13 Octobre 2007
Une nouvelle étape dans la longue gestation du Schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) commence lundi 15 octobre, avec l'ouverture d'une enquête publique, tandis que l'exécutif de gauche de la région s'oppose vivement à Nicolas Sarkozy et François Fillon sur ce texte.
Le Sdrif doit notamment fixer les grandes orientations du développement économique et urbanistique de l'Ile-de-France à l'horizon 2030. L'enquête durera jusqu'au 8 décembre, mais il faudra plusieurs mois avant qu'elle ne soit exploitable et ses résultats versés au débat. C'est l'Etat qui aura le dernier mot, en acceptant ou non de transmettre le schéma au Conseil d'Etat pour validation. En 2004, la région a décidé de réviser le Sdrif actuel, qui devait aller en principe jusqu'en 2015. Le chantier a été confié à Mireille Ferri, vice-présidente (Verts), et un projet adopté par la région le 15 février. Dès leur arrivée aux affaires, le président de la République et le premier ministre s'en sont pris à ce projet qu'ils jugent inadapté à l'importance de l'Ile-de-France, dans la vie du pays et dans la compétition internationale.
Le 26 juin, en inaugurant le nouveau terminal de l'aéroport de Roissy, M. Sarkozy a dressé le constat d'une Ile-de-France en manque de "croissance" et de "cohésion", puis a donné sa vision de l'avenir. Il a notamment repris à son compte l'idée d'un "Grand Paris" et demandé que le Sdrif soit remis en chantier pour définir une "stratégie efficace". Le 11 juillet, M. Fillon a formalisé cette requête présidentielle, en sommant la région, présidée par Jean-Paul Huchon (PS), de surseoir à la procédure engagée, pour élaborer un texte plus conforme à "l'ambition" définie par M. Sarkozy. Faute de quoi, le premier ministre ne transmettrait pas le texte au Conseil d'Etat. Après la trêve estivale, l'offensive a repris dès le 19 septembre, avec un communiqué du préfet de la région Pierre Mutz renouvelant de "fortes réserves". En réponse, M. Huchon a lancé l'enquête publique, comme prévu... La complexité de la procédure est à la hauteur de celle des enjeux. Le débat mêle de façon étroite questions de fond et préoccupations électorales immédiates. Les deux volets essentiels du Sdrif, eux-mêmes indissociables, sont le logement et les transports. Les besoins en logements sont considérables. Mais si l'étalement urbain - que le précédent schéma directeur n'est pas parvenu à endiguer -, continue à se propager, la question des transports deviendra de plus en plus inextricable. Le clivage politique entre la droite et la gauche sur ces points est réel, mais souvent masqué par la technicité des débats : peut-on ou non densifier sans consommer davantage d'espace ? Dans quelle mesure une liaison directe par rail Paris-Roissy est-elle prioritaire par rapport à d'autres transports publics ? Dans les discussions sur le Sdrif comme sur le "Grand Paris", se profile, en filigrane, la question des inégalités territoriales et sociales. Ainsi les orientations développées par M. Sarkozy reviennent à renforcer davantage les points forts de l'économie régionale, comme la Défense. La gauche craint qu'un tel choix ne pérennise, voire n'accentue les inégalités, en particulier entre le nord-est et le sud-ouest franciliens. Même si la droite se garde de contester les principes mêmes qui inspirent le nouveau Sdrif : développement durable, logements notamment sociaux plus nombreux et mieux répartis, transports en commun... Pour Jean-Paul Planchou, président du groupe PS au conseil régional, "on est en pleine hypocrisie", car c'est bien "une bataille politique frontale" qui se livre autour du Sdrif, entre deux "visions" de la région.
Mais les désaccords se trouvent aussi au sein de la gauche, entre certains maires, sur la répartition des logements sociaux, ou bien entre les deux dirigeants PS, le maire de Paris Bertrand Delanoë et Jean-Paul Huchon. La visibilité politique et médiatique du premier est, par nature, plus forte que celle du second, mais la ville ne peut pas faire l'impasse sur la région. Les intérêts politiques des deux collectivités, et de leurs chefs, ne coïncident pas forcément, bien que leurs problèmes (transports, pollution, logement...) soient le plus souvent liés. Dans les premières années de la mandature Delanoë, les élus régionaux ont eu le sentiment que la ville faisait cavalier seul. Le président de la région ne l'a pas oublié, et ce choix initial pèse encore sur ses relations avec le maire. Le débat sur le "Grand Paris" s'imbrique dans celui sur le Sdrif et le complexifie encore un peu plus. Lorsqu'il l'a évoqué à Roissy, M. Sarkozy savait très bien que M. Delanoë et son équipe étaient ralliés à l'idée d'une telle structure, dont la forme reste toutefois à définir. M. Huchon, à l'inverse, était très réticent face à ce qu'il percevait comme le risque, pour lui-même et la région, de se retrouver cantonnés à l'aménagement des "franges de la banlieue excentrée". "L'agglomération, pour moi, c'est la région", a-t-il répété. La première réaction de la Mairie de Paris au discours de Roissy a été étonnamment positive, avant que M. Delanoë ne corrige cette impression en durcissant le ton à l'égard de M. Sarkozy. Dans les deux dossiers, M. Huchon pourrait être la cible principale du président de la République. Ce dernier paraît en effet sceptique sur la possibilité d'enlever à M. Delanoë la Mairie de Paris en 2008, et aurait plutôt comme objectif de regagner la région deux ans plus tard. En s'opposant au Sdrif, il s'agit bien sûr de décrédibiliser la gestion socialiste. Quant au "Grand Paris", en reprenant l'idée à son compte, M. Sarkozy pouvait espérer enfoncer un coin entre MM. Delanoë et Huchon, tout en affaiblissant le second. Mais à l'approche des élections municipales et cantonales de 2008, les deux dirigeants PS, faisant taire leurs divergences, se sont rapprochés. M. Huchon a accepté le principe d'une structure propre au coeur d'agglomération, tandis que M. Delanoë indiquait au Journal du dimanche du 23 septembre que "faire sans la région, c'est l'échec assuré". Dans ce contexte politique compliqué, la phase de l'enquête publique sur le Sdrif pourrait prendre une grande importance : en fonction de ses résultats, elle facilitera ou non le "compromis" acceptable souhaité par M. Planchou, qui estime que le pouvoir est plutôt tenté d'aller à l'affrontement, en bloquant le schéma. Quitte à jouer la crise. Après l'échec du précédent schéma directeur, qui s'est montré inefficace pour ordonner et canaliser le développement de l'Ile-de-France, la région phare du pays courrait alors le risque d'une paralysie de l'action publique. Jean-Louis Andreani Article paru dans l'édition du 14.10.07.
Un seul petit commentaire : dès le début du débat sur la gouvernance ( et c'est dès le 5 décembre 2001 que la municipalite parisienne affirmait la nécessité de crééer un lieu de dialogue politique au coeur de l'agglomération) nous avons toujours affirmé que la Région était un partenaire essentiel. D'ailleurs la Conférence Métropolitaine à laquelle l'article ne fait pas référence n'a vue le jour qu'à partir du moment ou la Région en a accepté la concrétisation. Pierre Mansat