement qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que la Société du Grand Paris pourra être aménageur là où les communes et l’État auront décidé ensemble, par contrat, des modalités de son intervention.
La compétence d’aménagement de la Société du Grand Paris est donc une compétence encadrée par les termes du contrat qui lie les maires et l’État. Le pouvoir des maires sur les opérations qui les concernent directement s’exerce donc au travers des contrats, qu’ils sont libres de signer ou non.
Enfin, le projet du Grand Paris, porte aussi en son cœur le savoir et l’innovation avec l’élan nouveau que nous voulons donner au territoire de Saclay.
Nous entrons dans un siècle qui sera, plus que les précédents, marqué par la fluidité et la rapidité : fluidité et rapidité des transports, des communications, de l’innovation.
La gageure, pour nos sociétés modernes, est immense : il s’agit de mobiliser toutes nos forces et de libérer toutes nos énergies pour être disponibles et nous adapter constamment. La nouvelle économie de la connaissance signifie, pour nous, être perpétuellement à la pointe de l’innovation dans les technologies nouvelles. Nous devons mener un combat stratégique dans le domaine des TIC, des nanotechnologies, des biotechnologies. Et la clé d’une innovation pleinement efficace est le lien entre la recherche scientifique, la formation universitaire et le monde de l’entreprise. C’est tout l’enjeu des dispositions concernant le territoire de Saclay.
Dans l’histoire de la région capitale et de la France, Saclay occupe une place singulière : au XVIIe siècle, ce territoire, qui compte parmi les terres agricoles les plus riches du pays, a été drainé, au prix d’innovations techniques remarquables pour l’époque, afin d’alimenter Versailles.
Aujourd’hui, Saclay est riche d’un potentiel d’excellence scientifique, universitaire et industriel incomparable, auquel il s’agit de donner plus de dynamisme. Saclay concentre 10 % de la recherche publique française, soit 17 000 chercheurs, 10 % de la recherche-développement privée française, soit 20 000 personnes, et plus de 47 000 étudiants, en sciences dures, mais aussi en médecine, en droit, en management. Ce ne sont pas des chiffres, ce sont des talents et des espoirs. Nous avons le devoir de leur donner les meilleures conditions de vie et de travail, parce qu’ils sont, avec beaucoup d’autres, l’avenir de la France.
Nous devons y attirer encore plus de nouveaux talents : nous y construirons le campus du XXIe siècle, qui sera moderne, écologique et humain. Il constituera l’articulation vivante du monde académique avec le monde économique. Nous y favoriserons l’implantation de davantage de jeunes entreprises innovantes.
Pour autant, la concentration des talents dans chaque domaine ne suffit pas : encore faut-il que le territoire où ils vivent et travaillent soit favorable à leur travail en commun. Les institutions et les entreprises doivent y être en synergie entre elles, et avec le reste du territoire régional, national et international.
C’est d’ailleurs pour partie déjà le cas. En matière de nanotechnologies, Saclay est articulé avec les autres centres du réseau Nano-INNOV de Toulouse et de Grenoble ; le futur regroupement des sites franciliens d’AgroParisTech sera un moteur mondialement visible, en réseau avec les pôles régionaux. En informatique, l’INRIA collabore déjà avec Grenoble et Rennes.
Les travaux du Prix Nobel 2007, le professeur Albert Fert, et de ses équipes à l’université Paris-Sud, au sein de l’unité mixte de recherche CNRS-Thales, ou ceux des équipes du professeur Patrick Couvreur en matière de nano-médicaments, sont deux exemples des collaborations internationales qui donnent un rayonnement mondial aux établissements du plateau de Saclay. Ces collaborations et ces complémentarités sortiront renforcées du projet du Grand Paris.
Le projet de loi réaffirme aussi la protection de l’activité agricole, des espaces naturels, agricoles et forestiers, ainsi que la pérennité du patrimoine hydraulique de ce territoire exceptionnel.
Là encore, il nous faut une structure adéquate pour piloter, à sa juste mesure et avec une pleine efficacité, ce projet essentiel d’intérêt national : ce sera l’établissement public scientifique et technologique de Paris-Saclay.
Pour signifier toute son ambition, son conseil d’administration sera composé de représentants de l’État, d’élus représentants des collectivités locales, de personnalités du monde académique, scientifique, et du monde de l’entreprise. Il sera secondé d’un comité consultatif formé de personnalités représentatives du mouvement associatif, des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires, des organisations syndicales, ainsi que des associations agréées dans le domaine de l’environnement.
Oui, décidément, Saclay est emblématique de l’alliance de la technologie et de la richesse agricole, forestière et paysagère, du passé, du présent et de l’avenir de la région capitale. Et il montre que, sous des visages très divers, en imaginant cette ville-monde, ce moteur de croissance, cette capitale du XXIe siècle, c’est l’histoire de notre pays que nous continuons à écrire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis Shanghai ou Los Angeles, aux yeux des étrangers, la question du Grand Paris ne se pose déjà plus. Ils sont en avance sur la réalité, comme le sont les idées qui transforment le monde. Regardons notre pays avec leurs yeux, car leur regard est celui du monde en marche.
Un jour sans doute, la question de la gouvernance du Grand Paris sera à l’ordre du jour : nous n’en sommes pas là. Nous avons aujourd’hui entre les mains les moyens de réaliser une ville-monde compétitive et attractive qui soit un phare de croissance, d’innovation et de création artistique et intellectuelle au XXIe siècle.
Notre défi est celui de l’ambition et de la confiance. Je sais qu’il est plus facile de réaliser de vastes projets de développement urbain en temps de prospérité et d’expansion économique. Les projets colossaux et volontaristes du Grand Shanghai ou de São Paulo, auxquels participent nos meilleurs architectes, nous le rappellent. Toutefois, nous avons le devoir d’entreprendre, en regardant au-delà de la crise actuelle. C’est de l’avenir de notre pays que nous parlons aujourd’hui.
En lançant le Grand Paris, le Président de la République a rappelé, le 29 avril dernier : « Le Grand Paris, c’est un projet qui ne peut réussir que s’il est partagé par tous ».
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous propose de saisir aujourd’hui l’élan créé par ce projet historique et d’apposer ensemble notre signature à son acte de naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte soumis à notre examen aujourd’hui est intitulé : « projet de loi relatif au Grand Paris ». Ce libellé peut paraître réducteur. En réalité, il n’en est rien.
Il ne s’agit pas du tout de mettre en cause le statut de la ville de Paris fixé de 1975 à 1983. Il ne s’agit pas non plus de modifier celui de la région Île-de-France, dont les structures remontent à 1976, avec, depuis, le transfert à la région de la responsabilité des transports collectifs urbains dans le cadre du STIF. Non, il s’agit de tout autre chose.
Le Grand Paris, c’est d’abord une immense ambition nationale, une mobilisation pour toute la France à travers un exceptionnel projet de développement à la mesure du XXIe siècle, de ses enjeux, de la compétition internationale à laquelle notre pays se trouve confronté, et de la place que le Président de la République entend lui conférer à travers un rayonnement mondial amplifié et accéléré.
Voilà ce qu’est le Grand Paris. C’est la valorisation intelligente, dans l’intérêt de tous les Français, de l’extraordinaire potentiel que possède, autour de la ville lumière que nous aimons profondément et dont nous sommes fiers, la région capitale qui est la locomotive du TGV national lancé à la conquête d’un prix d’excellence parmi les grandes nations de ce monde.
Cette valorisation passe par la réalisation d’une grande opération d’intérêt national.
Depuis un demi-siècle, notre pays a connu plusieurs de ces opérations qui nous ont permis de faire face aux adaptations exigées par le monde moderne. Ainsi, tant en Île-de-France qu’en province, de grands chantiers, variés, et de grandes opérations furent lancés : les ports, les plateformes aéroportuaires, les zones d’industrialisation ou de conversion industrielle et les zones d’aménagement, les villes nouvelles, les grands quartiers d’activités comme La Défense ou Lyon La Part-Dieu, les autoroutes, les TGV, etc. Bref, les années 1960 à 1990 furent l’époque d’un engagement de toute la France en faveur de projets bénéfiques pour tous, sans considération du lieu de leur réalisation.
Nous avons tous vibré et nous fûmes fiers lorsque Grenoble puis la Savoie reçurent ces formidables coups d’accélérateur que furent les Jeux Olympiques d’hiver. Inversement, nous avons tous pleuré l’échec de la candidature de Paris malgré les efforts conjoints de Jacques Chirac et de Bertrand Delanoë, unis vers l’obtention d’un résultat positif tant espéré dans un effort commun.
