9 Octobre 2009
M. Pierre MANSAT,
Après un débat de trois heures, évidemment, je ne reprendrai pas l'ensemble des interventions.
Je crois malgré tout que ce débat nous a permis de progresser de façon extrêmement importante sur la base d'un texte que nous avons eu tardivement. Il est assez inexact de dire que nous n'avons jamais souhaité discuter du Grand Paris, mais pour pouvoir en discuter, encore eût-il fallu disposer d’éléments tangibles. C'est seulement le 28 août que le Premier Ministre a adressé au Maire de Paris un texte dont la presse nous dit aujourd’hui, d'ailleurs, qu'il est en train d'être modifié, en même temps qu'il l’adressait au Conseil d'Etat, ce qui dit l'ambition de cette concertation que l'on voulait avoir avec les collectivités, qui se résume, comme l’a dit Jean-Pierre CAFFET tout à l'heure, à une rencontre avec une dizaine d'élus- les présidents de la région, de quelques conseils généraux, et quelques présidents d'intercommunalités. C'est à cela que s'est réduite la concertation sur le projet de loi Grand Paris, ce qui, évidemment, est extrêmement problématique puisque nous sommes là devant des dispositions qui bouleversent l'ensemble du dispositif de l'organisation des collectivités territoriales.
David ASSOULINE l’a évoquée, ainsi que Marie-Pierre de LA GONTRIE : la question de la libre administration des collectivités territoriales est très mise à mal, effectivement, dans ce texte. Texte dont je dois rappeler qu'il doit être mis en rapport avec d'autres initiatives gouvernementales qui vont dans le même sens. Nous aurons l'occasion d'en parler dans la 3e Commission, mais l'amendement sur le S.T.I.F., contrairement à ce qui a été dit, prive les collectivités de leur capacité de maîtriser les réseaux et les projets de transport et ouvre la voie, très vraisemblablement, à une future privatisation de la société R.A.T.P..Tout cela étant parfaitement en accord avec un document que le Préfet de Région vient de rendre public, intitulé "les orientations stratégiques de l'Etat régional pour les trois dernières années" où le S.T.I.F. dans ces 40 pages de texte a disparu et où le Préfet de Région affirme que c'est à la Préfecture de Région de mettre en œuvre le schéma de transport dit du Grand Paris.
Le débat a permis de mettre en évidence cet écart extraordinaire entre des discours que l'on ne pourrait qu'approuver, parfois formulés avec talent, M. POZZO di BORGO, Mme SACHS, ou bien d'autres orateurs, excusez-moi, Monsieur BOURNAZEL, de ne pas citer le talent de tout le monde, je ne fais pas de favoritisme,beaucoup de talent dans l'énoncé de l'ambition. Le problème est que les textes qui sont proposés n'ont rien à voir, mais strictement rien à voir avec cette ambition affirmée, qui pourtant pourrait faire évidemment consensus. L'urgence à agir, réfléchir à l'échelle métropolitaine avec une ambition et prendre la codécision comme fondement de toute politique publique ambitieuse pour cette métropole, évidemment tout cela ne pourrait faire que consensus,
Mais bien évidemment l'ensemble de tous les élus de la majorité de tous les groupes qui se sont exprimés ce matin a décrypté le projet de loi : Il est profondément rétrograde et inefficace à la fois dans son absence d'ambition ou dans des visions tout à fait obsolètes. Il contredit ce qui est l'efficacité aujourd'hui dans un pays moderne comme le nôtre, c'est-à-dire les collectivités locales, porteuses de l'intérêt public collectif et pas seulement parce que elles y contribuent financièrement de façon extrêmement importante, mais parce qu'elles ont acquis du fait de la décentralisation qui est à l'œuvre dans notre pays depuis des dizaines d'années, une compétence, un savoir-faire, un rapport aux citoyens, aux territoires sans lesquels il est tout à fait illusoire d'imaginer un projet d'avenir.
On est très étonné devant cette situation, et tout à l'heure, Monsieur le Maire, vous disiez, il faudrait faire une lecture à haute voix de ce projet de loi, parce que cette lecture suffit à détruire toute la rhétorique et les envolées poétiques qui sont faites sur l'ambition qui serait celle du Président de la République et du Gouvernement dans cette affaire.
Je suis assez étonné que l'ensemble des élus de droite se satisfasse de très peu de choses, alors qu'elles sont tellement contradictoires avec les processus de décentralisation à l'œuvre depuis des années et qui elles font consensus dans notre pays.
On pourrait parfaitement décider de reprendre ce projet de loi et d'introduire partout la codécision. Une façon moderne de penser les rapports de l'Etat avec les collectivités et pas ce retour à quelque chose qui relève plus de l'incantation que de la réalité d'un Etat stratège, qui serait omniscient. Comme si toutes ces dernières années l'Etat avait fait la preuve de cette capacité de stratégie d'omniscience !, Notamment dans le domaine financier, on attend encore les preuves de cette immense capacité qui nous est aujourd'hui vantée. L'exemple des transports en Ile-de-France en est là la meilleure illustration. Je ne prendrai que cet exemple, puisqu'il est au cœur du projet Grand Paris et qu'il a été repris par de nombreux orateurs, on est là vraiment dans la démonstration par l'inverse : absence de vision de l'Etat, désengagement de l'Etat alors qu'il était ultra majoritaire dans le syndicat des transports jusqu'en 2006, aucune grande infrastructure, et depuis 2002 désengagement de plus de 40 % de l'Etat dans les financements des grandes opérations de transport dans notre Région.
