25 Février 2009
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François Mitterrand se voulait bâtisseur. M. Sarkozy a davantage la fibre de l'aménageur. Mais à l'heure où certains au gouvernement évoquent l'avènement d'une nouvelle ère Delouvrier en référence au préfet qui imagina les villes nouvelles sous le général de Gaulle, l'Etat bute sur une contrainte : il n'a plus les moyens politiques et financiers d'imposer un schéma, encore moins de planifier un développement de la région sans l'accord et le soutien des élus. Or, si tous s'accordent sur le diagnostic, aucun n'est d'accord sur les remèdes pour soigner les maux de la capitale : pénurie de logements, saturation des réseaux de transports, étalement urbain coûteux pour les ménages et nuisible pour l'environnement, déséquilibre entre logements à l'Est et bureaux à l'Ouest, mal-vivre des cités de banlieue.
Nicolas Sarkozy a placé par deux fois au centre du débat la question de la gouvernance. Evoquant en juin 2007, à Roissy, la création d'une communauté urbaine comme un impératif pour améliorer l'attractivité économique de la région, il a lancé, en septembre 2008, à Toulon, la réforme du millefeuille institutionnel des collectivités, ouvrant la voie aux propositions du comité piloté par Edouard Balladur. L'ex-premier ministre, longtemps élu parisien, propose la fusion des quatre départements de la petite couronne et la disparition des intercommunalités au profit d'une collectivité du Grand Paris. Objectif : mettre fin à l'émiettement du pouvoir local considéré comme un blocage structurel à la décision politique.
Cette thèse est repoussée par la plupart des élus franciliens socialistes et par certains ministres franciliens du gouvernement. "Au secours, Descartes ! Reviens !", lançait Patrick Devedjian, il y a quelques mois, à propos d'un tel scénario de disparition des départements. "La raison voudrait qu'on se demande pourquoi on veut réformer la gouvernance avant de se demander comment", ironisait alors le président du conseil général des Hauts-de-Seine, qui n'était pas encore ministre de la relance.
Volontaires pour mener les régionales en Ile-de-france en 2010, ses collègues du gouvernement, la ministre de l'e, enseignement supérieur Valérie Pécresse et le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement Roger Karoutchi, sont également rétifs au changement et défendent le statu quo institutionnel. Quant au maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë, il a pris la tête d'un front du refus des élus de gauche franciliens, inquiets de se voir dessaisis de leurs prérogatives au profit d'une recentralisation des pouvoirs de l'Etat en matière de logement et d'urbanisme notamment.
Même s'ils appellent à un retour de l'Etat pour corriger le "malthusianisme" des maires en matière de grands projets urbains, les dix équipes pilotées par les architectes récusent eux aussi l'idée d'un retour à une "planification autoritaire" de l'Etat. "Delouvrier a fait les villes nouvelles à une époque où il n'y avait pas de pouvoir communal aussi fort qu'aujourd'hui", rappelle l'urbaniste Philippe Panerai.
Les équipes d'architectes qui ont remis leurs travaux au ministère de la culture, le 19 février, ne mettent pas en avant la question de la gouvernance du Grand Paris. ils interrogent, en revanche, les "liens" et les "flux" qui existent entre la capitale et ses voisins. Et concluent à la nécessité de créer de la continuité entre la capitale et sa banlieue même éloignée de ses frontières.
De son côté, Christian Blanc, le secrétaire d'Etat à la région capitale, a repoussé ses propositions en matière de gouvernance de la métropole, estimant que les projets de transports et de développement de nouveaux pôles économiques étaient bien plus stratégiques que la question politique. Mais il se heurte à la question des pouvoirs locaux. Derrière ce grand chantier pointe la question du partage des richesses locales. Des départements aussi puissants que Paris et les Hauts-de-Seine ont compris qu'ils devraient, à terme, partager leur trésor de guerre. Mais ils n'ont pas envie de se faire dicter la loi par un Etat impécunieux.