11 Novembre 2008
SIBYLLE VINCENDON
Etrange membre du gouvernement. Effacé jusqu'au secret, atypique dans ses méthodes, Christian Blanc, secrétaire d'Etat à la Région capitale, prépare en solitaire depuis huit mois le Grand Paris que Nicolas Sarkozy lui a commandé. Huit mois, c'est long.
Jeudi, Christian Blanc est enfin sorti du bois pour présenter un premier projet autour du pôle scientifique de Saclay. Le voilà donc sur la place publique, mais pas dans les meilleures conditions. Concertation bizarre, phrases énigmatiques, stratégie opaque : le secrétaire d'Etat déconcerte tout le monde et déçoit certains. «Il y a un problème Blanc, c'est clair», dit un familier du dossier de la métropole parisienne. Plus charitable, François Kosciusko-Morizet, maire UMP de Sèvres, dans les Hauts-de-Seine, reconnaît : «C'est vrai qu'il a un mode de fonctionnement très particulier. Mais peut-être nécessaire pour pouvoir travailler.»
Sélectif. L'intéressé revendique le trait. «Si vous prévenez de votre venue quelque part, nous confiait-il début octobre, le préfet est là, la presse est informée.» Lui a choisi de ne pas l'informer : jamais un communiqué ou une conférence de presse, un agenda quasi-vide. Avec les politiques, il est sélectif. Il voit les élus presqu'un par un, sans ordre de priorité déchiffrable. Ses relations avec le président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, sont exécrables. «Il reçoit des 19e adjoints de petites communes et pas nous !» tonne l'élu.
Christian Blanc en tout cas n'a pas de tabous : il trouve faible le Schéma directeur d'Ile-de-France (Sdrif) élaboré par la gauche régionale ? Il demande au Premier ministre de ne pas transmettre au Conseil d'Etat pour validation ce document voté par une assemblée délibérante élue. Avec la ville de Paris, c'est plus calme. Il salue les travaux de la conférence métropolitaine initiée par l'adjoint communiste au maire, Pierre Mansat, structure dont la naissance n'a guère enthousiasmé la région. Diviser pour régner ? Manifestement, la concertation l'ennuie. François Kosciusco-Morizet se souvient de Paul Delouvrier, l'organisateur de la région parisienne du général de Gaulle, et trouve logique que Blanc, lui aussi, élabore ses projets sans en parler : «Tant qu'on n'est pas prêt, on ne papote pas.»
«Vision». La décentralisation a pourtant changé les habitudes. Mais Christian Blanc aurait une piètre opinion des politiques. «Une des premières choses qu'il m'a dites, raconte un proche, c'est qu'il était sidéré par l'absence de pensée dans ce monde politique, l'absence de vision.» Le bazar institutionnel de la région parisienne peut justifier un tel jugement. Aux élus qu'il reçoit, en tout cas, il ne dit rien. «Il est dans le bilatéral et dans l'écoute», dit Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire socialiste de Cachan (Val-de-Marne). Philippe Dallier, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis, partisan d'un Grand Paris qui démarrerait sur une refonte de la gouvernance, raconte comment, après avoir «monologué» deux heures chez Blanc, il est sorti avec la conviction que son propos «n'était pas totalement dénué de fondement» pour son interlocuteur. A tort. «Blanc ne bouge pas là-dessus», reconnaît-il aujourd'hui.
Approximatif. La phraséologie curieuse du ministre rajoute à la confusion. A propos du projet de rocade de métro de proche banlieue, il déclare devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale : «Il ne faut pas faire ce qui aurait dû être fait il y a quinze ans sans tenir compte de ce qu'il faudra faire dans quinze ans !» Pour, contre ? «Vous comprendrez quand vous verrez», nous disait-il début octobre. Pour Saclay, on a vu. Aucune innovation dans ce pôle digne de l'aménagement du territoire en plein champs des années 70. «Il fait une ville nouvelle», dit Philippe Laurent, maire NC de Sceaux (Hauts-de-Seine). La présentation devant les journalistes s'est révélée pénible pour le secrétaire d'Etat, avec un chiffrage approximatif (2,5 à 3 milliards d'euros), un financement flou («nous ferons de l'ingénierie financière») et une coûteuse infrastructure de métro automatique souterrain démesurée pour cette zone peu peuplée.
«Il n'a pas de vision métropolitaine et a les mêmes idées depuis trente ans», dit un politique à la dent dure. Le socialiste Jean-Yves Le Bouillonnec lui accorde des circonstances atténuantes : «Il est enfermé dans la commande du président de la République de faire de Saclay un emblème de la performance française dans les classements mondiaux.» Le secrétariat d'Etat à la Région capitale est un ministère amer