Car une opération exemplaire d’intérêt national a pour caractéristique majeure de fédérer toutes les volontés et toutes les énergies, par delà les idéologies et les clivages, afin d’atteindre le but poursuivi.
M. Christophe Caresche. C’est beau !
M. Yves Albarello, rapporteur. Le Grand Paris, c’est un vrai pari pour la France : celle qui a toujours su relever la tête dans les moments difficiles, celle qui gagne dans le concert des nations quand elle croit en elle-même, celle qui ne renonce jamais face à la difficulté,
Voilà à quoi nous appelle le Président, avec toute la vigueur que nous lui connaissons.
Depuis plus de vingt ans maintenant, nous vivions sur l’acquis des dernières grandes opérations d’intérêt national des années 1970 à 1980. Parallèlement, des réformes administratives très importantes avaient reconnu aux collectivités territoriales, accrues de la création des régions, des attributions et responsabilités de plus en plus importantes. On pouvait croire alors que le temps des grandes opérations structurantes était révolu.
On pouvait d’autant plus l’imaginer que, dans le même temps, le statut de la capitale et de ses voisins avait été modifié en prenant le contre-pied d’une évolution naturelle multiséculaire consistant à reculer périodiquement les limites géographiques et administratives de Paris.
C’est ainsi que la disparition du département de la Seine, accompagnée du cantonnement de Paris dans les limites haussmanniennes de 1860, a eu pour conséquence l’affaiblissement de la solidarité dans un destin commun unissant alors Paris et ses riverains. Cela a conduit la capitale à subir un relatif isolement et à se priver de certaines potentialités.
Reconnaissons toutefois, objectivement, les efforts consentis par les maires successifs de Paris, depuis 1977, pour rompre cette improductive barrière du repli.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les maires successifs ? Surtout le dernier !
M. Yves Albarello, rapporteur. Mais il faut aller beaucoup plus loin. C’est à cela que le Président, le Gouvernement et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, vous nous conviez avec ardeur. Tout le monde reconnaît qu’un Grand Paris est indispensable, car c’est la France tout entière, et pas seulement les Franciliens, qui en a besoin.
Et puis, pourrait-on pardonner le gâchis qui résulterait de la perte de cette chance pour la France qu’offre le Grand Paris ? Non évidemment. Alors, il faut faire le Grand Paris.
Mais quel Grand Paris ? Et comment ? Géographique, administratif, économique ? Et par quel bout commencer ? Tout le débat est là.
Au lendemain de la guerre, lorsque la nécessité apparut de construire l'Europe sur les ruines laissées par l'effroyable conflit, les mêmes interrogations s'exprimaient vis-à-vis de l'Europe. L'un de ses pères fondateurs, Robert Schuman, trouva alors la bonne solution : écartant les constructions juridiques théoriques et les déclarations d'intention politiques, il posa le principe fondamental, toujours d'actualité aujourd'hui, que l'Europe se construirait par des réalisations concrètes conduisant à une solidarité de fait.
L'expérience a donné pleinement raison au président Schuman. Réjouissons-nous donc que, dans ce dossier si difficile du Grand Paris, où même le général de Gaulle, Georges Pompidou, Paul Delouvrier et Maurice Doublet entre autres, commirent, en toute bonne foi, un contresens voici quarante ans en démembrant le département de la Seine, le président Nicolas Sarkozy ait compris qu'il était temps de réparer l'erreur et d'entreprendre l'une des réformes majeures de son septennat en lançant la construction du Grand Paris pour la France du XXIe siècle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Pierre Gosnat. Quelle marche en avant ! On en revient au département de la Seine : bravo !
M. Yves Albarello, rapporteur. La démarche pragmatique du président Sarkozy est comparable à celle du président Schuman.
Rompant avec la traditionnelle technique de définition préalable de grands schémas d'aménagement et de statuts institutionnels – les lois Boscher et Rocard pour les villes nouvelles en sont un bon exemple –, …
M. Nicolas Dupont-Aignan. Quatre départements oubliés !
M. Yves Albarello, rapporteur. …la méthode empirique choisie par le Président de la République et dont votre projet, monsieur le secrétaire d’État, est le reflet, vise à la traduction législative de réalisations concrètes conduisant à une solidarité de fait.
C'est pourquoi, si l'on compare à une fusée le projet global du Grand Paris, dans le long terme, dépassant l'instant présent qui nous occupe, on peut dire que nous sommes pour le moment en face du premier étage de cette fusée. Le reste, d'une ampleur encore plus grande, suivra. Mais il faut d'abord faire partir le premier étage de la fusée. C'est un préalable indispensable. (« Qui le fera ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Tous les Franciliens sont d'accord pour constater que le problème crucial en Île-de-France est la maîtrise des transports. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est pourquoi votre projet de métro automatique en rocade en forme de double boucle est l'élément structurant de base autour duquel doivent se greffer deux actions prioritaires préalables à tout développement.
Première action : l'interconnexion des réseaux existants – TGV, autres trains, RER, métros – avec la double boucle, ainsi que leur modernisation. On ne saurait en effet imaginer la construction d'un nouveau réseau ultramoderne sans, en même temps, améliorer substantiellement l'existant vu le considérable et anormal retard pris, au cours des trois dernières décennies, par le réseau ferroviaire francilien.
M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est vrai !
M. Yves Albarello, rapporteur. Seconde action : la mise en œuvre de projets d'aménagement et de développement territorial, à finalité économique et sociale, induisant une forte solidarité au sein de l’agglomération urbaine en Île-de-France. Dans ces projets, tout ce qui relève de la recherche et de l'innovation serait privilégié. Mais les logements, notamment sociaux, et les équipements collectifs nécessaires ne seraient pas oubliés. Leur réalisation s'inscrirait dans une dynamique de développement, ce qui est un élément nouveau, au même titre que la réalisation préalable du réseau de transports structurant de la double boucle.
Les caractéristiques, l'ambition, l'enjeu d'une telle opération d'intérêt national exigent le recours à une procédure spécifique, adaptée aux besoins du but poursuivi, et permettant le dégagement des moyens appropriés. C'est à cela que correspond la création de la Société du Grand Paris.
Comme nombre de structures antérieures des grandes opérations d'intérêt national du XXe siècle, il s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial. Les Franciliens connaissent bien ces structures, telles que l’ÉPAD à La Défense…
M. Pierre Gosnat. Présidé par qui ?
M. Yves Albarello, rapporteur. …ou bien ÉPAMARNE et ÉPAFRANCE à Marne-la-Vallée. La souplesse juridique du statut de ces établissements a permis de faire face à des exigences aussi différentes que l'aménagement d'un quartier d'affaires à La Défense ou l'accueil du Disneyland à Marne-la-Vallée. Ce Disneyland dont toute la France profite, depuis le fin fond de nos provinces, ainsi qu'une grande partie de l'Europe, qui nous apporte nombre de touristes bienvenus.
La Société du Grand Paris, telle que le projet l'organise, paraît bien adaptée à ses missions. En outre, l'appellation n'est pas neutre. Ce nom de société, que porte déjà la SNCF et que personne ne songe à remettre en cause, traduit l'engagement du projet de Grand Paris dans notre époque présente. Le XXe siècle était le temps des établissements publics. Au XXIe siècle, dans la compétition internationale qui nous entoure, après l'abandon des lourdeurs et des rigidités de l'économie administrée, devenue obsolète, le nom de société s'impose parfaitement. Après tout, la SNCF n'hésite pas aujourd'hui à parler de clients et non plus d'usagers.
M. Jacques Kossowski. Tout à fait !
M. Yves Albarello, rapporteur. Un autre élément essentiel du texte est le contrat de développement territorial évoqué à l'article 18.
M. Yanick Paternotte Quelle rupture !
M. Yves Albarello, rapporteur. En droit français, ce type de contrat n'existait pas jusqu'à présent Cette innovation remarquable présente un double avantage.
D'une part, l'introduction de cette contractualisation entre l'État et les communes, parties prenantes au projet de développement territorial, traduit l'évolution de nos institutions dans le sens d'une démocratie locale croissante. Il y a quarante ans, on ne s'embarrassait guère de concertation, encore moins de partenariat avec les collectivités territoriales. Aujourd'hui, la décentralisation est passée par là et il faut en tenir compte.
Le contrat de développement territorial est le meilleur moyen de concilier l'autonomie et les prérogatives des communes, renforcées par la décentralisation, avec la nécessité pour l'État de continuer à conduire les grandes opérations d'intérêt national.
