25 Septembre 2008
EXCLUSIF. "Paris Obs" s'est procuré les plans du premier gratte-ciel de l'ère Delanoë. Une pyramide de 180 mètres de haut : un projet de la mairie de Paris et du promoteur Unibail, porte de Versailles. Une révolution dans le paysage... et les esprits.
L'ambiance était électrique. Sur internet, les fondus des hauteurs et passionnés des skylines retenaient leur souffle. Elaboraient des simulations. Echafaudaient 1000 hypothèses. Trente ans qu'aucun projet de tour n'avait été lancé à Paris. Jeudi 25 septembre, le maire de la capitale devrait mettre fin au suspense et dévoiler, lors d'une conférence de presse, les contours d'un immeuble de très grande hauteur nouvelle génération. ParisObs s'en est procuré les plans et vous propose une esquisse du premier gratte-ciel de l'ère Delanoë.
"Une sorte de pyramide de Kheops déformée"
Adresse : le long de l'avenue Ernest-Renan, porte de Versailles dans le 15e. Hauteur : 180 mètres, soit moins que Montparnasse (210 mètres) ou la tour Eiffel (325 mètres). Structure : 50 étages. Forme : triangulaire. "Une sorte de pyramide de Kheops écrasée et déformée par les outils informatiques, avec une base étroite sur la largeur et très étendue sur la longueur", expliquait dès cet été un connaisseur du dossier à ParisObs. En voilà le visage. L'œuvre est signée Jacques Herzog, de l'agence suisse Herzog & de Meuron. Les deux architectes superstars sont déjà les auteurs, entre autres, de la Tate Modern à Londres et du stade olympique de Pékin.
La Ville veut briller à l'international
Le maire de Paris s'est bien sûr réservé le soin de cette spectaculaire annonce, préparée en secret depuis de longs mois. Mais l'affaire n'est pas 100% municipale. Bien au contraire. Le projet est privé. Enserré en plein cœur du Parc des expositions, dans une rue qui relie Paris à Issy-les-Moulineaux (92), il est porté par Unibail, le promoteur concessionnaire de Paris Expo via sa filiale Viparis. Unibail et la Ville ont un intérêt bien trouvé dans l'opération. Le géant des espaces commerciaux, qui gère déjà les Halles, cherche à relancer son activité d'organisateur de salons, malmenée par la concurrence des villes européennes (Milan, Barcelone...). La mairie de Paris, elle, rêve de raviver son éclat international. Le deal entre les deux parties semble scellé : Unibail offre le geste architectural, la Ville signe le permis de construire. Et modifie sur cette parcelle le plan local d'urbanisme pour autoriser le dépassement des 37 mètres, indépassables en principe à Paris.
Des bureaux, un hôtel, des commerces et même un musée
Que trouvera-t-on dans cette drôle de pyramide ? A l'origine, Unibail avait essentiellement prévu de diviser son ventre en deux : une partie, tournée vers le périf, réservée aux bureaux sur une vingtaine d'étages, une autre à un hôtel de luxe de 300 à 400 chambres, orientées, elles, vers Paris. Et à la base du triangle, un centre des congrès. A ce schéma, la Mairie a souhaité ajouter plus d'espaces accessibles au public : des commerces y compris de luxe (bars, restaurants dont un panoramique, boutiques), des équipements (piscine, bibliothèque, jardins publics suspendus), et même un "Musée des langages du monde", consacré aux langues et accents de tous les pays. Un écho aux millions de visiteurs étrangers de la porte de Versailles ?
Convaincre les têtus
"C'est de la dynamite", confie un proche du maire de Paris qui a en tête les chiffres, têtus : les deux tiers des Parisiens sont hostiles aux tours dans la capitale. Comment les convaincre ? Une chance, le Parc des expositions a peu de riverains. Et toutes les précautions ont été prises pour ne pas bousculer la sensibilité des autres. Depuis l'origine, il a été convenu que la forme de l'édifice choisi ne ferait "pas d'ombre sur le 15e". Très étroit (13 mètres) et perpendiculaire aux boulevards des Maréchaux, le bâtiment fait même mieux selon ses promoteurs : il crée une liaison entre la capitale et ses voisines, Vanves et Issy-les-Moulineaux. Il a également été promis qu'il n'y aurait pas de triste dalle façon Olympiades (13e) ou Beaugrenelle (15e), et que l'édifice ne dépasserait pas les 200 mètres alors qu'à Dubaï, on grimpe au-delà des 700. Précautions oratoires enfin : ce triangle est une "piste de réflexion", une "proposition", avance prudemment Anne Hidalgo. La première adjointe, élue du 15e et chargée de l'urbanisme, va entamer très vite une tournée des arrondissements pour user de "pédagogie". "Le projet peut et doit encore être retravaillé", renchérit-on dans son entourage. Notamment en ce qui concerne les exigences environnementales et le montage financier, complexe pour Unibail.
D'autres immeubles de grande hauteur dans les cartons
La Ville pourrait-elle maintenant faire marche arrière ? Pour Delanoë, l'opération de rétropédalage serait calamiteuse, après le précédent des Halles, où il avait semblé trancher, in fine, pour le projet le moins audacieux. Surtout, le maire de Paris a d'autres immeubles de grande hauteur dans les cartons, sur cinq autres sites parisiens : Batignolles (17e), Bercy (12e), Masséna- Bruneseau (13e), porte de la Chapelle (18e) et porte de Montreuil (20e). Le faux pas est donc interdit. Les promoteurs ne l'envisagent même pas. La date d'inauguration est prévue : 2012.