6 Septembre 2010
VIVRE SA VILLE - Le 03/09/2010 -11 :14:06
Invitées: Annie FOURCAUT, professeur d'histoire contemporaine à Paris 1 - Panthéon
Sorbonne .
INTERVENANTE
11 h 14! Place à «VIVRE SA VILLE» de Sylvie ANDREU, bonjour
Sylvie, comme tous les vendredis c'est l'actualité de la ville.
SYLVIE ANDREU
Bonjour à vous! Effectivement aujourd'hui vendredi c'est l'actualité de la ville - riche comme toujours de trés nombreux événements et parutions - et il fallait choisir et nous nous sommes arrêtés sur une Exposition qui vient d'ouvrir à la Galerie des Bibliothéques à Paris dans le 4eme arrondissement. Annie FOURCAUT est avec nous, merci d'être avec nous, vous êtes professeur d'histoire contemporaine à Paris 1 - Panthéon Sorbonne et avec Florence
BOURILLON qui enseigne l'histoire contemporaine à l'université Paris Est Créteil, vous êtes commissaires de cette exposition et vous vous êtes penchées sur 150 ans de l'histoire des arrondissements de notre capitale, avec une date fondatrice: 1860. Alors que s'est-il passé en 1860 ?
ANNIE FOURCAUT
Alors, en 1860, Paris trouve sa taille actuelle, le libellé exact de
l'exposition c'est le 150ème anniversaire des limites actuelles de Paris, du Paris
des 20 arrondissements et, en 1860, en conséquence d'une loi de 1859, votée
sous le Second Empire, on annexe 11 communes + des morceaux de
communes qui sont situées autour de Paris, ce qu'on appelait à l'époque la
petite banlieue, c'est-à-dire une bande de territoire qui était située entre le mur
des fermiers généraux - qui était le mur d'octroi qui limitait l'ancien Paris - et les
fortifications de THIERS.
SYLVIE ANDREU
Il y a une sorte de campagne, presque, pas tout à fait?
ANNIE FOURCAUT
Alors un mélange de campagne, de bourgs ruraux, comme
Ménilmontant, Belleville, Charonne, Neuilly, Auteuil, le petit Ivry, c'était ce qu'on
appelait dans le langage de l'époque les faubourgs, c'est-à-dire c'est un
mélange d'agriculture, il y avait encore des vacheries où on vendait du lait,
etcetera, mais c'était aussi une zone où se développait trés vite l'industrie, les
entrepôts, la grande industrie capitaliste - on est au moment du grand
développement du capitalisme en France sous le Second Empire -la Villette par
exemple ...
SYLVIE ANDREU
C'était une ville en devenir, quoi, hein?
ANNIE FOURCAUT
C'est exactement une ville en devenir! Et le problème, c'est qu'elle est
divisée administrativement en un nombre de petites communes que
HAUSSMANN et NAPOLEON III jugent incapables de gérer cet anneau en
pleine expansion ...
SYLVIE ANDREU
D'accord! Donc, politiquement, on avait intérêt à rassembler ce pari là ?
ANNIE FOURCAUT
Alors c'était devenu une absolue nécessité à partir du moment aussi. .. il
faut rappeler que, cette annexion, elle est contemporaine de ce qu'on appelle
l'Haussmannisation de Paris, en même temps que HAUSSMANN et
NAPOLEON III- c'est très difficile de distinguer qui fait quoi dans le couple ...
SYLVIE ANDREU
Dans les deux! Hum! Hum.
ANNIE FOURCAUT
Rénovent complètement l'ancien Paris, en font le Paris moderne,
quasiment que nous connaissons aujourd'hui.._
SYLVIE ANDREU
C'est-à-dire tout en même temps, quoi, 2 chantiers?
ANNIE FOURCAUT
Il leur apparaît nécessaire de sortir des limites quasi médiévales de
l'ancien Paris et de créer d'entrée de jeu la grande métropole internationale
qu'ils souhaitent.
SYLVIE ANDREU
Donc c'est le grand Paris de l'époque?
ANNIE FOURCAUT
C'est exactement le grand Paris de l'époque! Limitè, il faut rappeler
aussi cet épisode, parce que sans ça on ne comprend pas pourquoi on s'est
arrêté là, limité par le fait qu'on avait construit dans les années 1840 ce qu'on
appelle les fortifications de THIERS (sous la monarchie de juillet) et que la loi
d'annexion étend Paris jusqu'au pied des fortifications.
