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Pierre Mansat et les Alternatives

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> La série de l'été: Couthon est un vieux camarade

Couthon est un vieux camarade

1755-1794 . J’ai bien connu son fils, Antoine, que j’ai côtoyé dans le Puy- de-Dôme, à Moscou et à Santa Margherita Ligure. Nous nous sommes d’autant mieux entendus que nous ne manquions pas de points communs.

À commencer par une femme gauchère, aimant les cerises et les paysages majestueux.

Lui, le père, je l’ai croisé plusieurs fois. En cours moyen deuxième année, où il était déjà l’ami de Robespierre et où il est devenu mon ami, puisque les amis de nos amis sont nos amis ; à la Sorbonne, où il était toujours l’ami de Robespierre, donc l’ami de François Hincker ; dans les années quatre-vingt, où je l’ai beaucoup fréquenté. Il était très impressionnant, mais très doux. Je ne comprends pas pourquoi on l’a surnommé « le Tigre altéré de sang ». Bien sûr, il y a la loi de prairial pour renforcer ce qu’on appelle la Terreur, sans bien saisir ce que signifiait à l’époque, en français, le mot « terreur ». Bien sûr, cette loi a envoyé à la guillotine des citoyens innocents. Mais ce n’était pas la soif de sang qui motivait Couthon, je vous le garantis. Et puis, le tigre n’est pas forcément l’animal féroce et le père inexorable que disent les dictionnaires. Il est aussi royal, élégant, simplement sauvage. Ici et là des esprits brillants l’ont compris, Clemenceau, Raphaël Meltz et Laetitia Bianchi - sans oublier Mao, qui se moquait du tigre de papier.

On peut voir au musée la chaise de Couthon. C’est une espèce de chaise roulante en tissu jaune citron. Depuis deux ans, il avait perdu l’usage de ses jambes. La nuit du 9 thermidor, dans le chaos et la cohue, il a tenté de s’enfuir sur les épaules d’un gendarme que la Convention lui avait alloué, mais il a été arrêté, couché sur un brancard, sa culotte gris perle maculée d’urine, porté sur l’échafaud, mais impossible de faire tenir son cou dans la lunette de la guillotine, on ne va pas quand même pas lsur le dos, alors on le met de côté et à six heures presque cinquante le bourreau lâche la corde qui libère le couperet.

Mais reprenons les choses au commencement.

Couthon est né en décembre 1755, un mois après le tremblement de terre de Lisbonne qui impressionnera Candide. Il naît dans un milieu de robins et de marchands. Il suit des études de droit. Il devient avocat. Il défend notamment les pauvres. Il dénonce les privilèges de la noblesse. Il fréquente des sociétés littéraires et il prononce un joli discours sur la patience. Il se plaît même à écrire quelques pièces de théâtre. On fait volontiers l’éloge de son bon caractère et de son talent.

En somme, c’est le profil classique d’un homme des années 1780. Il suit les événements du printemps et de l’été 1789 d’assez loin, c’est-à-dire de Clermont. Il n’en est pas moins passionné et révolutionnaire à sa façon. En octobre, il propose ainsi une souscription d’humanité pour les miséreux : « En prévenant les besoins impérieux des pauvres, vous les rendrez meilleurs et vous parviendrez infailliblement à la sûreté des riches. » Ce n’est pas à proprement parler du Lénine.

Il s’affirme comme jacobin. Malgré le début de sa paralysie, il est élu à l’Assemblée législative à l’automne 1791 et s’y montre actif. Par la suite, il devient montagnard, mais lentement. Il n’a pas de sympathie excessive pour les sans-culottes ni pour cet autre malade qu’est Marat. Il entre au Comité de salut public et défend la Terreur, mais, s’il fait preuve de fermeté, il observe une certaine clémence, comme le prouve son attitude à Lyon lorsque la Convention décrète la destruction de la capitale des Gaules.

Au printemps 1794, Couthon et sa femme quittent la maison près du Pont-Neuf, à proximité des bains. Ils viennent loger rue Honoré, chez le menuisier Duplay. Le soir, il retrouve les frères Robespierre, Saint-Just, Lebas et une escouade d’enthousiastes, et ils déclament des vers latins qui chantent la gloire de Rome, ils versent une larme sur les malheurs de Bérénice et boivent des chocolats chauds qui changent Couthon de ses bouillons de veau et de ses gouttes d’opium. Et puis, tout ce beau monde est repris par ce qu’on appelle par litote « la force des choses ».

Il trouve que les Exagérés exagèrent et que les Indulgents sont trop indulgents. Il ne fait pas un geste pour sauver Jacques Roux et Camille Desmoulins. Il rapporte donc la loi désastreuse de prairial qui supprime l’interrogatoire préalable et la défense des accusés. Et pourtant, en même temps qu’il se soumet à la logique de la force des choses, il songe aux modalités d’achat du manuscrit de la Nouvelle Héloïse et à créer une collection de liliacées du cap de Bonne-Espérance. Il continue de croire en une sorte de dieu plus ou moins suprême et au sens de l’histoire. Le 9 thermidor, l’histoire le rattrape.

À sa mort, ceux qui l’avaient acclamé décident de raturer son nom sur les registres d’état civil, comme s’il n’avait jamais existé. Au cours de farandoles merveilleuses, ils brûlent les portraits du cul-de-jatte abhorré. À même pas sept ans, Antoine grandit dans ce climat délétère. Il n’en eut pas moins une vie bien remplie et honora la mémoire de son père.

L’Arbre de vies, Points-Seuil.

Bernard Chambaz

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