Hier, l'État agissait seul, bousculant les pouvoirs locaux, comme on l'a vu pour les villes nouvelles. Aujourd'hui, il agit avec les communes en responsabilité partagée. Le contrat de développement territorial marque ainsi un progrès très important dans le processus de démocratisation de la vie locale.
D'autre part, c'est le contrat de développement territorial qui permettra de fixer le partage des produits de la plus-value foncière autour des gares. Ainsi, là où elle existera, elle sera répartie dans un cadre contractuel, celui du contrat de développement territorial. Naturellement, tant en ce qui concerne la Société du Grand Paris que les contrats de développement territorial, il sera possible de recourir, sous certaines conditions, à des procédures dérogatoires au droit commun de l'urbanisme.
Je voudrais maintenant remercier tous ceux qui, dans les diverses auditions, m’ont apporté un concours toujours positif par-delà les légitimes divergences politiques des élus. Parmi eux, je voudrais citer le président du conseil régional, Jean-Paul Huchon, et le président du groupe UMP de la région, Roger Karoutchi. Je voudrais spécialement remercier mon collègue François Lamy et les élus du plateau de Saclay, ainsi que ma collègue Annick Lepetit et la délégation parisienne conduite par Anne Hidalgo. Par ailleurs, Valérie Pécresse m'a également fait part de ses réflexions. Je n'oublie pas enfin les apports de qualité fournis par les représentants des agriculteurs et des associations de l'environnement. Toutes les observations des uns et des autres ont été soigneusement notées et nombre d'entre elles ont fait l'objet d'amendements susceptibles d'enrichir votre texte, monsieur le secrétaire d’État.
Permettez-moi toutefois, malgré la qualité de votre projet, d'émettre un regret. Le temps a manqué, tant à vous, lors de son élaboration, pour lui donner une dimension plus grande encore,…
Mme Annick Lepetit. Je suis bien d’accord !
M. Yves Albarello, rapporteur. …qu’à nous, pour lui apporter les développements qu'un projet de cette ampleur aurait mérité de présenter dès maintenant.
Plusieurs députés du groupe SRC. Alors, faites lever l’urgence !
M. Yves Albarello, rapporteur. Voici quelques exemples. Le vice-président du conseil général des Yvelines, Jean-François Bel, m'a justement fait remarquer que la vallée du Mantois, dite de l'automobile, avait été oubliée dans l'étude d'impact, ce qui est une lacune à corriger.
M. Christophe Caresche. C’est embêtant !
M. Yves Albarello, rapporteur. On pouvait surtout espérer dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État, qu’outre la réalisation du métro automatique en double boucle, nous soyons saisis d'autres applications territoriales que celle du Plateau de Saclay.
Mme Annick Lepetit. Eh oui !
M. Yves Albarello, rapporteur. On pourrait peut-être comprendre que vous n’évoquiez pas La Défense, car cette opération est en cours de réalisation depuis longtemps, mais néanmoins son importante extension, récemment décidée, aurait mérité d'être évoquée dans votre projet de loi.
M. Jacques Kossowski. Tout à fait !
M. Yves Albarello, rapporteur. Plus grave encore me semble l'incertitude en ce qui concerne le pôle majeur de développement de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Certes, on voit bien que vous voulez mettre en valeur le lien qui unit l'aéroport d'affaires du Bourget à celui de Roissy-Charles-de-Gaulle. Mais cette seule approche est insuffisante et réductrice par rapport au formidable potentiel de la zone aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui implique largement le Val d'Oise et la Seine-et-Marne. Or rien n'est dit à cet égard dans votre projet de loi et le constat que l'aéroport est desservi non par la double boucle mais par la seule ligne en cul-de-sac de l'ensemble peut inspirer des inquiétudes s'ajoutant à l'insuffisance de l'information.
Je sais enfin qu'un certain nombre de mes collègues nourrissent de réelles craintes quant à certaines des interconnexions indispensables entre les actuels réseaux RER et transiliens avec la double boucle. Le fait, monsieur le secrétaire d’État que vous ayez fait connaître certaines gares et pas d'autres est un réel sujet de préoccupation, non à l'Ouest et au Sud, ni dans la partie Nord proche de Paris. Mais je comprends parfaitement la réaction de mon collègue Yannick Paternotte et des élus du Val d'Oise lorsqu'ils estiment anormal de voir leur département exclu de la double boucle.
Il en est de même pour Gérard Gaudron, qui ne veut pas voir mourir économiquement une ville de 80 000 habitants, « siphonnée » au profit d'un pôle de développement le plus proche possible de Villepinte, faisant du même coup de l'autre branche du RER B un bras mort de cette ligne. Sommes-nous bien assurés qu'à l'Est, où la Seine-et-Marne représente 50 % du territoire francilien et où elle est l'espace ouvert sur la province le plus proche de l'Europe, laquelle n'est pas riveraine de la façade maritime atlantique, les interconnexions indispensables avec les réseaux RER et transiliens seront réalisées ? En commission, nous avons amendé votre projet en ce sens. Mais nous n'avons pas encore reçu toutes les garanties nécessaires.
M. Pierre Gosnat. Il aurait fallu commencer par là !
M. Yves Albarello, rapporteur. Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, les réserves que je voulais faire. Elles restent marginales par rapport à l'ensemble de votre texte que je salue avec enthousiasme, car il fait honneur à notre exécutif, invitant toute la France à se lancer dans une grande aventure digne du XXIe siècle. C'est pourquoi je suis certain que mes collègues, après vous avoir écouté, sauront maintenant nous montrer qu'ils vous ont entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Applaudissements des marginaux !
Mme Valérie Rosso-Debord. Nous sommes provinciaux, c’est encore pire ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite situer le Grand Paris dans une ambition mondiale.
À l'heure où la mondialisation tient déjà lieu d'environnement naturel pour nos économies et notre mode de vie, la place n'est plus aux simples capitales, elle est aux villes-monde ! Étrange concept que celui-ci ! Établie en 1999 par l'Université de Loughborough, la notion de ville-monde désigne toute ville qui, à raison tant de son poids économique que de la place qu'elle a laissée dans l'histoire, mérite de figurer au premier rang des métropoles de la planète. Si Paris compte, au même titre que New York, Londres et Tokyo parmi les quatre villes-monde actuellement recensées, il ne faut pas se leurrer pour autant.
Les prétendantes au statut de ville-monde sont nombreuses : Bombay, Milan, Shanghai, Chicago. Ce sont des concurrents sérieux. Il importe donc de conforter et, plus encore, de faire progresser la place de Paris et de son environnement, qui ne doit pas se laisser enfermer, de façon nostalgique, dans l'image d'une ville romantique où il fait bon vivre ! Depuis plusieurs années, Paris a en effet l'image d'une belle endormie qui s'est, peu à peu, laissée distancer par de nouveaux concurrents. En effet, mes chers collègues, la mondialisation a notamment eu pour effet de susciter une compétition extrêmement forte entre diverses mégalopoles à travers le monde, qui sont autant de centres économiques, de centres de production industrielle, de centres culturels. Plus que jamais un sursaut était nécessaire. À l'image de ce que Paul Delouvrier avait lancé dès la fin des années cinquante sous la houlette du général de Gaulle, anticipant dès cette époque
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Souvenons-nous que c'est ce type d'impulsion qui permit à l'Île-de-France de se doter d'une politique cohérente tant en matière d'aménagement que d'urbanisme et que c'est sur cette base que la région capitale a vu naître le RER et les villes nouvelles.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d’État, nous avons pour ambition de faire de l'agglomération parisienne une ville-monde à l’avant-garde de l'innovation, forte de son patrimoine historique exceptionnel.
C'est tout à l'honneur de ce gouvernement d'avoir pris le problème de l'avenir du Grand Paris à bras-le-corps et d'avoir substitué à quelques initiatives éparses une vision d'ensemble, seule façon d'être efficace et d'afficher une véritable ambition. Ce projet de loi, mes chers collègues, vise, pour évoquer les propos de Nicolas Sarkozy, « à mettre l'homme au cœur de la ville, pour reconstruire le lien civique, restaurer le lien social, et en faire un lieu de progrès et de partage ». Le Président de la République s'est ainsi personnellement investi dans ce projet en vous confiant, monsieur le secrétaire d’État, pour mission de déterminer les orientations stratégiques du Gouvernement pour le développement durable de la région capitale.