L'Etat et ses défenseurs - je suis désolé pour les élus Nouveau centre U.M.P. qui se font défenseurs ici - mais l'Etat n'a vraiment pas fait la preuve de sa capacité à porter les intérêts des Franciliens et des intérêts du développement de la métropole, et ne fait pas non plus la preuve de sa capacité de stratège avec ce projet de transport dit "Grand Huit". Il n'a été validé par personne, mais élaboré dans des cabinets ministériels avec sans doute des gens compétents, mais cela ne fait pas la compétence pour décider d'une infrastructure de 130 kilomètres qui sera là pour plus d'un siècle. Ce, alors que dans le même temps, des projets indispensables pour la vie quotidienne des gens et pour le développement de la métropole, le prolongement de la ligne 14, le prolongement d'Eole à l'Ouest et à l'Est, les réseaux de R.E.R., Arc express sont des projets ficelés pour lesquels les collectivités ont déjà mis l'argent sur la table et qui n'attendent plus qu'une chose, la décision de l'Etat et la contribution financière de l'Etat. Ce qui est attendu par les citoyens - parce que c'est la vérité qu'il faut faire aujourd'hui devant les Franciliens - ce n'est pas nous faire rêver avec un réseau de transport qui passera à 15-20 kilomètres parfois dans des champs, qui sera là en 2017 ou 2020 face à des projets existants et qui sont coincés uniquement parce que l'Etat refuse de donner son accord et les financements qui vont avec.
Quelques mots sur le partenariat et sur la qualité de ce qui nous est proposé. Non, Madame DOUVIN, le projet de Christian BLANC ne permet pas d'irriguer les territoires, il provoquera du zonage, de la périurbanisation, de nouvelles coupures urbaines, toujours plus de déséquilibre et d'inégalité dans notre métropole, dans notre Région. Il ne suffit pas de l'affirmer pour que cela devienne une réalité, c'est la logique de sa conception.
Non, Monsieur POZZO di BORGO, ce projet ne donne pas du souffle pour la métropole, au contraire il nous tire en arrière vers une conception très ancienne qui d'ailleurs a fait les preuves de son inefficacité dans un certain nombre de métropoles.
Paris et la Région Ile-de-France résistent mieux à la crise. Et d'ailleurs, Madame DATI, relisez ce que dit le Préfet sur la place de la Région Ile-de-France, la Région la plus productive et la plus importante, la plus riche d'Europe et une des quatre et cinq régions les plus productives du monde et ce rang ne se dément pas contrairement à ce que vous venez de nous dire.
Cette conception, qui nous est proposée par Christian BLANC, ( et il nous annonce d'autres projets de loi), mais on aurait aimé que cela commence par cela, s'abstrait des réflexions des architectes de la consultation internationale, à laquelle la Ville de Paris a répondu présente immédiatement et ne répond absolument pas aux enjeux d'une métropole moderne de l'après Kyoto, qui est celle que nous posons aujourd'hui.
En bref, pour terminer un décryptage qui a été fait de ce projet de loi complètement obsolète, autoritaire, inefficace qui ne répond absolument pas aux enjeux, alors que dans le même temps il y a une voie moderne, dynamique et qu'énormément d'acteurs sont disponibles pour d'autres façons de procéder, je rappellerai que le Maire de Paris et la Municipalité parisienne sont à l'origine de cette question., Cela vous déplaît, mais depuis 2001 cette question de la métropolisation, du rapport de Paris avec l'ensemble de la Région, pas seulement avec ses voisins immédiats, cette question était posée par Paris. En fait, c'est l'initiative de la Municipalité parisienne qui a débloqué le système politique et permis qu'aujourd'hui, on s'engage dans des débats extrêmement importants. A nous de relever ce défi pour que cela ne se termine pas en eau de boudin, une eau de boudin autoritaire, archaïque, et qui ne permettrait pas justement de répondre à ces défis.
C'est ce qui nous est malheureusement proposé par le projet de loi Grand Paris par la décision prise vis-à-vis du S.T.I.F. ou les choix gouvernementaux. Il y a, notamment de la part des collectivités locales de toutes opinions d'ailleurs réunies au sein de Paris Métropole la volonté de répondre de façon moderne et dans un partenariat tel que nous l'envisageons avec l'Etat, mais bien sûr cela nécessite de repousser les réponses archaïques. Je pense à la proposition qui est formulée dans le vœu des "Verts", de créer une intercommunalité à la place de Paris au moment où l'ensemble des collectivités se posent la question de s'unir pour mieux coopérer, pour mieux trouver les voies d'une réponse dans une métropole aussi imbriquée et interpénétrée que la nôtre, la voie d'une solution qui éclaterait Paris, même réunie au sein d'une éventuelle intercommunalité, parce que pour faire une intercommunalité, il faut accepter de rentrer dans l’intercommunalité, et je ne vois pas le 16e ou le 7e arrondissement accepter de rentrer dans une logique comme celle-là. Il faut donc repousser cette réponse qui est assez archaïque et s'engager vers une voie dynamique et ouverte qui est celle proposée par Paris Métropole. Je crois que nous allons trouver ce chemin.
(Applaudissements.)