Nicolas Sarkozy doit révéler mercredi 29 avril son plan de développement de la « région capitale ». Retour sur le premier acte de la construction d’un projet qui s’accélère mais reste bien compliqué Le parc de La Courneuve transformé en Central Park, un projet imaginé par l'équipe d'architectes Castro, Denissof-Casi (image Castro-Denissof-Casi)
Si Paris ne s’est pas fait, selon l’adage, en un jour, Nicolas Sarkozy espère bien que le « Grand Paris », lui, se concrétisera rapidement. Le chef de l’État doit dévoiler mercredi 29 avril son plan de développement de la « région capitale » à laquelle il a dédié en mars 2008 un secrétariat d’État confié à Christian Blanc.
Le président de la République s’exprimera à l’occasion de l’inauguration d’une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, exposition consacrée à des projets d’architectes et d’urbanistes sur la question (1).
La mégalopole du XXIe siècle
Depuis neuf mois, dix parmi les agences internationales d’architecture les plus prestigieuses ont planché sur la «mégalopole du XXIe siècle de l’après-Kyoto ». Elles ont rendu leurs très volumineuses copies le 12 mars mais s’inquiètent que leurs propositions ne soient pas prises en compte. Christian Blanc a affirmé qu’il travaillerait à favoriser les convergences entre leur travail et le plan gouvernemental.
Ce plan, le secrétaire d’État en a dévoilé quelques aspects voici un mois. Il s’appuie sur le développement de sept ou huit territoires économiquement spécialisés (Saclay, Champs-sur-Marne, Orly-Rungis, Roissy-Villepinte…) et sur la construction d’un métro souterrain automatique autour de Paris. Il relierait dans un « grand huit » de 130 kilomètres les pôles économiques, les aéroports et les gares TGV. Coût estimé : entre 15 et 20 milliards d’euros.
Opposition Blanc/Huchon
Le conseil régional d’Île-de-France prône au contraire une boucle ferroviaire en banlieue d’une soixantaine de kilomètres pour réunir, peu ou prou, les terminus des lignes de métro. Le président PS francilien, Jean-Paul Huchon, a lancé à la fin mars son propre « plan de mobilisation » de plus de 19 milliards d’euros pour les transports, un plan qui comprend également le renouvellement du parc RER et le prolongement de plusieurs lignes de métro.
L’opposition entre Christian Blanc et Jean-Paul Huchon concerne aussi la vision économique. Le conseil régional attend toujours que son schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif), adopté en septembre 2008, soit enfin transmis par le gouvernement au Conseil d’État pour être validé.
Mais le secrétaire d’État estime qu’il manque d’ambition en se fondant sur une croissance annuelle de 2 %. Lui dit parier sur 4 à 5 %. « Avec la crise, les objectifs de Christian Blanc sont pourtant de moins en moins crédibles », estime un responsable de la région.
Paris métropole à maturité
Dernière bataille autour du Grand Paris : celle des institutions. La première mouture du rapport du « comité Balladur » sur la réforme des collectivités locales a dans un premier temps prôné la fusion entre Paris et les trois départements de la petite couronne. Devant la grogne de la plupart des élus franciliens de la majorité présidentielle, Nicolas Sarkozy devrait renoncer à l’idée, peut-être au profit d’une intercommunalité.
Pendant ce temps, « Paris Métropole », le syndicat de commune initié en 2001 par le maire socialiste parisien Bertrand Delanoë, arrive à maturité. « Nous attendons d’un jour à l’autre que le préfet prenne l’arrêté de création de ce syndicat mixte », indiquait il y a une semaine Pierre Mansat, l’adjoint PCF en charge du dossier. « Nous en modifierons alors les statuts pour répondre aux demandes des collectivités de droite. »
De plus en plus de responsables UMP sont en effet tentés par cette structure de concertation mais à certaines conditions. «Nous sommes favorables au dialogue entre les collectivités, explique Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine. Mais il faut qu’il y ait parité entre la gauche et la droite. »
Enjeu majeu pour l'économie française
Si le Grand Paris avance dans une relative confusion, tous les acteurs sont pourtant d’accord sur la nécessaire évolution des structures de la région parisienne. « Le manque de cohérence des politiques des transports et du logement ne permet pas de résoudre ces problèmes essentiels pour les Franciliens », dit Patrick Devedjian. Selon Pierre Mansat, « beaucoup d’habitants se sentent exclus des richesses de la région. »
La construction de ce Grand Paris apparaît enfin comme un enjeu majeur pour l’économie française, notamment au regard de la mondialisation qui met en concurrence les grandes métropoles. L’enjeu est aussi national. « L’Île-de-France compte moins de 20 % de la population française mais génère un tiers du PNB », rappelle Michael Storper, professeur de géographie économique à Sciences-Po.
Revoir la fiscalité
Des richesses que nombre de Franciliens redistribuent dans l’Hexagone en voyageant ou en s’installant en province à la retraite… « Toutefois », estime l’économiste, « une partie des dysfonctionnements qui pourraient menacer cette création de richesse provient de facteurs nationaux. Il faudrait revoir, par exemple, la fiscalité pour assurer la survie des entreprises liées aux nouvelles technologies. »
Autre facteur important : les élections régionales du printemps 2010 qui risquent d’exacerber les passions. « Espérons que chacun laisse tomber les enjeux de pouvoirs pour avancer », sourit Pierre Mansat.
Michel WAINTROP (
1) Du 30 avril au 22 novembre au Palais de Chaillot, place du Trocadéro, à Paris.