Nous écrivons donc ensemble cette nouvelle page de l'histoire de la région capitale en examinant ce projet de loi, pour déterminer les instruments juridiques nécessaires à une action rapide et efficace, mais aussi pour préparer le réseau de transports nécessaire à ce projet. Le Gouvernement a défini un calendrier et des montages financiers : là encore, on ne peut que se féliciter de ce volontarisme. Je tiens à ce sujet à souligner l'importance du dialogue que l'État doit entretenir avec les élus de terrain sur ce projet : rien ne pourra se faire sans les collectivités intéressées, a fortiori contre elles, et je sais que vous y êtes attentif, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez en effet abondamment discuté en amont – en dépit de tout ce qui est dit et j’en suis le témoin – avec l'ensemble des élus concernés ; il importe, mais je sais que telle est votre volonté, de maintenir ce dialogue afin que chacun puisse pleinement participer à l'élaboration du Grand Paris et, tout le monde le souhaite, se féliciter de sa réussite.
Première étape d'une série de textes qui constitueront véritablement le projet du Grand Paris, ce projet de loi aborde le dispositif de transport nécessaire à l'irrigation du futur Grand Paris. Il crée les instruments juridiques indispensables à sa mise en œuvre, prévoit les moyens d'accélération des procédures et crée le premier pôle de développement, celui du plateau de Saclay.
L'État pourra conclure avec les communes ou établissements publics de coopération intercommunale intéressés des contrats de développement territorial, outil juridique nouveau qui vise à l'aménagement urbain et économique des espaces. Instrument de dialogue autant que de développement, ces contrats devraient permettre à l'avenir de revitaliser considérablement le tissu francilien et, de ce fait, de contribuer activement au développement du Grand Paris. Par ailleurs, il est prévu de créer un établissement public spécifique, la Société du Grand Paris, qui aura la charge d'établir un schéma d'ensemble du réseau de transports publics du Grand Paris et d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux nécessaires à l'établissement du réseau de transports publics dans la région capitale. Comme vous pouvez le constater, l'État a véritablement mis tous les atouts de son côté pour réussir cette opération d'envergure. Certes, c'est le retour de l'État organisateur, de l'État aménageur. Personnellement, je m'en réjouis,…
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. …après les constats terribles de notre inefficacité pendant tant et tant d'années. Seul l'État pouvait nous faire sortir de nos atermoiements afin de redynamiser la région capitale.
M. Claude Bartolone. Et les villes nouvelles.
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Qui d'autre que l'État pouvait afficher son ambition d'investir plus de 35 milliards d'euros en faveur des transports ? Qui d'autre que l'État peut aujourd'hui s'engager dans un processus global d'aménagement qui a vocation à s'étendre sur plus de dix ans ? Qui d'autre que l'État peut passer outre aux réticences locales afin d'aménager la vallée de la Seine et faire du Havre le débouché maritime de la capitale ? Personne, nous le savons bien. Bravo, monsieur le secrétaire d’État, de vous être engagé dans cette voie.
Deuxième point important de ce projet de loi, l'aménagement du plateau de Saclay et la constitution, dans son périmètre, d'un pôle scientifique et de recherche de dimension internationale. On le sait, l'Île-de-France représente un lieu tout à fait exceptionnel sur le plan de la recherche et de l'enseignement supérieur en regroupant sur son territoire plus de 45 % de la recherche française tant publique que privée ainsi qu'un ensemble comprenant pas moins de dix-sept universités. Afin de fédérer les énergies et le potentiel absolument sans équivalent en France du plateau de Saclay – où sont établis plusieurs établissements de renom parmi lesquels l'École Polytechnique, HEC, l'École Centrale, Supélec, l'École normale supérieure de Cachan, une partie de l'Université de Paris XI Paris-Sud –, il est prévu qu'un établissement public spécifique là aussi, l'établissement public de Paris-Saclay, soit créé. La commission des affaires économiques, qui s'est saisie pour avis des titres IV et V du projet de loi, a souhaité par le biais de divers amendements et d'une discussion approfondie, en améliorer la gouvernance en s'assurant notamment que les élus concernés au premier chef par les opérations décidées sur le Plateau pourraient être effectivement représentés au conseil d'administration de l'établissement. Par ailleurs, et comme cela se fait déjà pour d'autres autorités de premier plan, nous avons souhaité intégrer la représentation nationale dans le processus, en procédant, préalablement à sa nomination par décret du Président de la République, à l'audition de la personnalité pressentie pour exercer les fonctions de président-directeur général de l'établissement par les commissions permanentes compétentes tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, avec un vote pour avis.
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Encore une fois, il importe de mobiliser l'ensemble des acteurs sur le projet du Grand Paris qui, ne l'oublions pas, concerne l'ensemble de notre territoire et pas seulement la région capitale. À cet effet, il convient d'insister sur l'effet de levier que cet immense chantier devrait jouer à l'avenir. Certes, le projet est avant tout francilien mais, de même qu'il dépasse largement la seule ville de Paris, de même il a vocation à entraîner avec lui l'activité de la France tout entière et, les infrastructures de transports aidant, à dynamiser l'ensemble des régions. D'ailleurs, toujours avec cette même volonté d'entretenir et de développer la coopération entre les élus locaux et l'État, je souhaite ardemment que le Gouvernement réfléchisse à la possibilité de créer de futurs instruments d'organisation territoriale, adaptés aux futurs pôles de développement des « directives locales d'aménagement », sur le modèle des directives territoriales d'aménagement qui ont vu le jour en 1994. Ces directives serviraient ainsi de cadre fixant les orientations des futurs pôles. Il serait ensuite facile de réunir les élus et de contractualiser en fonction des orientations prévues, et les EPIC mettraient en œuvre ces contrats d'objectifs. C’est un souhait auquel je souhaiterais que vous réfléchissiez.
Enfin, je souhaite saluer la volonté du Gouvernement de vouloir préserver, sur le site même du plateau de Saclay, des espaces agricoles – 2 300 hectares – propres à inscrire le développement de cet espace dans une perspective de développement durable. Je remercie M. Pierre Lasbordes d'avoir, en commission, argumenté avec compétence pour cette protection. En tant que président de la commission des affaires économiques, je ne peux qu'être sensible à un objectif de maintien des espaces agricoles déjà affirmé dans la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement et appelé à figurer à la première place dans la future loi de modernisation de l'agriculture. Nous devons être capables de démontrer que tout cela est parfaitement compatible avec un aménagement raisonné de la région capitale.
Comme vous pouvez le constater, la commission des affaires économiques a décidé de s'engager très fermement à vos côtés, monsieur le secrétaire d’État, pour mettre le Grand Paris au cœur de notre attractivité française. N'en doutons pas, ce texte inaugure une ambition de long terme dont chaque commune française tirera profit : c'est la raison pour laquelle je ne doute pas que notre assemblée vote en faveur d'un projet de loi qui est également un acte de foi en l'avenir de la région capitale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, saisie pour avis.
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que notre assemblée s'apprête à examiner n'est bien sûr qu'une première étape sur la voie du Grand Paris, mais il est déjà très attendu. Pendant des décennies, notre politique d'aménagement du territoire a conçu l'expansion de notre belle métropole comme un problème plutôt que comme une chance pour la France. Aujourd'hui, nous allons enfin rompre avec une approche trop timorée et trop étroite du développement de la région parisienne, en conduisant de grands projets à l'échelle métropolitaine.
M. Jacques Kossowski. Très bien !
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. Il est bien évident que les limites administratives de Paris ne sont plus en phase avec sa réalité économique et sociale. C'est à l'échelle de l'agglomération parisienne que nous pourrons, à l'instar de ce qui a été fait pour le Grand Londres, penser de manière pertinente les modes de transport, les logements, l'aménagement urbain et les activités économiques. Le projet de loi qui nous est présenté permettra de donner un caractère bien concret à ce changement d'échelle, en reliant rapidement entre eux les grands pôles de développement économique, ce qui de toute évidence améliorera la vie quotidienne de nos concitoyens et renforcera la compétitivité de nos entreprises, dont le tissu est si dense en Île-de-France.
Pendant nos débats en commission, des considérations locales, des schémas ou des enjeux régionaux ont souvent été évoqués par les uns et les autres. Cela peut bien sûr se comprendre, d'autant que si chacun d'entre nous délibère ici en tant qu'élu de la nation, nombreuses sont les expériences d'élu local qui peuvent utilement éclairer nos choix de législateur. Mais je tiens à rappeler que le Grand Paris n'est pas un projet seulement local ; il est avant tout une ambition nationale, car il est dans l'intérêt général de lancer rapidement le grand chantier du métro automatique en rocade autour de Paris. Si la croissance économique augmente, si des « ponts » sont lancés pour désenclaver certaines de nos banlieues, si les transports deviennent plus écologiques, plus rapides et plus sûrs, c'est bien la France dans son ensemble qui en bénéficiera.
