16 Décembre 2008
Lisez ce dossier, le premier paragraphe est beau comme une oraison funèbre.
Le Grand Paris dans l'ombre de Sarkozy
Et profitez en car - et c'est une triste nouvelle- Paris Obs est supprimé en 2009.
ParisObs, Guillaume Malaurie en était le rédac chef, est le premier journal a s'être saisi de la question, dès 2001. Cherchez dans les archives de ce blog.
C'est un peu l'histoire d'un hold-up. Un hold-up singulier, avec ses victimes, qui, sans être consentantes, portent leur part de responsabilité. Et son commanditaire masqué, omnipuissant derrière la pléthore des hommes liges. C'est aussi l'histoire d'une injustice. La construction du Grand Paris doit beaucoup à la gauche parisienne, et tout particulièrement à la volonté d'un homme, Pierre Mansat, petit élu communiste du 20e, ancien postier, devenu un acteur majeur de la scène francilienne. A partir de juillet 2006, Delanoë et son «adjoint chargé des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France» (ça ne s'invente pas) se sont mis en tête d'inventer une nouvelle forme de gouvernance, réunissant une soixantaine d'élus de petite et grande couronne au sein d'une instance de concertation informelle appelée Conférence métropolitaine. Ils ont rêvé d'une agglomération plus cohérente, plus égalitaire. Où les habitants du petit et du grand Paris pourraient prétendre à une même qualité de services, d'aménités urbaines, et d'accessibilité. Lignes de métro et Vélib'y compris...
Gauche, droite, quelle vision de la métropole ?
Le Grand Paris de Delanoë était une belle idée. On peut se demander s'il n'est pas en passe de péricliter. A peine porté sur les fonts baptismaux, le syndicat mixte d'études Paris Métropole, premier embryon d'une gouvernance métropolitaine, est déjà en crise (lire page 14). Gauche contre droite, et gauche contre gauche, la mairie de Paris et la Région, menée par Jean- Paul Huchon, s'affrontant brutalement en coulisse. Dans ce contexte troublé, des élus peu suspects de sarkophilie comme Stéphane Gatignon, jeune maire communiste de Sevran (93), en viennent à «remercier tonton Sarkozy» d'impulser le tempo. «Il faut être honnête, Sarko a un temps d'avance. Il réfléchit à quelle société on construit demain. Alors qu'à gauche, une fois de plus, on est infoutu de produire la moindre vision de la métropole.»
Blanc, Karoutchi, Jego... quel pilote pour l'agglomération ?
Etrange situation. Sur le Grand Paris, jusqu'à présent, Nicolas Sarkozy est loin d'avoir fait ses preuves. Il a certes multiplié les déclarations, mais souvent sibyllines, parfois contradictoires. Se focalisant un jour sur les grands projets d'urbanisme, contributions majeures à sa «politique civilisationnelle». Se passionnant ensuite pour la question de la gouvernance (quel pilote pour l'agglomération ?), alors que début 2008 il renvoyait ce chantier à un horizon de moyen terme. Privilège de la fonction, le Président n'a pas à se soumettre au jeu des questions-réponses. Et, vertu du décideur avisé, il a su multiplier les pistes, pour garder une marge de manoeuvre maximale. Blanc, Karoutchi, Jego, Pécresse, Copé, Ollier, Balladur, Dallier... Sarko n'a pas un mais une bonne dizaine de barons Haussmann. Il laisse chacun s'exprimer. Et quand la splendeur volontariste d'une initiative commence à se faner, s'applique immédiatement à en lancer une nouvelle. Au menu : le lancement de la consultation internationale sur le Grand Paris, en janvier dernier, avec dix des plus grands architectes mondiaux chargés d'imaginer la métropole de l'après-Kyoto (rendu : février 2009). Puis la nomination de Christian Blanc, en mars, au poste de secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale. Et, enfin, l'installation du comité Balladur pour la réforme des collectivités locales fi n octobre, à qui le Président a demandé de traiter spécifi quement le cas francilien. Désordonnée, la méthode Sarkozy ? Oui, mais finalement assez efficace. Cet activisme a permis de mettre la pression sur la gauche francilienne. Prévu pour être un processus lent et consensuel, un peu à l'image de la construction européenne, le Grand Paris de Delanoë se projetait à un horizon de cinq à dix ans. Pas dans la quasi- instantanéité de la réformite sarkozyenne. Contraints d'avancer à marche forcée, les élus de la Conférence métropolitaine ont ainsi accouché d'une structure molle et bancale - un syndicat mixte d'études qui, dans sa propension à générer du psychodrame, pourrait bien légitimer par l'absurde la nécessité de l'intervention étatique.
Transports, logment, quels seront les dossiers prioritaires?
Question tactique, c'est excellent. Reste la stratégie. La crise ouvre une fenêtre d'opportunité pour faire passer des idées révolutionnaires. L'heure H, celle du big bang, semble donc approcher. En sachant qu'il n'est pas possible de tout financer. Et que trancher entre les priorités revient ni plus ni moins à faire des choix de société. Si Sarkozy suit le plan de son secrétaire d'Etat, dont nous vous présentons les grandes lignes en exclusivité, il devrait orienter les investissements en fonction d'une vision très économique de la métropole. Qui revient à privilégier les grands pôles existants (Défense, Saclay, Plaine de France), en exacerbant leur potentiel, tout en les reliant par un système de métros rapides, aussi structurants que le furent en 1965 les RER de Paul Delouvrier.La question est de savoir si le Président se contentera d'adapter la ville à la mondialisation ou s'il se préoccupera aussi de panser les plaies que celle-ci génère, en abordant les questions qui fâchent : les sous et le logement, notamment social, qu'il serait bon de redistribuer plus solidairement sur l'ensemble de l'agglomération. La gauche, mais aussi les architectes du Grand Paris, dans leur vision finalement assez peu bling-bling de l'aménagement (lire page 16), pourraient l'y inciter. Reste à savoir si l'ancien président du 92 acceptera de se convertir à la saine logique de la social-démocratie urbaine. C'est tout l'enjeu des six prochains mois.