SYLVIE ANDREU
Alors Paris s'est fait en un jour?
ANNIE FOURCAUT
Ah! En un jour, non.
SYLVIE ANDREU
En une année, en 1860 ?
ANNIE FOURCAUT
La décision majeure c'est 1860, ceci dit on en discutait depuis 20 ans.
SYLVIE ANDREU
Depuis un moment.
ANNIE FOURCAUT
On en discutait depuis 20 ans, mais la monarchie de juillet je dirais n'a
pas eu les reins assez solides pour passer outre l'opposition, notamment d'un
certain nombre de communes de banlieue qui ne voulaient pas de l'annexion,
ou d'un certain nombre d'industriels qui ne voulaient pas de l'annexion.
SYLVIE ANDREU
Il y avait déjà des empêcheurs de faire, quoi?
ANNIE FOURCAUT
Eh bien le gros probléme c'est qu'annexer ça veut dire reculer l'octroi,
donc reculer le paiement des taxes et donc tous les industriels - c'est une
espéce de zone franche, de zone franche incontrôlée, trés dynamique, les
industriels les plus dynamiques, etcetera, s'installaient dans cette zone - si on
recule le territoire parisien, on recule la zone d'octroi et, donc, ils vont payer
l'octroi, donc il y a eu tout un tas de discussions techniques pour échapper à cet
octroi.
SYLVIE ANDREU
Annie FOURCAUT, rapidement, qu'est-ce qu'elle montre, qu'est-ce
qu'elle dit cette exposition et est-ce une leçon et un outil de travail pour les
aménageurs d'aujourd'hui?
ANNIE FOURCAUT
Alors elle montre que la décision de 1860 a été précédée par des
débats, la construction des fortifications est suivie de tout un tas de
conséquences. L'idée de Florence BOURILLON et de moi-même ce n'est pas...
c'est de ne pas se limiter à l'évènement politico administratif, la loi de 1859,
l'extension de 1860, c'est de montrer que cette extension de 1860 a des
conséquences sur toute la suite de la croissance de Paris et de la banlieue,
parce que, une fois qu'on a étendu Paris, on va araser les fortifications, on va
se débarrasser de la zone qui était aux portes des fortifications et, là, on va
découvrir un univers qu'on n'avait absolument pas penser, qui est J'universde la
banlieue. Donc, on veut... enfin notre propos c'était de situer l'évènement de
1860 dans une séquence 1840 - 1940, d'abord parce que le devenir de la ville
c'est lent, un siècle, un demi siécle, etcetera ... et l'événement de l'annexion en
fait, a des conséquences au moins pendant 50 ans. Est-ce que c'est une leçon
pour les aménageurs d'aujourd'hui? Eh bien déjà faire de l'histoire c'est
toujours une leçon, donc je pense que... il ne s'agit pas de dire le grand Paris
d'aujourd'hui et le grand Paris de 1860 c'est la même chose, ça n'aurait pas de
sens, mais de montrer que, face aux problémes trés aigus qui se posaient dans
le Paris des années 1840 - 1850, des solutions, finalement qui ont trés bien
tenues la route, ont été trouvées sous le Second Empire.
SYLVIE ANDREU
Derniére question ! Qui remplace HAUSSMANN aujourd'hui?
ANNIE FOURCAUT
Personne! Personne. Parce que le systéme politico administratif a
complétement changé et rêver d'un HAUSSMANN pour la banlieue, comme
c'était le cas dans les années 30, c'est devenu impossible.
SYLVIE ANDREU
C'est un rêve perdu. Mais...
ANNIE FOURCAUT
Ce n'est pas un rêve perdu, c'est un rêve politiquement impossible ...
SYLVIE ANDREU
Difficile!
ANNIE FOURCAUT
Aujourd'hui, on n'est plus sous le Second Empire.
SYLVIE ANDREU
Merci ! A ne pas manquer en tout cas l'exposition «150 ANS DE
L'HISTOIRE DES ARRONDISSEMENTS PARISIENS» à la Galerie des
Bibliothèques, ni les très nombreuses manifestations et promenades urbaines à
retrouver sur le programme de Paris.fr. La semaine prochaine «VIVRE SA
VILLE» est dans l'univers scolaire des élèves, à lundi. 11:20:41 FIN°