Cette stratégie sera élaborée, à l'échelle métropolitaine, en ne réduisant ni la concertation démocratique,…
M. Pierre Gosnat. C’est mal parti !
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. …ni les préoccupations environnementales, avant d'être mise en œuvre par la Société du Grand Paris, ce nouvel établissement public industriel et commercial placé sous le contrôle de l'État. Les projets de formation, de recherche et d'innovation industrielle seront quant à eux stimulés par un second ÉPIC, l’établissement public de Paris-Saclay. Enfin, les contrats de développement territoriaux permettront à l'État d'élaborer en commun avec les communes et les intercommunalités parisiennes des initiatives d'aménagement urbain qui s'inscriront dans une logique cohérente à l'échelle métropolitaine : il s'agira bien d'un dialogue et d'une négociation, car aucune zone d'aménagement différé ne pourra être créée dans ce cadre sans l'adhésion préalable des collectivités au projet.
Ces innovations seront donc très utiles pour mener une politique moins disparate d'aménagement de l'espace et de développement économique en faveur de l'agglomération parisienne.
Monsieur le secrétaire d’État, quelques correctifs ou compléments nous ont toutefois paru nécessaires et je me réjouis à cet égard que la nouvelle commission du développement durable ait souscrit à la quasi-totalité des changements proposés par la commission des lois. Ceux-ci sont donc déjà intégrés au texte qui nous sert aujourd'hui de base de discussion.
La commission des lois a d'abord souhaité confier à la Commission nationale du débat public, plutôt qu'au préfet de région, qui a bien d'autres choses à faire, le pilotage du débat public précédant l'élaboration du schéma d'ensemble du réseau de transports publics du Grand Paris. L'audition du président de cette autorité administrative indépendante m'a en effet convaincu qu'elle dispose de l'expérience et de la crédibilité requises pour mener cette tâche dans les meilleures conditions d’intégrité et d’indépendance absolue.
M. Jean-Pierre Brard. C’est comme quand Chimène est convaincue par Rodrigue !
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. La commission des lois a également souhaité mieux associer les communes et leurs groupements à l'action des deux nouveaux établissements publics, en améliorant leur représentation au sein de leurs conseils d'administration ou de surveillance, en prévoyant leur consultation sur toute modification ultérieure de leur périmètre d'intervention et en leur permettant de confier des missions complémentaires à ces établissements. Nous avons aussi estimé essentiel pour les collectivités d'obtenir l'inscription, dans les contrats de développement territorial, de la liste et du périmètre des zones d’aménagement différé, les ZAD, dont la création est prévue, ainsi que des conditions générales de financement de l'ensemble des projets de développement économique et urbain inscrits dans chaque contrat. Tout cela figure donc aujourd'hui dans le texte adopté par la commission du développement durable.
Il nous reste toutefois à fixer dans la loi le socle indispensable de publicité à garantir pour ces contrats de développement territorial, car on ne peut renvoyer entièrement cette responsabilité au pouvoir réglementaire s'agissant d'un nouvel outil juridique : en tant que législateur, nous devons bien exercer notre compétence sur cette question. Je vous proposerai donc, avec le rapporteur de la commission du développement durable, de rendre applicables aux contrats de développement territorial des modalités de publicité déjà existantes pour certaines délibérations municipales à caractère économique. Cela permettra d'assurer la nécessaire transparence sur ces décisions importantes, tout en restant dans un cadre juridique connu.
Enfin, la commission des lois a décidé de renforcer, par plusieurs amendements, l'encadrement juridique et financier des interventions des deux nouveaux établissements publics. Il s'agissait d'abord de mieux préciser l'enchaînement des différentes étapes de l'élaboration du schéma d'ensemble du réseau de transports publics du Grand Paris ; d'écarter en tout état de cause la distribution de jetons de présence ou rémunérations exceptionnelles aux membres du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris.
Ces changements ont bien été intégrés au texte de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et j’en remercie évidemment son président, Christian Jacob.
En revanche, tel n’a pas été le cas de l’amendement proposé par la commission des lois et tendant à soumettre l’activité des éventuelles filiales de cet établissement et de celui de Paris-Saclay à un contrôle effectif du commissaire du Gouvernement. En effet, cette question du contrôle de l’activité des filiales ne s’est pas posée devant la commission du développement durable, celle-ci ayant tout simplement décidé, comme le proposaient du reste nos collègues du groupe SRC, de priver le commissaire du Gouvernement de tout pouvoir d’opposition, même aux décisions du conseil d’administration de l’établissement public.
Ce choix me paraît d’autant plus surprenant et contestable que ces mêmes pouvoirs sont prévus pour la Société du Grand Paris, établissement public dirigé par un conseil de surveillance au sein duquel l’État sera majoritaire. Dans le cas de Saclay, ce filet de sécurité serait donc supprimé alors même que l’État est minoritaire au sein du conseil d’administration de cet établissement public, qu’il devrait pourtant largement financer. Voilà qui serait pour le moins curieux et imprudent.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous proposerai donc par voie d’amendement de revenir à la solution adoptée par la commission des lois.
M. Pierre Gosnat. Étonnant !
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. Pour conclure, mes chers collègues, je vous rappelle que, tout en proposant ces améliorations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi. Si ce texte ne peut naturellement résumer à lui seul le projet du Grand Paris, il permet d’en préparer dès aujourd’hui l’émergence. Cette initiative mérite à mes yeux le soutien du plus grand nombre d’entre nous, car, en favorisant concrètement un développement économique et urbain de la région parisienne plus harmonieux et plus ambitieux, c’est à la nation tout entière que nous rendrons service. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, permettez-moi d’abord de remercier tout particulièrement notre rapporteur pour le travail qu’il a accompli dans un délai relativement court – il l’a dit lui-même –, ce qui ne l’a pas empêché de procéder à de nombreuses auditions fort constructives et d’associer à sa démarche le plus grand nombre de parties intéressées.
Je tiens également à remercier Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques,…
M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis. Excellent !
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. …dont la commission et les amendements ont apporté à notre texte une contribution importante, et Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Brard. C’est la distribution des bons points !
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Je n’en ai pas prévu pour vous ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Pierre Brard. Vous anticipez sur les jetons de la Société du Gross-Paris !
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Je tiens également à vous remercier, cher Christian Blanc, monsieur le secrétaire d’État, d’être venu présenter le texte devant la commission et d’avoir assisté aux trois séances qu’elle a consacrées à son examen. Je ne doute pas que vous serez d’une grande disponibilité en séance publique, comme vous l’avez été en commission, et que vous répondrez de même très précisément aux questions qui ne manqueront pas de vous être posées. Merci encore d’avoir été aussi présent et disponible lors de nos travaux.
La commission a consacré ces derniers à tenter d’améliorer plusieurs équilibres qui traduisaient les objectifs initiaux du projet du Grand Paris dans le texte que vous nous avez soumis.
Le premier équilibre tient à l’articulation des rôles respectifs de l’État, des collectivités territoriales et du public. L’efficacité justifie que l’État soit au cœur du dispositif s’agissant d’un projet d’intérêt national, ainsi que Patrick Ollier l’a rappelé, et que l’on prévoie des dérogations aux procédures de droit commun. Cependant, il nous a semblé nécessaire d’associer plus étroitement les parties intéressées – public et collectivités locales – à l’élaboration puis à la gestion du projet.
Voilà pourquoi nous avons souhaité réécrire l’article 3 afin de redonner à la Commission nationale du débat public évoquée tout à l’heure par Jacques Alain Bénisti, et dont tous reconnaissent la compétence et l’indépendance, un rôle central dans la consultation et l’information du public. De même, il a semblé nécessaire de modifier le système de gouvernance prévu pour les deux établissements publics que sont la Société du Grand Paris et l’Établissement Paris-Saclay, afin d’y associer plus étroitement les représentants des collectivités locales concernées.
Le second équilibre que nous avons recherché réside dans l’articulation entre ce futur réseau de transports et les infrastructures existantes. Pour notre commission, il était évident qu’il ne fallait instaurer aucune concurrence entre les réseaux de transport public existants et le futur métro automatique en rocade. Nous avons donc introduit dans le texte plusieurs principes essentiels à nos yeux.
Le premier est l’articulation des réseaux présents ou à venir, afin que le maillage final assure toutes les connexions possibles avec les lignes actuelles de métro, de RER ou de train.
Le deuxième principe est l’indépendance des financements alloués à la réalisation de la double boucle à l’égard des travaux d’amélioration et de modernisation des infrastructures existantes. En effet, il ne saurait évidemment y avoir de concurrence en la matière. Conformément à cette logique, nous avons souhaité que le STIF soit consulté sur le projet de schéma des infrastructures avant même que celui-ci soit élaboré et soumis au public. Il s’agit d’une avancée importante.
