30 Avril 2008
Il y en a qui vraiment n'écoutent pas. Voyez Yves Jégo. Une dépêche AFP datée de lundi nous apprend ce que l'on savait déjà : que le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, sortant de son entretien avec son collègue Christian Blanc (en charge du « développement de la région capitale ») s'est prononcé pour la création d'une communauté urbaine du Grand Paris. Bref d'un « petit » Grand Paris, réduit à la capitale et ses communes limitrophes. Politiquement parlant, ce schéma se défend. Avec son périmètre limité, il ne remettrait pas en cause l'émergence d'une grande région Ile-de-France aux pouvoirs renforcés, dont M. Jégo rêve de prendre les rênes. Sur le fond, l'opportunité de cette énième strate institutionnelle, dotée de quelques compétences partagées (transports, logement, foncier, sécurité) reste en revanche sujette à caution. Son périmètre paraissant juste adaptée à la gestion... du parc de Velib'.
Pour étayer son argumentation, le maire de Montereau (77) cite néanmoins la réticence supposée de ses collègues, édiles de grande banlieue. Voilà un préjugé courant. Les élus des départements « extérieurs » (77, 78, 91, 95), effrayés par les fantômes du Gross Paris s'opposeraient à toute constitution d'une collectivité dotée de pouvoirs propres. Et bien, M. Jégo, manifestement, n'a pas lu les premiers résultats de l'enquête lancée par l'AMIF, l'association des maires d'Ile-de-France présidée par son ami Claude Pernès. Celle-ci donne en effet des résultats fracassants. Parmi les 247 maires de grande couronne (sur 1157) ayant répondu, 56% se prononcent pour la constitution d'une nouvelle collectivité territoriale, 67% estimant même qu'elle devrait être gouvernée par un conseil élu. Interrogés sur le périmètre de ladite collectivité, ils ne sont que 22% à privilégier le système Jégo. Alors qu'ils sont 25% à soutenir le « grand » Grand Paris du sénateur UMP Philippe Dallier, consistant à fusionner les trois départements de petite couronne en une seule entité. Si cela peut consoler le secrétaire d'Etat, précisons que la solution du syndicat mixte ouvert, structure molle à adhésion optionnelle proposée par Roger Karoutchi, l'autre prétendant à l'investiture UMP pour les régionales, ne recueille que 6% de partisans...
Si conservatisme il y a sur la question du Grand Paris, il semble finalement venir contre toute attente de la proche banlieue. Bien que directement concernées par les dysfonctionnements institutionnels de l'agglomération (incapacité à lancer un métro périphérique, à se répartir équitablement les efforts de construction, en matière de logement social...), les communes du 92-93-94 sont pilotées par des édiles, dont les prérogatives seraient nécessairement rognée par l'émergence d'un Grand Paris. Ceci expliquant sûrement cela, les 29 maires de petite couronne (sur 123) interrogés par l'AMIF ne sont ainsi que 9% (contre 56%, rappelons-le, en grande couronne) à soutenir la création d'une collectivité de plein droit. Et 41% à n'être satisfaits par aucune des solutions avancée jusqu'à présent. Ce qui, avouons-le, ne fait guère avancer le schmilblick.
A ce propos, comment ne pas terminer cette chronique par une petite pensée émue pour Claude Goasguen. Le nouveau maire du 16e arrondissement vient d'annoncer sa volonté de « se reconstruire sur le Grand Paris » en fondant un courant dédié à cette question au sein du groupe UMP au conseil de Paris. Cette conversion soudaine ne peut que contribuer à l'enrichissement du débat. Lors de la campagne municipale, les sorties de l'ex-leader de l'opposition parisienne s'étaient surtout focalisées sur la défense des plates-bandes résidentielles du village ouest-parisien. Au grand désespoir de Françoise de Panafieu qui, esseulée dans son propre camp, appelait en vain à une répartition plus équitable des efforts de construction. Au sein du Grand Paris. Comme du petit.
Gurvan Le Guellec