En effet, si le tracé définitif des lignes et l’emplacement des gares seront fixés au terme de la consultation, l’élaboration du schéma des nouvelles infrastructures ne peut assurément faire abstraction des projets de transports publics conduits par le STIF. Celui-ci devra donc être consulté ; un décret en Conseil d’État prévoira les modalités de cette consultation.
Le troisième principe décliné par la commission exige de mieux prendre en considération les enjeux environnementaux et les conclusions du Grenelle de l’environnement. Certes, l’étude d’impact que vous avez annexée au projet de loi applique les enjeux environnementaux aux objectifs du Grand Paris. Mais la commission du développement durable, rejoignant plusieurs préoccupations de la commission des lois, a souhaité conforter ces dispositions, en rapprochant les procédures de débat public prévues notamment à l’article 3 des normes de droit commun visées par la loi Grenelle I et en prévoyant d’appliquer les objectifs de multimodalité des transports aux infrastructures reliées aux gares ou aux aires de stationnement.
Ainsi enrichi par le travail des trois rapporteurs et des trois commissions associées, le texte est désormais parfaitement équilibré. J’inviterai donc nos collègues à adopter ce bon texte à l’issue de nos débats, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Annick Lepetit.
Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de Grand Paris commençait pourtant bien.
Il est tout à fait louable d’afficher de grandes ambitions pour la région capitale, et l’on ne pouvait qu’être d’accord avec le Président de la République lorsqu’il annonçait le 29 avril dernier vouloir faire entrer la métropole parisienne dans le monde de l’après-Kyoto, afin que « la ville s’allie avec la nature au lieu de la combattre ». Le travail titanesque fourni par dix équipes constituées d’architectes, d’urbanistes, d’ingénieurs, de poètes même, tous mondialement reconnus,…
M. Jean-Pierre Brard. C’est Sarko, le poète ? Il ne connaît pas bien les rimes ! (Sourires.)
Mme Annick Lepetit. …nous a permis d’imaginer une Île-de-France plus grande, plus belle, plus humaine. Pas moins de six mille pages d’idées nouvelles sont venues nourrir notre réflexion. Les multiples solutions ainsi proposées pour le logement, les transports, l’urbanisme, l’emploi, le vivre ensemble ou l’accès à la culture ont étendu le champ des possibles en nous offrant, à nous, dirigeants politiques, une formidable boîte à outils où puiser.
Puis le projet de loi du Gouvernement est arrivé. Il faut bien le reconnaître : le Grand Paris que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, se limite à un schéma de transport pour un métro automatique reliant entre eux des pôles économiques totalement déconnectés des bassins de vie, et à l’organisation du Plateau de Saclay.
En somme, vous n’avez rien repris du travail des architectes. Au regard de tout ce qui a été imaginé, le résultat est même pauvre. À quoi sert-il de mobiliser les esprits les plus brillants si l’on ne s’inspire pas de leurs propositions ? Le soir de l’inauguration de l’exposition présentant leur travail, au lieu d’écouter ce qu’ils avaient à vous dire, au lieu de vous en servir pour construire et enrichir vos projets, vous leur avez présenté votre propre vision du Grand Paris. Je comprends la grande déception de ceux qui ont cru en la parole de Nicolas Sarkozy, et la colère que leur inspirent la méthode employée et le maigre résultat qui en découle.
M. Jean-Pierre Brard. Ils étaient naïfs !
Mme Annick Lepetit. Il y a de quoi désenchanter. Sans doute est-ce pour cette raison que vous achetez des encarts publicitaires dans la presse. En voici un exemplaire, que je montre à nos collègues au cas où certains ne l’auraient pas vu : « Le Grand Paris, une grande idée qui a besoin des vôtres ».
M. Jean-Pierre Brard. Après le Gross-Paris, la Propaganda !
M. Yves Jego. Ne les confondez pas avec ceux de Jean-Paul Huchon ! Il y a investi un million par an !
Mme Annick Lepetit. Ces encarts entretiennent l’illusion : vous appelez nos concitoyens à faire part au mois de décembre d’idées dont vous ne tiendrez plus compte après le 21 mars ! Voilà qui est bien dommage ; les habitants de notre métropole n’ont pas mérité cela.
Bien dommage, car nous devons effectivement réfléchir à la place de Paris à l’échelle de la planète. Notre capitale est l’un des lieux majeurs de la mondialisation ; elle est intégrée aux flux de communication et d’échanges de biens, de services, d’idées. Paris ville mondiale : voilà un fait que nous devons continuer d’encourager et de développer dans un monde où la concurrence, dans tous les domaines, va toujours plus vite. Il faut tenir notre place, notre rang, tout en préservant la qualité de vie de tous les habitants.
Ce débat n’oppose donc pas les anciens aux modernes, les conservateurs qui ne voudraient rien changer aux visionnaires seuls porteurs d’une ambition pour la région capitale. Il s’agit d’un débat sur la définition de cette ambition et sur le meilleur moyen de la mettre en œuvre. Il s’agit d’un débat sur la place et le rôle de tous les acteurs qui contribueront à porter, à renforcer et à accélérer le développement juste, équilibré et durable de la métropole.
Mme Sandrine Mazetier. Très bien !
Mme Annick Lepetit. Sur toutes ces questions, des divergences profondes nous opposent.
Avant de parler de ce que renferme votre texte, j’évoquerai tout ce qui n’y figure pas et qui, à nos yeux, fait cruellement défaut. Ainsi, il est aberrant qu’un projet de loi qui prétend structurer l’organisation urbaine et économique de la région ne consacre pas un article, pas un mot au logement.
M. Yves Albarello, rapporteur de la commission du développement durable. C’est faux !
Mme Annick Lepetit. L’Île-de-France souffre particulièrement dans ce domaine. Il y manque des centaines de milliers de logements et la mise en œuvre du droit au logement opposable constitue, reconnaissons-le, un véritable échec. De notre côté, nous avions plutôt milité pour qu’un plus grand nombre de logements soient construits.
M. Jean-Christophe Lagarde. Combien de logements sociaux dans le schéma directeur de la région ? Vous vous limitez à 20 % !
Mme Annick Lepetit. Même si l’activité des individus vous importe plus que la manière dont ils vivent une fois sortis du travail, vous ne pouvez ignorer cette situation et ses conséquences sur la vie de millions de personnes. Fût-ce d’un point de vue strictement économique, nous savons tous que la mobilité dans l’emploi est aujourd’hui fortement entravée par les difficultés à se loger que rencontrent les candidats à l’embauche.
La lutte contre la fragmentation sociale de la métropole et l’aide au désenclavement des quartiers est tout aussi absente de votre vision, monsieur le secrétaire d’État. Au contraire, même, vous fondez votre projet sur l’idée que seules certaines zones mériteraient d’être activement soutenues pour développer leur potentiel économique. Rien n’est dit sur les conséquences de la concentration des richesses dans certains lieux. Qu’en sera-t-il de la solidarité financière entre les territoires ?
Autre manque flagrant, qui fait que votre texte semble sur certains points un peu daté – vous me pardonnerez cette expression, monsieur le secrétaire d’État – : le développement durable. Certes, la notion est évoquée dans les discours et le travail actif que nous avons mené en commission a permis de faire quelques ajouts en ce sens, et j’en profite pour remercier notre rapporteur, Yves Albarello.
Mais concrètement, qu’en sera-t-il ? En faisant traverser par votre métro des zones peu denses, vous allez inévitablement provoquer un étalement urbain, qui constitue la négation de tous les processus encouragés par le Grenelle de l’environnement. À l’heure où la ville dense est perçue comme l’une des seules manières de réduire durablement et efficacement notre consommation d’énergie, vous mettez tout en place pour que l’on commette les mêmes erreurs qu’au XXe siècle. On a bien dû mal à faire ressortir de votre projet de loi une véritable vision urbaine, géographique, économique, sociale et finalement humaine de ce que devrait être, selon vous, la région de demain.
La grande ambition de construire une nouvelle métropole est devenue un nouveau métro. Vous me répondrez sans doute, comme vous l’avez fait au cours des réunions de la commission, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’en sommes qu’à l’acte I du Grand Paris et que nos interrogations trouveront réponse dans de prochains textes de loi. Mais en attendant d’éventuels actes II, III ou IV, dont on ne sait ni quand, ni par qui ils seront présentés devant notre assemblée, nous n’avons que ce texte et, malheureusement, il est décevant, eu égard à la faible ambition qui l’anime, et inquiétant, compte tenu des présupposés sur lesquels il est bâti.
L’une des grandes promesses de ce projet est d’entraîner la création d’un million d’emplois en Île-de-France au cours des quinze prochaines années en suscitant une croissance économique double de la moyenne nationale. Au-delà de la faible ambition globale du texte, je m’inquiète de la crédibilité de cet objectif.
Bien sûr, la création d’emplois constitue une priorité et je soutiendrai toutes les mesures susceptibles d’avoir un impact positif sur cette dynamique. Mais force est de constater que votre objectif, monsieur le secrétaire d’État, est en complète contradiction avec toutes les études économiques et démographiques connues, y compris celles fournies par l’INSEE.
M. Daniel Goldberg. Eh oui !
Mme Annick Lepetit. En effet, il a été démontré qu’un lien fort unit l’évolution de la population active et l’évolution de l’emploi. Or la population active a cessé de croître au niveau national depuis 2006 : pour l’Île-de-France, seuls les mouvements migratoires laissent espérer une légère progression dans les années à venir, mais à un rythme qui n’aura plus rien à voir avec celui des années antérieures. Il faudrait dès lors plus de 13 millions d’habitants en Île-de-France en 2020 pour compter suffisamment d’actifs, soit 1 million de plus que les estimations les plus optimistes.
Dans ce contexte, annoncer la création de plus de 65 000 emplois supplémentaires par an, ce qui suppose un rythme deux fois et demi supérieur à celui observé depuis quinze ans, revient à annoncer une déconnexion totalement inédite et improbable entre population active et emploi. Ou alors faut-il penser que vous comptez vous appuyer sur une immigration massive vers la région parisienne, hypothèse que vous n’avez toutefois jamais évoquée ?
Celle-ci devra provenir, d'une part, du reste de la France, et en ce cas, je pense que nos collègues qui ne sont pas élus d’Île-de-France, quels que soient leurs bancs, auront un avis à donner sur le futur assèchement économique et démographique de leurs régions.
M. François Brottes. Absolument !
Mme Annick Lepetit. D'autre part, cette immigration devra venir d'autres pays, auquel cas il faudra le dire haut et fort à vos chers collègues de l'UMP et revoir profondément la politique que vous menez depuis sept ans en ce domaine.
Mme Sandrine Mazetier. Très juste !
Mme Annick Lepetit. Dans le même temps, il faudra bien loger ceux qui viendront.
M. Jean-Pierre Brard. Il faut contacter les Enfants de Don Quichotte !
Mme Annick Lepetit. Selon les estimations de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France, ce sont 90 000 logements neufs qu'il faudra faire sortir de terre chaque année, chiffre à comparer aux 40 000 logements construits par an en moyenne depuis 1989, aux 60 000 inscrits dans le projet du schéma directeur d’Île-de-France et aux 70 000 annoncés par le chef de l'État. Je n'ai pas trouvé une seule ligne dans ce projet de loi qui tente d'apporter une solution à cette question.
L'analyse est la même au sujet de l'immobilier de bureau. En supposant que les trois quarts des emplois soient créés dans le secteur tertiaire et soient localisés principalement dans les nouveaux pôles, c’est à un besoin de 7 millions de mètres carrés de bureaux qu’il faudra répondre dans les quinze prochaines années, soit bien plus que ce qui a été construit lors des quinze dernières années. L'inertie est très forte dans ce secteur et l’on sait déjà où sera localisée une grande partie des futurs bureaux : mis à part ceux situés à La Défense, ils sont en majorité éloignés du tracé de votre futur métro.
Ces constatations sont très inquiétantes car si vos hypothèses de départ sont irréalistes et déconnectées de la réalité, votre projet de transport ne pourra être rentabilisé et deviendra un gouffre financier que l'ensemble des Français devra supporter.
Je crois que votre texte souffre avant tout d'un problème de diagnostic. Vous nous avez expliqué que l'objectif de votre grand huit était de relier entre eux les différents pôles que vous comptez créer. Aujourd'hui, les trajets d'une entreprise à une autre ne représentent que 3 % de l'ensemble des déplacements quotidiens des personnes,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un élément à prendre en compte !
Mme Annick Lepetit. …et seulement 1,7 % pour ce qui est des transports en commun. C'est vingt fois moins que les déplacements domicile-travail, que vous n’évoquez même pas, sans parler des déplacements autres, comme les loisirs, par exemple, qui jusqu’à nouvel ordre existent encore.
Mme Sandrine Mazetier. Eh oui !
Mme Annick Lepetit. Au vu de ces chiffres, on ne peut que se demander comment il est possible de bâtir un projet d'une telle ampleur sur l'hypothèse qu'améliorer les déplacements travail-travail va apporter de la croissance.
Un problème de diagnostic se pose encore s’agissant de l'importance que vous donnez aux pôles économiques. Il suffit de regarder au-delà de nos frontières pour constater que la logique de concentration des forces productives dans quelques pôles spécialisés va à l'encontre de la manière dont se recomposent les autres grandes métropoles. La seule ville au monde fondée sur la labellisation de quelques quartiers spécialisés est Dubaï. Cela ne peut tout de même pas être votre modèle, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Pierre Brard. On a déjà le sultan !
Mme Annick Lepetit. La dynamique industrielle et commerciale qui existe en Île-de-France naît de la possibilité pour les différents porteurs de projets de se croiser et d'inventer les activités économiques de demain. C'est l'agglomération de ces excellences qui crée les conditions de l'émergence, en certains endroits, de concentrations d'emplois. Les pôles sont donc une conséquence de la dynamique francilienne, certainement pas une cause.
La majorité des entreprises naissent au cœur de la métropole pour s’installer ensuite dans la deuxième couronne, éventuellement plus loin. L'enjeu n'est donc pas de renforcer la spécialisation de ces pôles mais de mieux intégrer cette deuxième couronne au cœur de la métropole, ce que ne permettra pas votre nouveau métro lorsqu'il sera construit.
Vous ne vous êtes pas seulement trompé sur le diagnostic et sur les prévisions, vous vous êtes également trompé sur la méthode. Comment prétendre construire la métropole du XXIe siècle en utilisant les pratiques des années cinquante ?
Mme Sandrine Mazetier. Très juste !
Mme Annick Lepetit. Le monde a changé depuis Delouvrier et plus encore depuis le baron Haussmann. Un projet de cette ampleur ne peut plus se faire uniquement par injonction venant du sommet de l'État, sans concertation avec les élus et les citoyens.
M. Franck Riester. Caricature !
Mme Annick Lepetit. Vous avez agi comme si la décentralisation n'avait pas eu lieu ces trente dernières années, comme si la société civile n'avait pas pris son essor, comme si le schéma directeur de l’Île-de-France n'existait pas alors qu'il est un instrument extrêmement utile. Il a d’ailleurs fait l'objet d'une concertation approfondie et a été approuvé par le conseil régional et six conseils généraux. Il est à même d'entraîner une dynamique collective là où votre projet ne conduit qu’à clivages et blocages. Ce n'est pas en pensant que l'on a raison seul contre tous que l'on construit un projet fédérateur, porteur de dynamiques et d'espoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Venons en maintenant au texte à proprement parler. Au cœur de votre dispositif, il y a la création de cette Société du Grand Paris à laquelle le titre II est consacré. Elle est chargée d'élaborer, de faire réaliser et de financer les infrastructures et matériels d'exploitation. Elle obtient également le rôle d'aménageur dans le périmètre des gares.
On peut s'interroger sur la pertinence même de créer cette nouvelle structure. N'êtes-vous pas en train d’ajouter une couche au millefeuille administratif que le Gouvernement et sa majorité critiquent pourtant ?
Si cette création signe le retour de l'État dans les transports franciliens, elle est surtout la marque d'un violent recul en matière de décentralisation. Je ne conteste pas à l'État le droit de venir aider les collectivités locales à financer les transports publics, ...
M. Patrick Ollier, rapporteur pour avis. Encore heureux !
Mme Annick Lepetit. …bien au contraire puisque son désengagement financier est même en partie responsable de l'état actuel du réseau.
M. Yves Jégo. Ben voyons !
Mme Annick Lepetit. Depuis 2002, les sommes que l’État a consacrées aux transports franciliens sont en chute de 48 %. Mais la forme que prend ce retour est un véritable coup porté à la décentralisation. La loi du 13 août 2004 a donné à la région la majorité des sièges au conseil d'administration du STIF et le réseau que les élus se sont vu confier à ce moment-là était déjà en assez mauvais état.
M. Yves Jégo. Il s’est dégradé depuis !
M. Pierre Gosnat. Comment peut-il dire cela, il ne prend jamais le métro !
Mme Annick Lepetit. Le manque flagrant d'investissements depuis les années quatre-vingt-dix ainsi que la concentration des efforts sur la ligne 14 et le RER E ont conduit à la vétusté du matériel roulant et à la saturation de plusieurs lignes.
La région et les départements d'Île-de-France se sont lancés dans la préparation du plan de mobilisation pour les transports, d’un montant de 18 milliards d'euros, afin de répondre aux attentes immédiates de nos concitoyens. Alors que vous faites de la vitesse un argument pour expliquer toutes les dérogations au droit commun que vous organisez dans ce texte, je constate que l'État est beaucoup moins prompt à donner une réponse quant à sa participation ou non à ce plan.
M. Yves Jégo. Assumez vos compétences !
M. Christophe Caresche. C’est vrai qu’il y a les compétents et les incompétents !
Mme Annick Lepetit. L'utilité de cette Société du Grand Paris est toujours à démontrer car le Syndicat des transports publics d'Île-de-France a la compétence et la légitimité pour planifier la construction de nouvelles lignes. Au lieu de cela, ce projet de loi risque de faire peser sur lui des charges inconnues à ce jour, ce qui est probablement anticonstitutionnel.
Les articles 1 à 4 traitent de l'élaboration, de la conception et de la construction d'un projet de métro en Île-de-France qui, comme il est indiqué dans l'étude d'impact, devra être financé par la Société du Grand Paris. Pour ce faire, elle empruntera plusieurs milliards d'euros et confiera la maîtrise d'ouvrage et la gestion ultérieure du réseau à la RATP. Celui-ci sera ensuite confié au STIF qui en déléguera l'exploitation à un exploitant de son choix et en assumera le déficit d'exploitation. La loi ne précise nulle part ces transferts de charges.
Mme Sandrine Mazetier. Opacité !
Mme Annick Lepetit. Les redevances de réseau imposées à la RATP ne sont pas détaillées et il n'est pas possible à ce stade de distinguer quelle est la part de l’amortissement de la dette de la Société du Grand Paris. Le péage d'infrastructures que la RATP imposera à l'exploitant n'est même pas évoqué. Vous le savez fort bien, monsieur le secrétaire d’État, vous qui connaissez parfaitement ces sujets.
Ces transferts financiers détermineront le déficit d'exploitation de la future infrastructure, qui sera imposée au STIF. En cela, la loi n'est pas intelligible et ne met pas en place les dispositifs permettant de préciser ces éléments. Le coût de cette nouvelle infrastructure, considérable, risque de faire peser de très importantes charges financières sur le STIF. Le rapport de notre collègue Gilles Carrez évoque plusieurs centaines de millions d'euros. Ces charges obligatoires sont susceptibles d'obérer sa capacité à assumer ses autres missions, je pense notamment aux projets d’urgence qui sont déjà prêts et qu’il faut mettre en oeuvre.
M. Yves Jégo. Il serait temps !
Mme Annick Lepetit. C'est pour cette raison que ce projet de loi est contraire au principe de libre administration. Une méthode simple pour sortir de cette situation, sans attendre que le Conseil constitutionnel vous y oblige, monsieur le secrétaire d’État, consisterait à inscrire dans le projet de loi l'avis conforme du STIF, comme le propose l’un de nos amendements.
Mme Sandrine Mazetier. Très juste !
Mme Annick Lepetit. Le fonctionnement de cette Société du Grand Paris pose aussi problème : votre choix de la bâtir sous la forme d’un établissement public industriel et commercial permet à l’État d’y concentrer tous les pouvoirs. Les collectivités territoriales pourront, certes, venir faire de la figuration dans le conseil de surveillance et dans le comité constitué des représentants des communes et des EPCI, mais leur avis n’aura aucun impact. Le vrai organe de décision sera le directoire, dont les membres sont nommés par décret. C’est un recul démocratique majeur car, depuis que la gauche a lancé le mouvement de la décentralisation il y a près de trente ans, c’est la première fois que l’on éloigne la prise de décision des élus qui en avaient la charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le vocabulaire employé, plus proche de la société anonyme que de l'établissement public, ne peut que faire naître quelques doutes sur l'évolution de cette structure. Il sera tellement facile et tentant de la privatiser dans quelques années.
Les prérogatives que vous confiez à la Société du Grand Paris sont exorbitantes du droit commun en matière d'urbanisme et d'aménagement. Des dérogations inédites lui sont ainsi offertes, comme la possibilité d'acquérir, par voie d'expropriation ou de préemption, des biens de toutes natures nécessaires à ses opérations d'aménagement du réseau de transport. Les communes se verront ainsi dépossédées de la maîtrise de leurs sols sur des portions importantes de leur territoire. De même, les propriétés des collectivités publiques et de leurs établissements situées autour des gares seront cédées gratuitement à la Société du Grand Paris, à sa demande.
Par ailleurs, la maîtrise d'ouvrage publique de la réalisation des nouvelles infrastructures ne fera plus partie des prérogatives du STIF, mais de celles de la Société du Grand Paris. En revanche, le STIF se verra confier la gestion une fois les travaux finis, sans avoir été associé à la conception ni être intégré à la gouvernance de la Société du Grand Paris.
Après avoir dépossédé le STIF de la quasi-totalité de ses actifs par un amendement nocturne au texte ARAF – je sais que ce n’est pas vous qui l’avez déposé, monsieur le secrétaire d’État, mais le secrétaire d’État chargé des transports – vous lui imposez cela aujourd'hui. Si vous voulez la mort du STIF, pourquoi ne pas le dire clairement ?
Autre nouveauté : les contrats de développement territorial qui peuvent être conclus avec les communes et les intercommunalités. Conformes à votre souhait de revenir sur la décentralisation, ils permettent à l'État de récupérer tout ou partie des compétences d'urbanisme dévolues aux communes. Puisque leur seule limite est de concourir à la réalisation de l'article 1er, ces contrats peuvent concerner des zones dont le périmètre peut être très large, puisqu'il n'est pas défini. Ils pourront même concerner des villes situées en dehors de la région parisienne puisque l'objectif est de bénéficier à l'ensemble du territoire national. On a beaucoup de mal à imaginer de quel pouvoir de négociation un maire pourra disposer face à l'État et comment il pourra refuser de signer de tels contrats.
Surtout, ce fonctionnement annule toute ambition d'un projet urbain cohérent, pensé globalement à l'échelle de la région. Le SDRIF, schéma issu d'une longue et fructueuse concertation entre tous les acteurs, porte cette ambition. Mais vous bloquez son transfert au Conseil d'État depuis plus d'un an.
L'article 18 prévoit que les contrats de développement territorial donnent lieu à une mise en compatibilité du SDRIF et des documents de rang inférieur. Cela signifie que votre projet va transformer l’Île-de-France en un véritable gruyère, où chaque gare, et la zone qui l'entoure, seront autant de trous sortant du schéma global.
Vous annoncez que l'urgence justifie de telles mesures, mais rien ne garantit que cette procédure d'exception permettra de gagner du temps. Ce n'est pas celui que vous passerez à négocier les contrats qui sera long – dans ce domaine, je vous fais confiance et certains préfets sont déjà à l'œuvre avant même le vote de la loi – mais le mécanisme de mise en compatibilité, qui est juridiquement incertain. Avant que la Société du Grand Paris ne puisse préempter ou exproprier, il faudra mettre en compatibilité le SDRIF, ce qui nécessite une consultation publique et un décret en Conseil d'État. Cela prendra au minimum un an. Ensuite, ce sera au tour des plans locaux d’urbanisme d'être modifiés. Là aussi une consultation publique est nécessaire, ce qui prolonge d'au moins dix mois les délais. En conséquence, entre la signature d'un contrat de développement territorial et le moment où il prendra effet, il faudra attendre près de deux ans, sans compter l'incertitude juridique créée aux quatre coins de l’Île-de-France puisqu’aucun dossier ne saurait être tranché par les juges administratifs tant que des procédures sont en cours. Vous allez ouvrir de véritables nids à contentieux, pour rien, puisque les contrats de développement territorial ne vous permettront pas d'aller plus vite.
Mes chers collègues, je déplore aussi la manière dont nous travaillons. Alors que le cœur de ce projet de loi est un schéma de transport, aucune carte n'a été présentée aux parlementaires. Seule la presse en a eu connaissance.
Ce flou organisé sur le tracé s'accompagne de sérieux doutes quant à l'articulation de votre « grand huit » avec le réseau ex